La conception du paradis est au fond plus infernale que celle de l'enfer. L'hypothèse d'une félicité parfaite est plus désespérante que celle d'un tourment sans relâche, puisque nous sommes destinés à n'y jamais atteindre.
L'obligation où l'on est de vivre sur un coin de terre marqué en rouge ou en bleu sur la carte, et de détester les autres coins en vert ou en noir, m'a paru toujours étroite, bornée, et d'une stupidité finie.
Au-dessus de la vie, au-dessus du bonheur, il y a quelque chose de bleu et d'incandescent, un grand ciel immuable et subtil dont les rayonnements qui nous arrivent suffisent à animer des mondes. La splendeur du génie n'est que le reflet pâle de ce Verbe caché. Mais si ces manifestations nous sont, à nous autres, impossibles, à cause de la faiblesse de nos natures, l'amour, l'amour, l'aspiration nous y envoie ; elle nous pousse vers lui, nous y confond, nous y mêle. On peut y vivre ; des peuples entiers n'en sont pas sortis, et il y a des siècles qui ont ainsi passé dans l'humanité comme des comètes dans l'espace, tout échevelés et sublimes
et quand le jour viendra où je ne te serai plus rien, écris-le, comme tu le dis, sans détour ni sans façon ; de ce jour-là commencera alors une nouvelle phase.