Citations sur Histoire de la sexualité, tome 1 : La volonté de savoir (73)
Mais on a affaire le plus souvent à des points de résistance mobiles et transitoires, introduisant dans une société des clivages qui se déplacent, brisant des unités et suscitant des regroupements, sillonnant les individus eux-mêmes, les découpant et les remodelant, traçant en eux, dans leur corps et dans leur âme, des régions irréductibles.
[...] c'est le socle mouvant des rapports de force qui induisent sans cesse, par leur inégalité, des états de pouvoir, mais toujours locaux et instables.
Penser à la fois le sexe sans la loi, et le pouvoir sans le roi.
Ce dont il s'agit dans cette série d'études ? Transcrire en histoire la fable des "Bijoux indiscrets".
Il s'agit en somme de définir les stratégies de pouvoir qui sont immanentes à cette volonté de savoir. Sur le cas précis de la sexualité, constituer l' "économie politique" d'une volonté de savoir.
Nous sommes au plus loin, avec ces vérités avouées, des initiations savantes au plaisir, avec leur technique et leur mystique. Nous appartenons, en revanche, à une société qui a ordonné, non dans la transmission du secret, mais autour de la lente montée de la confidence, le difficile savoir du sexe.
Qu'on s'imagine combien dut paraître exorbitant, au début du XIIIe siècle, l'ordre donné à tous les chrétiens d'avoir à s'agenouiller une fois l'an au moins pour avouer, sans en omettre une seule, chacune de leurs fautes.
[...] on se fait à soi-même, dans le plaisir et la peine, des aveux impossibles à tout autre, et dont on fait des livres. On avoue - ou on est forcé d'avouer.
A repérer donc, non pas le seuil d'une rationalité nouvelle dont Freud - ou un autre - marquerait la découverte, mais la formation progressive (et les transformations aussi) de ce "jeu de la vérité et du sexe" que le XIXe siècle nous a légué, et dont rien ne prouve, même si nous l'avons modifié, que nous en sommes affranchis.
Ne pas vouloir reconnaître, c'est encore une péripétie de la volonté de vérité.