Car, en démocratie, tout est matière à négociation, sauf les contraintes de la société de travail qui, elles, sont posées en tant que postulats. Ne sont discutables que les modalités et les formes de développement de ces contraintes.
Il faut redécouvrir la lenteur.
La société de travail exige l’individu entier, son sacrifice complet, sa mobilité dans l’espace et sa flexibilité dans le temps.
La crise de la société de travail a totalement ridiculisé l’idée selon laquelle le travail serait une nécessité éternelle imposée à l’humanité par la nature.
Autrefois, les hommes travaillaient pour gagner de l'argent. Aujourd'hui, l'État ne regarde pas à la dépense pour que des centaines de milliers d'hommes et de femmes simulent le travail disparu dans d'étranges "ateliers de formation" ou "entreprises d'insertion" afin de garder la forme pour des "emplois" qu'ils n'auront jamais.
Chaque fois que l'homme moderne veut insister sur le sérieux de son activité, il a le mot " travail" à la bouche.
Il y a belle lurette que salariés et délégués du personnel ne voient plus leur véritable adversaire dans le management de leur entreprise, mais dans les salariés des entreprises et des " sites " concurrents, peu importe que ce soit dans la localité voisine ou en Extrême-Orient.
Le jogger remplace la pointeuse par le chronomètre, le turbin connaît sa renaissance post-moderne dans les clubs de gym rutilants et, au volant de leurs voitures, les vacanciers avalent du kilomètre comme s'il s'agissait d'accomplir la performance annuelle d'un routier. Même le sexe suit les normes industrielles de la sexologie et obéit à la logique concurrentielle des vantardises de talk-shows.
Si, à l’avenir, les exclus ne veulent pas vivre de charité chrétienne et d’eau fraîche, ils devront accepter n’importe quel sale boulot, n’importe quel travail d’esclave, ou n’importe quel " contrat de réinsertion ", si absurde soit-il, pour prouver leur inconditionnelle disponibilité au travail.
La transformation idéologique du " travail devenu rare " en premier droit du citoyen exclut par le fait même tous ceux qui n’ont pas le bon passeport. La logique de la sélection sociale n’est pas mise en cause, mais simplement définie d’une autre manière : les critères ethniques et nationalistes sont censés désamorcer la lutte pour la survie individuelle. " Les turbins nationaux aux nationaux ", crie la vox populi qui, dans l’amour pervers du travail, retrouve encore une fois le chemin de la Nation. C’est l’option du populisme de droite, et il ne s’en cache pas. Sa critique de la société de concurrence ne vise qu’au nettoyage ethnique des zones de richesse capitaliste qui se réduisent comme peau de chagrin.