AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de BMR


● L'auteur, le livre (384 pages, 2024) :
Dalibor Frioux est un de ces intellectuels curieux de la chose scientifique, un agrégé de philo habitué à questionner notre époque (son mystérieux prénom est d'origine tchèque) .
Avec ces Vies électriques, il se propose de nous faire partager deux histoires avec de l'Histoire dedans.
Celle de l'allemand Hans Berger, psychiatre féru de télépathie, qui sera le père de l'électroencéphalogramme.
Berger est de l'époque où Marconi fait voyager les ondes et Roentgen découvre des rayons inconnus.
Et l'histoire d'un juif polonais, Zenon Drohocki, né un peu plus tard, qui finira dans un camp nazi d'Auschwitz. Lui sera le père des électrochocs.
Deux destins bien différents au coeur de ce siècle tourmenté.
Ce n'est pas certainement pas le siècle des lumières, loin s'en faut, mais peut-être celui de l'électricité, quand ce mot était encore synonyme de progrès (mais voilà qui résonne étrangement aujourd'hui).
Un sujet scientifique qui fait aussi écho au dernier Franck Thilliez : La faille, qui lui aussi tournait autour des ondes de notre cerveau.

● On aime :
❤️ On aime beaucoup la plume élégante de cet auteur, presque classique, ce qui convient parfaitement au siècle évoqué ici.
Une élégance sérieuse qui cache un brin de suave ironie, le ton de ces bios romancées qu'on affectionne tout particulièrement, à la manière d'un Jean Echenoz ou d'un Patrick Deville.
❤️ On apprécie que Frioux évite tout manichéisme dans sa mise en scène : ses personnages sont suffisamment complexes et tourmentés pour échapper à toute caricature.
❤️ du côté de Berger, le toubib allemand qui inventera l'EEG presque par hasard, on savoure l'histoire de la famille bourgeoise et compassée (le toubib épousera une von Bülow) avec les soeurs qui rêvent d'émancipation (elles obtiendront le droit de vote en 1918, bien avant les françaises) et la douce poésie qui émane des relations entre Hans et sa soeur Pauline avec qui il pratique la télépathie.
❤️ du côté de Drohocki, le comte juif polonais qui se retrouve à Auschwitz, c'est évidemment moins frivole. le stalag est un camp de travail forcé pour l'entreprise IG Farben à proximité (le caoutchouc dont ont besoin les armées du Reich).
Mais l'on ne peut que rester admiratif devant les manigances du "docteur" et de ses codétenus qui vont monter un véritable hôpital et tout un labo d'expérimentation grâce aux vols de matériels commis par les ouvriers sur les chantiers d'IG Farben. Avec même la complicité des SS.

● L'intrigue :
Le bouquin est une double biographie romancée ou l'auteur alterne les chapitres entre ses deux personnages.
C'est toute la première moitié du XX° siècle qui défile ici : Berger est né en 1873, il traversera la première guerre mondiale et sa chère épouse pourra apprécier l'ascension d'Hitler et du nazisme.
Drohocki est né trente ans plus tard, en 1903, en Pologne. Et sous une mauvaise "étoile".
D'un côté Hans Berger, son enfance, sa famille, sa carrière, et sa longue et laborieuse quête du fameux électroencéphalogramme qu'il finira tout de même par mettre au point, un peu par hasard.
De l'autre côté, Auschwitz où le juif Zenon Drohocki est déporté dans un camp de travail. Il se retrouve bientôt à officier dans l'hôpital de fortune du camp où il finira par expérimenter ses électrochocs sur de nombreux "patients" plus ou moins volontaires.
Dans la vraie vie (dont le livre soigneusement documenté, reste très proche), ces deux curieux savants auront même l'occasion de se croiser dans les couloirs d'un congrès à Paris : une brève rencontre qui ponctue cette double histoire. Une curiosité très intéressante.
Pour celles et ceux qui aiment quand le courant passe.
Livre lu grâce aux éditions Grasset.
Lien : https://bmr-mam.blogspot.com..
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}