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Critique de Sofiert



Les mots me manqueraient presque pour faire le compte-rendu de ce livre totalement scandaleux, écrit par une femme en 2022.
Tout au long de cette courte lecture, j'ai cru à une mystification et attendu une révélation qui me permettrait de comprendre pourquoi un livre sur Frida Kahlo adoptait le point de vue de son mari, Diego Rivera. Pire encore j'ai cru à une parodie des propos sexistes qu'un homme, mari et artiste, pouvait tenir à l'encontre d'une compagne dont il jalouse le talent, tout en prétendant le contraire.
Mais tout laisse à penser que le texte de Christine Frérot ne dépasse pas le premier degré.

Alors, comment peut-on écrire et publier un livre qui contient pléthore de déclarations sexistes, narcissiques et méprisantes du même type que l'exemple ci-dessous ?
" Je suis, je reste l'homme éternel, l'astre dominant, protecteur, salvateur, le pilier central et indispensable de sa galaxie d'amour du monde. Sept peintures, échelonnées entre 1931 et 1949, années les plus fécondes de sa production, témoignent d'un désir de communion amoureuse où figurent, autour de sa complaisance autocentrée à se représenter, tous les thèmes récurrents de Frida : la fertilité, la maternité, la nature exotique du Mexique et sa culture préhispanique. Et comme épicentre et liant absolu de cette constellation, c'est ma présence qui donne tout son sens à chaque tableau. "

On assiste ici à la réappropriation de l'oeuvre d'une femme par un homme à son paroxysme.
Il est possible que Diego Rivera ait éprouvé des sentiments ambivalents vis à vis du talent de Frida, quoique je n'ai jamais rien lu de tel dans d'autres biographies. Mais s'il a tenu ce genre de propos, il était du devoir de l'auteure d'en donner les références et d'en commenter le contexte.
Il est difficile de juger si elle a conscience d'avoir présenté un personnage masculin tellement odieux qu'il me semble caricatural. Certes il se présente comme un séducteur impenitent mais c'est une manière très masculine de se valoriser. Lorsqu'il parle de Frida et son oeuvre, il utilise tous les clichés de la féminité pour la définir en opposition avec son oeuvre personnelle axée sur le monde extérieur. Frida est évoquée en termes d'intimité, d'exotisme, d'esoterisme, de lien avec la nature et de franfreluches.
De plus, oser parler de" complaisance autocentrée" à propos de Frida Kahlo est totalement absurde lorsque l'on connaît son oeuvre.

Je ne comprends absolument pas la démarche de Christine Frérot.
Dans la charte de la collection " le roman d'un chef-d'oeuvre", on peut lire ces mots : "Chaque auteur de cette collection raconte la véritable saga d'un tableau en le mettant en scène à l'époque et dans le lieu où il a vu le jour".
Pour ce faire, on devine aisément que les auteurs vont utiliser biographies, correspondances et autres supports.
Mais l'auteure fait le choix de faire parler Diego Rivera à la première personne. Ce choix empêche toute distanciation critique qui permettrait de mettre en perspective ce je écrasant. de plus aucune note de bas de page, aucune italique ne vient indiquer que de tels propos ont été effectivement tenus.
Même si c'était le cas, même si Rivera était ce pervers narcissique qui voulait maintenir Frida sous son emprise , pourquoi donner aux lecteurs la biographie d'une artiste en accordant une quelconque valeur à cette posture patriarcale ?
En adoptant ce point de vue, l'auteure oeuvre à la représentation d'une artiste entièrement dépendante de son mari, dont le talent n'a pu éclore que grâce à sa relation passionnelle avec un homme, bien loin de l'icône féministe qu'elle est heureusement devenue.
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