Rencontres de Chaminadour 2021 : « Lydie Salvayre sur les grands chemins de Georges Bernanos ».
Invitée d'honneur des Rencontres de Chaminadour 2012.
Au cours des années 1970, Sylvie Germain suit des études de philosophie auprès d'un professeur qu'elle admire, Emmanuel Levinas. Son mémoire de maîtrise porte sur la notion d'ascèse dans la mystique chrétienne, et sa thèse de doctorat concerne le visage humain (Perspectives sur le visage : trans-gression ; dé-création ; trans-figuration). C'est sur les conseils de Roger Grenier, à qui elle envoie un recueil d'écrits, qu'elle se lance dans l'écriture de son premier roman, le Livre des nuits, Gallimard, 1984 ; Jours de colère, Gallimard, 1989 - Prix Femina. Ce n'est qu'en 2005, avec Magnus, Albin Michel, qu'elle se fait connaître du grand public en remportant le Goncourt des lycéens. En 2013, elle publie Petites scènes capitales, Albin Michel, un roman qui confronte l'âme au passage du temps. Brèves de solitude, Albin Michel, 2021, est son dernier roman.
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(...) Et s'ils (amis de la nature, mais "chasseurs" ) connaissent mieux que d'autres le comportement et le caractère des chiens, ils ne peuvent s'empêcher de les considérer d'un point de vue un peu trop fonctionnel. Car finalement le chien de chasse, le gardien de troupeaux, le chien de traineau, le chien d'avalanche, le chien policier ont une utilité dérisoire, à côté de celle du chien qui ne sert à rien. Celui-là est fait pour donner et recevoir l'amitié et l'amour. (p.93)

Dans son discours de Stockholm , en 2006, le Prix Nobel Orhan Pamuk a fait le tour de la question:"J'écris parce que j'en ai envie. J'écris parce que je ne peux pas faire comme les autres un travail normal. J'écris pour que des livres comme les miens soient écrits et que je les lise. J'écris parce que je suis très fâché contre vous tous, contre tout le monde. J'écris parce qu'il me plaît de rester enfermé dans une chambre, à longueur de journée. J'écris parce que je ne peux supporter la réalité qu'en la modifiant. J'écris pour que le monde entier sache quel genre de vie nous avons vécu, nous vivons, moi, les autres, nous tous, à Istanbul, en Turquie. J'écris parce que je crois par dessus-tout à la littérature, à l'art du roman. J'écris parce que c'est une habitude et une passion. J'écris parce que j'ai peur d'être oublié. J'écris parce que je me plais à la célébrité et à l'intérêt que cela m'apporte. J'écris pour être seul..." (p.176/ Folio, septembre 2012)
-Marc Bernard, le fils du chercheur d'or"-
Marc Bernard était tout à fait lucide. Il s'est interrogé lui-même sur son goût de liberté, avec sa conséquence inévitable, une certaine solitude. Il en parle dans- Mayorquinas-:
"Si l'on me demandait pourquoi je fuis les hommes, je ne saurais quoi répondre. Ils n'ont pas été dans l'ensemble hostiles, et je n'ai jamais beaucoup compté sur eux pour tenter d'être heureux... La liberté pour moi est la source du bonheur; c'est de là qu'il jaillit et court au hasard des heures. Mais il a son revers; ce qui était choix devient habitude, nécessité. Le goût de la solitude agit peu à peu comme une drogue." (p.30)
Plus ou moins, écrire est une entreprise de séduction.Du lecteur,bien sûr.Mais aussi, secrètement, de celui ou celle avec qui tout peut commencer, ou avec qui tous les autres moyens ont échoué, ou encore avec qui tout est fini, bref avec qui on a un compte amoureux à régler. ( Folio, 2012, p.115)
-Ecrire l'amour, encore-
Que nos livres, à défaut d'être promis à l'immortalité, deviennent ainsi des mots de passe qui restent ensuite, comme des précieuses reliques, dans la mémoire des amants, voilà sans doute ce que nous pouvons leur souhaiter de mieux. (p.118, Folio, 2012)
A rapprocher du sentiment de Camus:
"Nous sommes quelques-uns à ne pas supporter qu'on parle de la misère autrement qu'en connaissance de cause" (p.54)
-Un jeune homme fou de littérature, Gaston Gallimard-
Deux sortes d'hommes laissent une grande oeuvre: ceux qui sont mus par une idée fixe, et ceux qui, curieux de tout, incarnent pleinement leur époque. Gaston Gallimard relève des deux genres. Son idée fixe est la littérature, et sa curiosité fait de lui un découvreur. (p.81)
Ce qui fait rêver, avec le morse, c'est le légendaire S.O.S, trois points, trois traits, trois points. Beaucoup passent leur vie à en lancer, sans grand espoir d'être entendus. Et nos livres, que sont-ils d'autres ? (p.18)
-Ecrire l'amour, encore...-
Il faut ajouter, au sujet de la vie privée, un paradoxe majeur qui concerne l'amour. Aimer appartient au domaine de l'intime, ce qui n'empêche pas l'amour d'être un éternel sujet d'inspiration littéraire. (...)
Sans amour, nos oeuvres ont vite fait de devenir anémiques. (Folio, 2012, p.109)
Rue Lamarck
De la rue Caulaincourt, après avoir descendu une volée d'escaliers, on se trouve rue Lamarck. Et là, à deux pas de l'entrée du métro, une librairie s'appelait Le Château des Brouillards, allusion à un célèbre édifice montmartrois. Il y a même un roman de Roland Dorgelès qui porte ce titre. Ma mère, passant devant la librairie, voit un livre de moi en vitrine. Toujours aussi sûre d'elle, elle entre et dit : " Je suis la mère de l'auteur." Le libraire, Maurice joyeux, lui répond: " Je serais heureux de le connaître." C'est ainsi que je suis devenu l'ami de Joyeux et de sa famille. Joyeux le bien nommé qui animait les anarchistes de Montmartre, le groupe Louise Michel, et le journal -Le Monde Libertaire- Ma mère m'introduisant chez les anarchistes ! Ce n'est qu'un des épisodes paradoxaux de sa vie, et de la mienne. (p. 91)