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Critique de Matatoune


Ce n'est pas que dans la coiffure (le port de dreadlocks) mais aussi dans l'art (seuls les musiciens noirs pourraient jouer de la musique jazz) et la culture (les étudiants canadiens font supprimer un cours de yoga pour ne pas « s'approprier » la culture indienne) que les inquisiteurs en « appropriation culturelle » envahissent les réseaux sociaux pour imposer leur vision d'un monde ségrégationniste et identitaire.
Le nouvel essai de Caroline Fourest « Génération offensée » dénonce ce phénomène qui a démarré en Amérique du Nord et que certains voudraient voir importer dans les pays francophones.
Qu'est-ce que c'est ? L'utilisation d'éléments de culture par un groupe dit dominant est sujet à controverse puisque ce groupe est supposé avoir une attitude oppressive et d'expropriation. Il est accusé de pillage des cultures des minorités. Dans son analyse, Caroline Fourest décrit toutes les nuances et les implications de ce phénomène.
Les exemples sont nombreux : La marque Zara est obligée de retirer une chaussette aux dessins ethniques. Polémique autour du spectacle d'Ariane Mnouchkine qui aurait pu être annulé car il ne présentait pas des comédiens des membres des communautés dont il parlait (2018 – Kanata). La conférence de Sylviane Agazinski est annulée à la faculté de Bordeaux pour jugement possiblement homophone par rapport à ces positions contre la PMA ( Octobre 2019). Organisation en Seine-Saint-Denis d'ateliers en non – mixités par Sud Éducation. Et l'affaire Mila (2020) évidemment pas citée par Caroline Fourest, trop récente. Cette affaire a déchaîné non seulement les réseaux sociaux mais aussi le monde politique et social.
Importer cette lutte des États-Unis est un non sens puisque les bases du racisme ne sont pas les mêmes, comme le rappelle Caroline Fourest. Dans ce pays, la référence à la religion et à l'ethnicité est ouvertement annoncée et revendiquée et le mot race est affiché. Ce n'est pas le cas en Europe. Aux États-Unis, l'appropriation culturelle va très loin en créant même des « Safe Space », des lieux communautaires pour se remettre des offenses présumées ressenties.
Plus les personnes, souvent jeunes, entrent dans ce schéma, plus leurs réactions sont médiatisées et plus elles se trouvent conforter dans ce processus de victimisation. Caroline Fourest démontre que cette génération Y n'a pas connu les esclavages, les déportations, les colonisations et le fascisme de gauche comme de droite et à tendance pour se vivre libre à se ressentir comme victime.
Les universalistes ont perdu. Les identitaires sont partout. On pense au roman de Philip Roth, La Tache, où la fiction rejoint la réalité avec le triomphe de la pensée sectaire. Nos banlieues, souvent abandonnées, sont des exemples édifiants. Une génération qui considère que la couleur de peau ou la religion ou une idée donnent stricto-facto accès à plus, puisque sensée subir une différence négative depuis longtemps, même si elle entraîne une rupture du principe d'égalité républicaine.
Ce qui est intéressant c'est que Caroline Fourest donne des pistes pour lutter contre ce mouvement identitaire. Il faut apprendre aux jeunes à faire la différence entre protester et censurer. Il faut aussi leur faire comprendre comment ne pas être « offensés » et aussi facilement « offensables ». Il faut veiller à créer des espaces où tout le monde peut parler de tout, quitte à offenser. Tout ceci pour ne plus laisser des tyrans individuels faire la loi !
Je n'avais jamais lu d'essai de Caroline Fourest. Facile d'accès, avec des exemples précis, « Génération offensée » est un essai agréable à découvrir, assez court, qui permet à la fois de comprendre ce qu'est l'appropriation culturelle et de veiller à la combattre dans ses accès identitaires.
Ne laissons pas la lutte des races, des ethnies, des minorités affirmée son aspect identitaire en remplacement de la dimension universaliste qui fonde notre histoire ! Voulons-nous une société de la protestation ou une société de la censure ? Soyons vigilant pour qu'une poignée de personnes, jeunes en général, élevées dans le cocon du capitalisme libéral entraine la société dans cette dérive sectaire. Ce livre peut nous y aider !
https://vagabondageautourdesoi.com/2020/03/11/generation-offensee-caroline-fourest/
Lien : https://vagabondageautourdes..
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