AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Vers l’autre été (21)

- J'y ai rencontré Anne. J'étais célibataire et j'ai été invité un soir chez Tim (dont vous ferez la connaissance) et Anne était là. Elle m'a vu et elle a tout fait pour m'attraper, et elle m'a eu.
Philip réussissait à rendre cette traditionnelle semi-plaisanterie sur la séduction et le mariage flatteuse pour Anne qui, au lieu de lui lancer un regard lourd de reproches silencieux, lui sourit affectueusement, établissant avec tendresse l'identité de son mari, remplissant instinctivement la véritable fonction de l'amour, qui consiste à avoir le courage de placer l'être aimé à l'écart de soi. L'union fait la force - celle de reconnaître que un est deux ; portée par l'amour, l'identité même légère comme du papier de soie devient solide comme une pierre.
Commenter  J’apprécie          40
... et de leur baie hantée,
Les barges s'envolent vers l'autre été.
Partout dans la lumière et dans le calme
L'ombre du départ murmure ; le lointain nous regarde ;
Et nul ne sait où il s'étendra ce soir.
Commenter  J’apprécie          40
Lottie. Lottie. C'était le prénom de ma mère, pourtant nous ne l'appelions jamais Lottie, seuls nos oncles et tantes étaient autorisés à utiliser ce nom. (...) Parfois, lorsque nous avions une visite, le mot sortait étrangement de la bouche de mon père (...)
- Comme je le disais à Lottie pas plus tard que ce cet après-midi...
Le mot était étrange et effrayant ; en distinguant ma mère il semblait la séparer de nous. Il éveillait ma curiosité à son sujet et me rendait jalouse d'elle ; son prénom était une façon de nous dire "Non" - mais n'étions-nous pas ses bébés, n'avais-je pas été son bébé chéri jusqu'à ce que Dorry naisse ? Et quand le prochain naîtrait, ne serait-il pas, lui aussi, son petit bébé chéri ? Une horrible panique m'envahissait quand j'entendais son nom ; je la voyais s'éloigner, de plus en plus loin ; je savais que c'était vrai, elle ne faisait pas partie de nous et nous ne faisions pas partie d'elle, et j'étais moi, seulement moi et personne d'autre.
Commenter  J’apprécie          30
Comment s'était-elle jamais habituée à vivre en Grande-Bretagne, se demanda-t-elle. Comment avait-elle pu échanger le soleil, la plage, la tente chatoyante de lumière, le paysage spectaculaire, montagnes, rivières,ravins, glaciers, contre la blessure saignante de briques qui semblait une part importante de ce pays ; les arbres grêles de l'hiver, si fatigués, qui poussaient dans la crasse, comme si un dieu débraillé, penché au-dessus de la blessure qu'il voulait nettoyer avait pris quelques brindilles pour la sonder, et amusé par ce qu'il voyait, les avait laissées plantées dans la blessure.
Commenter  J’apprécie          30
Noel chante. C'est de nouveau le matin. Philip et Anne et les enfants se lèvent. Maintenant je les entends en bas. Il doit être dix heures, on est dimanche. Pourquoi s'arrêter à Dieu? Pourquoi faire de Lui le couvercle, la couverture, le toit de la mythologie humaine? Pourquoi, du fait que les mots nous manquent quand nous atteignons Dieu, avons-nous peur et nous arrêtons-nous dans notre voyage, pourquoi ne pas continuer, chanter d'abord, comme Noel chante quand il s'éveille, les mots inintelligibles qui un par un s'épanouiront dans le nouveau langage?
Commenter  J’apprécie          20
Dans cette maison les livres n'avaient pas de frontières ; ils débordaient, ils inondaient ; il fallait monter sur le toit en agitant la main pour appeler à l'aide, envahi par le regret de vos meubles préférés qui s'abîmaient déjà dans le suintement montant de la pensée...
Commenter  J’apprécie          20
Il était encore temps de retourner à Londres dans l'appartement, de se retirer dans la solitude miséricordieuse, s'asseoir devant sa machine à écrire pour s'envoyer à elle-même des signaux bruyants, ce qui constituait son style et son intention littéraires.
Commenter  J’apprécie          20
J'aime lire. Une fois que les mots sont sur le papier, ils ne changent jamais; quand vous ouvrez un livre, ce qui y est imprimé ne tombe jamais.
Commenter  J’apprécie          10
Elle alla se coucher tôt, emporta un somnifère sur un petit moule en aluminium qui avait contenu une tartelette aux pommes Lyons. Elle avala le cachet, dormit, et se réveilla à minuit, et allongée pensa à la température, à la lumière, aux oiseaux migrateurs à la force de Coriolis ; et au lent dégel qui s'étendait, accompagné de pluie, en provenance de l'ouest ; et au nuage brumeux qui se formait dans sa tête, et à son sang qui coulait dans ses veines libéré de son puits glacial ; et son cœur battit plus vite quand elle sentit sur la peau de ses bras et de ses jambes, de ses seins et de son ventre, et même au sommet de sa tête les minuscules picotements de plumes commençant à pousser. Elle lança son bras au dessus du drap et appuya sur l'interrupteur blanc qui allumait la lampe de chevet ; elle rejeta les couvertures, examina sa peau. Pas de plumes. Juste une sensation de duvet et de pennes, et ce duvet et ces pennes, ainsi que d'autres manifestations de l'autre monde, pouvaient être tenus secrets ; personne d'autre n'avait besoin de l'apprendre. En un sens, découvrir sa véritable identité était un soulagement. Depuis si longtemps elle s'était sentie non humaine, et avait pourtant été incapable de s'orienter vers une espèce différente ; fauvette, bergeronnette, bruant jaune ? coucou pie-grièche, goglu des prés, grand labbe ? albatros, euplecte franciscain, barge ?
Elle dormit, et s'éveilla de nouveau quand la circulation matinale eut repris et que les premiers métros tressaillirent sous terre, ils semblaient assez proches, elle se demanda si la ligne passait juste au-dessous de son appartement, elle voulait toujours poser la question mais oubliait régulièrement de situer le tremblement qui revenait toutes les cinq minutes. Ah, alors elle se souvint. Elle sut qu'elle pensait à la circulation afin d'oublier son principal sujet de préoccupation ; elle s'était changé en oiseau migrateur.
Comment te sens-tu ? se demanda t-elle, n'ayant plus peur, goûtant presque la cocasserie de la situation.
- Ça va, répondit-elle. pas tellement différente, seulement soulagée de le savoir enfin ; mais ce sera maintenant une solitude plus grande que jamais, et il y a la pensée qu'après m'être découverte oiseau plus rien ne s'arrêtera, je pourrais changer d'espèce, encore et encore - jusqu'où ? je ne sais pas, mais de plus en plus loin du monde humain.
Elle enfonça son visage dans l'oreiller ; elle essaya de trouver des explications parmi les lumières colorées qui fusaient de l'arrière de ses yeux, parmi les raies rouges et jaunes, les arbres bruns, le soleil qui se déplaçait dans le coin le plus à l'ouest au bout d'une ficelle pourpre. Pourquoi un oiseau migrateur ? sans doute parce que j'ai voyagé depuis l'autre bout du monde.
Commenter  J’apprécie          00
Il ne sert à rien de dire Freud, Freud. Les gens le font, vous savez. Comme s'ils pressaient une éponge sale.
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (78) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les écrivains et le suicide

    En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

    Virginia Woolf
    Marguerite Duras
    Sylvia Plath
    Victoria Ocampo

    8 questions
    1719 lecteurs ont répondu
    Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}