Citations sur Le soleil (8)
Et dans une surenchère fatale, des viols impliquant des victimes de moins en moins consentantes, à des mises en scène macabres, d’abord sans mise à mort, puis avec. Le perfectionnement de son style, où il ferait se rejoindre la frustration de ne pas être un « vrai artiste » et la technique virtuose du chirurgien, finissant par culminer dans le chef-d’œuvre monstrueux, baroque, incompréhensible de l’assassinat du Dahlia.
La femme n’existerait qu’en vue du plaisir masculin, accru des “humiliations, atteintes physiques et douleurs que l’homme inflige à ses partenaires”. Et l’œuvre, défouloir complaisant des pulsions et des fantasmes de l’artiste, sous quelque angle qu’on veuille la considérer, serait irrémédiablement infectée de ce poison.
Quand il rêvait, il rêvait qu’il nageait. Quand il nageait, il se remémorait ses rêves. Sauf qu’en rêve, lorsqu’il nageait il restait désespérément immobile, il se débattait, et que remémorés les rêves acquéraient eux aussi une étrange fixité. S’il nageait avec aisance, c’était donc qu’il ne rêvait pas. Si le rêve ressemblait davantage à une scène vécue qu’à l’idée qu’il se faisait d’un rêve, alors il rêvait.
Le plus intrigant était le silence qui, depuis le début, entourait Le Soleil. Jamais publié, transmis de la main à la main pendant un demi-siècle à des destinataires choisis, sans qu’à aucun moment le fil de la transmission se perde, puis dérobé de façon rocambolesque, mais sans que le silence des initiés, un autre demi-siècle plus tard, ait davantage été rompu : tous ces mystères, réfléchissait-il, devaient avoir une explication commune et elle se trouvait nécessairement dans le texte lui-même.
Si des gosses avaient commis le larcin, il pouvait avoir été commandité par n’importe qui. Dans tous les guides qu’il avait consultés, on mentionnait comme un trait caractéristique la répugnance des Grecs à voler, et il avait même lu, dans un chapitre de généralités sur le pays, que lorsqu’un vol s’y produisait, aussitôt les regards se tournaient vers les résidents étrangers et les touristes.
Avec des moyens différents, la formule idée-humour-instant-hasard et l’abandon actif aux caprices du rêve et de l’imagination pour Man, et pour Pound le recours boulimique à l’Histoire, à la culture, qu’il écrivait en se moquant de lui-même « Kulchur », et un encyclopédisme parfois digne de Pic de la Mirandole, avec des moyens radicalement différents donc, tous deux avaient revendiqué et mis en pratique le même credo : faire du neuf, ne jamais se répéter.
Il aimait dire, par exemple, que ses photographies n’étaient que des résidus oxydés d’organismes vivants, sacrés par la lumière et les éléments chimiques. C’était l’une de ses formules. L’expression visuelle, selon lui, ne pouvait prétendre à être rien de plus que le résidu d’une expérience. L’image qui a survécu à l’expérience, expliquait-il, n’étant au mieux que le rappel tragique, et plus ou moins clair, de l’événement. Il avait recours pour illustrer cette idée à une métaphore magnifique. Comme les cendres non troublées d’un objet consumé par les flammes. »
La réalité tangible, fractionnée, déformée, agie de l’intérieur par le passé.