Citations sur Camille Claudel : La création comme espace de liberté (14)
Les attentes : le démon caché dans toute âme enthousiaste.
Ma féroce amie, ma pauvre tête est bien malade et je ne puis plus me lever le matin. J’ai des moments d’amnésie où je souffre moins, mais aujourd’hui, l’implacable douleur reste. Camille ma bien-aimée malgré tout, malgré la folie que je sens venir et qui sera votre œuvre, si cela continue. Ma souffrance tu n’y crois pas, je pleure et tu en doutes. Le respect que j’ai pour ton caractère, pour toi ma Camille est une cause de ma violente passion. Ne me traite pas impitoyablement je te demande si peu. Rodin.
L’amour avance à pas de danse, sans gestes tapageurs. Des mouvements incertains, flous, vagues où le vide se gonfle de sens. Pendant les pauses, le destin se noue. Une étreinte entre la vague et la plage qui s’unissent incessamment, sans jamais se posséder complètement. Le bonheur, c’est l’air frais d’un matin de printemps dans lequel planer et flotter. Mais mon corps s’est vêtu de bronze et comme un geôlier sadique il m’a de nouveau enchaînée à Rodin.la violence de la passion qui ralentissait ma hâte de vivre s’était affaiblie. L’éloignement de sa présence, de son regard inquisiteur sur mon corps et sur mon âme était réconfortant.je ne voulais plus éprouver cette douleur, donc je ne devais plus me laisser prendre au piège de l’amour frelaté de Rodin.
Ne confondez pas ce qui est masculin avec ce qui est profond. Une femme aussi est capable d’exprimer cela !
Une main pour mettre de l’ordre dans les souvenirs. Pour leur donner de la consistance. Pour les faire émerger du chaos informe, du temps qui s’est enfui. Mes mains vibraient de vie et de désir.
Ce paysage était tellement incroyable que mon imagination pouvait créer librement un monde différent où la beauté, les sentiments et l’imagination subjuguaient la matière. Et la lumière créait des clairs-obscurs qui animaient les pierres en leur donnant une voix. L’insouciance me donnait la force d’attendre l’aube qui amènerait le changement.
Les autorités m’ont fait des promesses, elles ont manigancé des embrouilles. Aucun mécénat pour moi, pas pour une femme ! des commandes jamais payées, des œuvres refusées. J’ai bu le poison de la frustration. J’ai été condamnée à l’indigence, pourquoi ? J’avais osé défier l’ordre rigide des conventions sociales. La honte du déshonneur pesait sur moi. Moi, une femme, je voulais être libre d’aimer ? Libre de me réaliser ? Une folle, murmuraient-ils. Ils hurlaient : Une folle ! avec leur voix et leurs regards. Des regards qui s’abattaient sur moi comme un feu grégeois. Dans les yeux des gens et de mes proches, il n’y avait que de la désapprobation. De la désapprobation pour la femme indécente, l’artiste négligeable, insignifiante. Trahie par mes nerfs qui cédèrent sous le coup du désenchantement. Trahie par ma propre famille qui me fit enfermer dans un asile d’aliénés à 45 ans. J’étais seule. Je suis seule. Mais je ne serai pas oubliée. Mon art me rendra justice.
Non, ce n’était pas de l’amour. C’était la faim qui le poussait vers moi. Avec voracité, il se nourrissait de mon corps.
Sentir l’énergie vitale qui irradie de nos mains et se propage dans la matière, modeler l’homme à l’image de notre idéal : l’art d’être une divinité.
Maman, pour te mettre en valeur, j’ai dû déchirer le voile que tu avais toi-même tissé. De tes grands yeux, j’ai saisi la douleur secrète. De ton corps, l’esprit de résignation. De tes mains, l’abnégation complète. J’ai toujours pensé que tu me détestais, parce que je n’avais pas voulu me soumettre comme toi tu l’avais fait. Mais avec le temps, j’ai compris qu’au fond de toi tu m’enviais parce que je n’étais pas comme toi.