Citations sur Génération offensée : De la police de la culture à la polic.. (41)
Depuis quelques années, les professeurs se montrent terrorisés à l'idée d'aborder certains sujets jugés "offensants" pour les élèves. Ils doivent même prévenir s'ils comptent évoquer des oeuvres susceptibles de les perturber ou de contenir des "micro-agressions".
Si bien que nous vivons dans un monde furieusement paradoxal, où la liberté de haïr n'a jamais été si débridée sur les réseaux sociaux, mais où celle de parler et de penser n'a jamais été si surveillée dans la vie réelle.
Une meute d’inquisiteurs
Comme toutes les tempêtes, les vents mauvais de l’Inquisition moderne commencent toujours par se lever sur les réseaux sociaux. Lieu de liberté, Internet est aussi le lieu de tous les procès. On s’y déchaîne anonymement, on y lynche au moindre soupçon. Une meute de trolls furieux que la philosophe Marylin Maeso appelle « les conspirateurs du silence », tant ils parviennent à nous museler. Nous vivons l’avènement de ce « monde de silhouettes », ce monde de faux-semblants que redoutait Albert Camus. Partout, règne la tyrannie de l’offense, comme préalable à la loi du silence.
En mai 1968, la jeunesse rêvait d'un monde où il serait "interdit d'interdire". La nouvelle génération ne songe qu'à censurer ce qui froisse ou l'"offense".
L'université doit rester un lieu ouvert à tous, où se croisent les idées. On ne peut pas y pratiquer la ségrégation, même inversée.
On rêverait de campus redevenant des "safe space" pour le débat d'idées et la transmission d'une culture commune. Des sanctuaires où l'on pourrait avoir des débats contradictoires et courtois impossibles à mener sur Internet. Ces débats deviennent de plus en plus difficiles à organiser.
Si bien que nous vivons dans un monde furieusement paradoxal, où la liberté de haïr n’a jamais été si débridée sur les réseaux sociaux, mais où celle de parler et de penser n’a jamais été si surveillée dans la vie réelle.
Une part non négligeable de l'hystérie collective actuelle tient à l'épiderme, extrêmement douillet, des nouvelles générations. Et plus encore au fait qu'on leur a appris à se plaindre pour exister. (...) Les sociétés contemporaines ont placé le statut de victime tout en haut du podium. (...) L'excès commence lorsque la victimisation tend à faire taire d'autres voix, et non les dominants.
Le Canada, pays modèle du "multiculturalisme", est aussi celui ou l'on perd la tête au nom de l'"appropriation culturelle". Le mal est très avancé. Un vrai laboratoire pour savoir où mènent ces campagnes. A l'automne 2015, une affaire a sidéré la presse, pourtant habituée à bien des folies. Alors que le monde saigne et se disloque, des jeunes canadiens se mobilisent... contre un cours de yoga !
C'est tout le problème du droit à la différence. Au lieu d'effacer les stéréotypes, il les conforte, et finit par mettre les identités en concurrence.
Si bien que nous vivons dans un monde furieusement paradoxal, où la liberté de haïr n'a jamais été si débridée sur les réseaux sociaux, mais où celle de parler et de penser n'a jamais été été si surveillée dans la vie réelle.