Et ils expliquaient que M. Favoral était caissier principal et même probablement un des gros actionnaires du Comptoir de crédit mutuel, une de ces admirables institutions financières qui ont surgi avec le second Empire et qui gagnaient à la Bourse leur premier banco le jour où se jouait dans la rue la partie du coup d’État.
– Oh ! je sais la profession du bourgeois, disait le domestique. Mais quel espèce d’homme est-ce ? Voilà ce que ma cousine voudrait savoir.
Le marchand de vins du 43, le plus ancien boutiquier de la rue, était mieux que personne à même de répondre. Deux petits verres civilement offerts lui délièrent la langue, et tout en trinquant :
– M. Vincent Favoral, commença-t-il, est un homme de cinquante-deux ou trois ans, mais qui paraît plus jeune, car il n’a pas un poil blanc. C’est un grand maigre, avec des favoris bien taillés, la bouche pincée et des petits yeux jaunes. Pas causeur. Il faut plus de cérémonies pour tirer une parole de son gosier qu’un écu de sa caisse.
C’est l’avidité des dupes qui fait la friponnerie des dupeurs…
- Et cependant, je n'avais pas l'âme d'un scélérat... Je voulais m'enrichir, mais honnêtement, par mon travail et à force de privations...
Il s’arrêtait devant la marchande qui a sa baraque au parvis Saint-Louis, et il lui achetait, pour Mlle Gilberte, un bouquet de saison.