Parmi leurs dirigeants se trouvait Robespierre, le président des Jacobins qui, très attentif à son apparence, faisait quotidiennement coiffer et poudrer une chevelure qui n'avait rien à envier à celle des courtisans. Il avait l'air d'un « chat » disait de lui Merlin de Thionville, un autre Jacobin, le genre de chat qui, d'animal domestique se transforme au fil du temps en bête sauvage et finit par prendre « l'aspect féroce d'un tigre ».
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En Angleterre, la reine Charlotte confiait à son journal : « Je pense souvent qu'il n'est pas possible que nous vivions au XVIIIème siècle en ce moment, car l'Histoire ancienne ne fournit guère d'exemples aussi barbares et cruels que ceux donnés par nos voisins en France. »
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L'immense palais était en effet un paradis pour les animaux de compagnie, paradis dont la propreté était notoirement absente, comme le remarquaient les visiteurs étrangers. Il y avait des chats partout. Louis XV les adorait mais - était-ce l'effet du hasard ? - le dauphin les détestait. Le roi possédait un persan blanc extrêmement gâté qu'il était interdit aux courtisans de taquiner; d'autres animaux appartenant à une espèce d'angoras gris très connue grimpaient sur les tables de loto et tripotaient les boules de leurs pattes velues. La Du Barry avait un perroquet et des singes blancs ainsi qu'un chien qui reçut un collier de diamants, offrande propitiatoire du prince héritier de Suède en visite à Versailles. La princesse de Chimay avait elle aussi une prédilection pour les singes en dépit du célèbre épisode au cours duquel l'animal dont elle était propriétaire, laissé en liberté dans son boudoir, s'était barbouillé de rouge et couvert de poudre à l'instar de sa maîtresse, puis avait fait une entrée bondissante dans la salle du souper à la grande terreur des convives.
L'application sur les joues d'une grande quantité de rouge constituait elle aussi une coutume caractéristique. On ne colorait pas délicatement le visage, on y dessinait avec précision deux énormes ronds d'une teinte très voisine de l'écarlate. D'après Casanova, le rouge mettait les yeux des femmes en valeur et leur donnait l'air d'être en proie à une "furie amoureuse".
Selon un dicton qu'il y cite [Louis Petit de Bachaumont], une fille de quinze ans était un coffre dont la serrure devait être forcée et une femme de trente ans, une pièce de venaison prête à être embrochée; ensuite, à quarante ans, c'était un grand bastion où le canon avait fait plus d'une brèche et à cinquante une vieille lanterne dans laquelle on ne plaçait une mèche qu'à regret.
Il y avait aussi à Versailles des dames âgées qui étaient, d'après le prince de Ligne, impressionnantes comme la Rome en ruine et gracieuses comme l'Athènes classique. La vieille maréchale de Mirepoix était par exemple si charmante qu'elle donnait l'impression à la personne à qui elle parlait de n'avoir de toute sa vie jamais pensé à qui que ce fût d'autre. On commettrait une grave erreur en sous-estimant l'influence qu'avaient les personnes âgées à Versailles, en particulier les femmes. Même si la fraîcheur de la jeunesse - attribut si évident chez la Dauphine - inspirait un attachement sentimental, les premières rides n'annonçaient pas la disparition du prestige. Une femme était en général jugée vieille à trente ans, ou tout au moins la pensait-on désormais dépourvue de la séduction due à sa beauté (c'était pour les femmes de plus de vingt-sept ans que le "bal des vieux" était en fait donné).