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Critique de Arimbo


Une relecture passionnante de ce roman d'Anatole France, plus de 50 ans après la première lecture.
L'auteur nous fait revivre « de l'intérieur », à travers la vie non pas des personnages historiques, Robespierre, Marat, Saint-Just, etc…mais de celle de gens du peuple, l'épisode horrible de la Révolution française qu'est la Terreur.
L'écriture du récit emploie le vocable et les tournures de ce temps de la Révolution, ce qui met le lecteur au plus près de l'atmosphère de l'époque.

Le personnage central de l'histoire, Evariste Gamelin, est un artiste peintre obscur, qui peine à vendre ses toiles, et qui est amoureux d' Elodie Blaise, la fille d'un marchand de gravures et de tableaux.
Nommé juré du tribunal révolutionnaire, grâce à une intrigante, Louise de Rochemaure, on le voit peu à peu basculer dans le fanatisme et l'inhumanité.
Alors qu'à ses débuts au tribunal, il va s'efforcer de fonder son jugement sur la présence de preuves incontestables, il devient progressivement un accusateur fanatique qui condamne à mort et sans distinction tous les accusés qu'il considère en bloc comme des ennemis de la République.
Cette période terrible va s'achever par la chute de Robespierre que le récit nous fait vivre par les yeux d'Evariste Gamelin et par l'exécution de ce dernier et de tous les acteurs de la Terreur.
Le roman se termine par le retour de Paris à la vie plus insouciante du Directoire, et par l'idylle naissante entre Élodie Blaise et un autre artiste peintre.

L'intérêt majeur du roman, je trouve, c'est qu'il nous livre les ressorts de cette folie « purificatrice » à l'oeuvre durant la Terreur: la guerre contre les ennemis extérieurs, ces armées étrangères contre lesquelles la République française lutte, l'obsession d'un ennemi intérieur que l'on imagine partout et qu'il faut détruire à tout prix, aussi l'obsession de ne garder dans le pays qu'un noyau d'êtres purs, désintéressés.

En cela, je n'ai pu que penser à la monstrueuse folie des autres fanatiques et paranoïaques que nous avons connus depuis: folie de l'élimination des ennemis intérieurs présumés par les nazis, par Staline, les dictateurs du Bloc de l'Est et d'ailleurs, par les Khmers rouges, folie de l'élimination des mécréants par les fous de Daech, en définitive folie inhumaine de tous les intolérants, y compris celles et ceux qui pullulent sur les réseaux dits sociaux.

Un autre thème passionnant, et que je n'avais pas perçu de cette période, et le roman le montre avec acuité, c'est le Déisme à l'oeuvre. Après avoir combattu l'Église catholique, ses prêtres et évêques, la Révolution construit une nouvelle religion qu'elle considère comme plus pure, celle de l'Etre Suprême.
Et elle rejette ceux qui prônent tout à la fois l'athéisme et la libre pensée, tel le citoyen Brotteaux des Ilettes, l'antithèse d'Evariste Gamelin, un ancien noble hébergé par la mère de Gamelin, un être plein d'humanité, de joie de vivre, et qui finira comme tant d'autres sur l'échafaud.

En conclusion, voilà un roman qui est, entre les lignes, une profonde critique des extrémités où conduit l'idéal révolutionnaire. Tous ces idéalistes deviennent inéluctablement des fanatiques destructeurs de la vie humaine et persuadés d'être des élus, de détenir la Vérité, alors qu'il ferait si bon de vivre ensemble, avec de la tolérance pour les opinions des autres.
Et tout cela dans un beau roman qui oppose subtilement l'insouciance et l'amour, bref la vie simple des gens, aux horreurs sanglantes des fanatiques.

Anatole France, un écrivain injustement oublié et à redécouvrir.
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