AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Soune


le livre retrace le parcours de quatre jeunes allemands dissidents pendant la montée au pouvoir d'Adolf Hitler. Malgré le danger imminent que représente Hitler, ces quatre jeunes ne vont pas renoncer à leurs idéaux. Ils continuent leur engagement politique contre le régime nazi, occasionnant en cela la méfiance de leurs compatriotes. Cela les obligera rapidement à fuir leur propre pays afin de rester en vie, gagnant alors le statut de réfugiés à Londres.
« 3 juillet 1934
Loi sur les mesures de légitime défense de l'Etat

Les mesures prises le 30 juin, les 1er et 2 juillet 1934 pour réprimer les complots contre la sûreté de l'Etat et les actes de haute trahison sont égales à titre de légitime défense de l'Etat. »


« Légitime défense de l'Etat » cache en fait des assassinats politiques.


Ce roman est profondément dramatique. Grâce à la connaissance de Ruth Blatt, survivante de ce groupe de jeunes allemands dissidents qui a passé quelques années en Australie, Anna Funder s'inspire de la vie de cette femme pour en faire une fiction digne des plus grandes tragédies. L'auteur n'existe plus. Elle se contente de donner voix aux membres du groupe dissident. L'histoire narrée ici est passionnante. Toutefois, je suis restée sur ma réserve tout au long de ma lecture. A mon sens, cette histoire aurait pu être écrite par n'importe quel passionné de recherches historiques ou scénaristes de films. Pourquoi cette critique de ma part ? Ce livre a visiblement fait l'objet d'énormément de recherches. Je lui tire mon chapeau car le travail est impressionnant et mérite qu'on le remarque. Cependant, lorsque l'auteur met l'accent sur le roman, je vois une pointe de déception apparaître. A ce niveau, j'attendais quelque chose de plus créatif. Un roman se base sur l'imaginaire. Ici, la frontière est mince pour le désigner comme un roman ou un témoignage historique.

Fiction ? Réalité ? Dans la construction même de ce livre, la question se pose de déterminer dans quelle mesure ce livre est un témoignage. Quand entrons-nous dans la fiction ? Même si à plusieurs reprises je me suis sentie quelque peu assommée par la somme de détails historiques, m'obligeant à m'accrocher pour ne pas laisser mon esprit vagabonder, j'ai adoré découvrir autant d'informations sur notre passé européen. Ce livre apporte beaucoup de lumière sur la montée au pouvoir d'Hitler et notamment sur les moyens dont il a usé pour faire taire toute personne opposée à ses principes sans pour autant outrepasser le seuil de l'illégalité (assassinats, extraditions, camps de concentration). Beaucoup d'ouvrages sont parus depuis 1945 concernant les nazis, mais aucun à ma connaissance ne mentionnait la résistance qu'Hitler a affrontée pendant cette période. Nous n'entendions parler que des atrocités commises par les nazis. En même temps, comment ne pas en parler vu la quantité de crimes commis par eux au nom de l'Allemagne. Malheureusement, beaucoup trop d'Allemands ont été assimilés aux nazis. Je suis heureuse de constater que le contraire est démontrable. Anna Funder s'attache ici à décrire cette résistance. Ce livre est donc rare.

Oui mais voilà… Cela était sans compter sur le couperet : ce livre est un roman.

Le livre est écrit en suivant scrupuleusement les souvenirs alternés de deux rescapés vieillissant : Toller aux États-Unis en 1939 et Ruth en Australie en 2001. le récit est lent, comme les personnes qui le racontent et qui vieillissent. Procédé étrange que de décrire deux protagonistes raconter leur vie à deux périodes distinctes ou erreur de ma part ? En fait, Ruth est malade. Elle ne se souvient plus des évènements récents. Juste du passé…. On comprend mieux la technique de l'auteur. Anna Funder est en cela une véritable romancière. Elle semble ici maîtriser parfaitement les outils ingénieux de la narration.
Pendant toute la lecture, le lecteur est propulsé dans leurs vies intimes actuelles et passées, et ce jusqu'à leur dernier soupir.

Le courage et l'amitié que partagent ces personnes sont émouvants, les traitrises nous fendent le coeur. Oui mais voilà…. Ce roman se veut une « reconstitution » de faits véridiques. C'est un peu contradictoire, non ?
« Quand Hitler est arrivé au pouvoir le 30 janvier 1933, mon amie Ruth et ses amis ont fui l'Allemagne, et c'est en cet exil qu'ils ont tenté de faire tomber le dictateur. Ce livre retrace leur histoire, ou plutôt ma version de leur histoire. Ce livre en est une reconstitution à partir de fragments fossiles un peu comme l'on pourrait garnie de peau et de plumes un assemblage d'os de dinosaure, pour tenter de se faire une idée de la bête dans son entier. (…) la plupart des personnages portent des noms authentiques, à quelques exceptions près ».
Jusqu'où a-t-elle puisé dans ses sources ? Ce roman est-il hautement réaliste ou relève-t-il au contraire plus du rêve historique? J'avoue avoir été perdue, ballotée d'un côté comme de l'autre, ne sachant trop où je me trouvais.

Ces questions m'ont mise mal à l'aise et m'ont empêchée de profiter pleinement de l'histoire.

Ruth confie à l'auteur : « Qui je suis ? Personne ». Anna Funder semble, elle, persuadée du contraire en voulant arracher de l'oubli cette dame courageuse dont l'histoire serre le coeur. N'oublions pas qu'Hitler a tenté de supprimer les identités de ces dissidents qui osaient le défier via des suppressions de passeport par exemple. Ce livre est magnifique car il touche à la difficulté de continuer à exister lorsqu'on est officiellement inexistant et en cela, ce livre est extrêmement touchant. Ces jeunes dissidents aspirent à un « chez soi » alors qu'ils n'en ont plus. Ils cherchent à se construire alors qu'on fait tout pour les annihiler.
Cet ouvrage nous remémore l'ascension d'Hitler faite avec l'appui des démocraties européennes aveugles. Aveugles ? Pas si sûrs. Cela n'est pas sans rappeler l'excellent film anglais Glorious 39 révélant un épisode historique méconnu de cette époque : de nombreux membres du gouvernement anglais, ont fait pression sur leurs collègues pour signer un traité de paix avec Hitler en 1939. Ce traité consistait à laisser Hitler envahir l'Europe si, en contrepartie, il épargnait le Royaume britannique. Peur de perdre la guerre face à Hitler? Pression économique? La Seconde Guerre mondiale cache beaucoup de choses.

Malgré mes réserves, ce livre a le mérite de mettre en lumière une période trouble où la morale était douteuse chez beaucoup de monde, tous milieux et pays confondus. L'héritage du sang, voilà ce que nous offre ce livre.

Un roman que je recommande donc sans hésiter.
Lien : http://aupetitbonheurlapage...
Commenter  J’apprécie          151



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}