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Critique de ma_dalton


Tout n'est pas ori.. ble dans ce roman kaléidoscopique. Bien au contraire! Si la vague est un phénomène nombreux comme nous dit l'auteur Serge Forest, ce livre l'est tout autant, tant il nous offre des angles de lecture différents. Il nous entraîne dès les premières pages
dans une saga passionnante et déjantée celle de la famille Lelarge, richissime propriétaire d'une usine de transformation et de distribution de fruits de mer.
Le roman social n'est pas loin non plus. Les Lelarge font vivre une grande partie du village de Baie-Trinité sur la Côte Nord, engage des centaines de travailleurs marocains dans un contexte de mondialisation et de manipulation du prix des ressources. Les Lelarge règnent en seigneurs et maîtres mais bientôt leur entreprise fera la convoitise de certains.
Les personnages de pêcheurs, les deux Serge, Sar'h et Guenille sont truculents. le bateau d'Hercule alias Serge Cabana porte le nom Les juments de Diomède, les fameuses juments carnivores que le roi de Thrace, Diomède, nourrissait avec la chair de ses hôtes. Les 450 pages qui constituent le roman sont ainsi émaillées de références bien amenées, de jouissifs clins d'oeil à la mythologie, la littérature, la musique mais aussi d'informations scientifiques, biologiques, linguistiques. La vaste culture générale de l'auteur ne peut que nous laisser pantoise.
Le réalisme magique, le romantisme, le surréalisme de l'écriture de Serge Forest évoque rapidement Haruki Murakami et son incontournable Kafka sur le rivage. Et comme par hasard, à la p. 93, un énigmatique japonais, Mori Ishikawa, apparait sur la plage de Baie-Trinité. Il va transformer la vie de Laurie, celle de sa famille et celle de tout le village. Il cherche en effet à créer une nouvelle couleur qui se nourrit de la conscience humaine. « le souvenir d'une couleur est le souvenir d'une lumière multiplié à l'infini. Les yeux voient un spectre de couleurs; par le langage le cerveau les distingue. Laurie avec son esprit elle pouvait donner à toute chose, cette couleur étrange et belle… »
Le récit prend des allures de polar où Fréderic Goyette de l'agence canadienne d'inspection des aliments, amené à faire enquête sur une intoxication collective, cherche à percer le mystère de l'ori.
C'est également un roman initiatique où Laurie Lelarge, cheminant vers l'âge adulte, nourrit son imaginaire de la lecture de Houllebecq, Kundera et Duras. Elle attend que sa vie change et sa rencontre avec Mori et l'ori vont façonne sa sensualité et sa vision du monde.
« Un pincement unit le rêve avec le non rêve. Dans la logique de la réalité, l'acte engendre le ressenti. La logique du rêve fonctionne de manière opposée le ressenti y engendre l'acte. Laurie savait que toute sa vie devenait lentement comme ça. Les événements dépendaient de ses sensations. Dans le brouillard quelque chose avait été renversé. »
La sexualité traverse tout le roman, omniprésente, crue, déjantée mais saturante parfois. Mori conserve son sperme dans des éprouvettes et invite Laurie à l'observer se diluer dans les vagues, Saturne Lelarge sombre dans des partouzes avec une bande de junkie, sa soeur Suzanne se constitue une panoplie d'amants pêchée parmi les pêcheurs. L'auteur ne manque ni d'imagination, ni de vocabulaire ni d'audace, ni d'humour. « En fait, il avait collé sa bitte sur sa cuisse avec du Scotch Tape pour ne pas que son érection permanente ne paraisse. » En tout cas, si plusieurs d'entre nous ont des réticences à étaler leur intimité devant leur médecin, les patients du Dr. Forest (pseudonyme) ne devraient avoir aucune crainte. Il est capable de tout entendre, de tout accueillir.
J'attends avec impatience le prochain ouvrage du Dr. Midas (pas celui qui s'occupe de nos mufflers) mais celui qui transforme tout en or.

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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