Je voulais construire mon récit autour de trois personnages féminins qui, en apparence, n’ont rien en commun. Smita, Giulia et Sarah ne vivent pas sur le même continent, elles n’ont pas la même culture, ni la même religion. Elles ne parlent pas la même langue, n’ont pas le même niveau social, ni la même situation familiale. Elles n’appartiennent pas au même type de société, mais chacune, à sa manière, est enfermée, cantonnée à un rôle qu’on lui a assigné. Chacune endure une forme de discrimination. Ce qui va les réunir, au delà de ces différences, c’est cette pulsion de vie, cet élan qui va les porter à conquérir une forme de liberté.
J’ai effectué de nombreuses recherches pour la partie indienne de mon récit. Je suis moi-même allée en Inde il y a quelques années, et ai visionné des dizaines d’heures de documentaire sur la condition des Intouchables là-bas - et des femmes en particulier. Ce qu’ils endurent est inimaginable. Pour eux rien n’a changé au fil des siècles, le système des castes les maintient dans une très grande précarité. Certes le gouvernement fixe des quotas de places réservées dans l’administration et les universités, mais malgré cela, la discrimination perdure. L’histoire de Smita est fictionnelle, mais toutes les situations décrites sont inspirées d’événements réels. C’est terrifiant.
Je voulais peindre le portrait d’une jeune fille qui va devenir une femme. La transformation de Giulia s’effectue à travers deux événements : la perte (symbolique puis réelle) du père, et sa rencontre avec un homme étranger, porteur de valeurs différentes de la société traditionaliste et patriarcale qu’elle connait. Cette ouverture au monde, Giulia l’a en elle depuis toujours puisqu’elle est une « dévoreuse » de livres, une autodidacte qui « voyage » à travers les romans qu’elle emprunte à la bibliothèque. C’est d’ailleurs là qu’elle recroise Kamal, l’homme sikh qui va changer sa vie. Sa rencontre avec lui, et les épreuves qu’elle traverse vont la faire grandir, la révéler à elle-même.
A travers le portrait de Sarah, j’ai voulu illustrer le profond dilemme de nombreuses femmes de notre société occidentale, et l’écartèlement permanent dans lequel elles vivent. Elles doivent être des mères parfaites, des épouses modèles, assumer toutes les tâches domestiques et réussir brillamment leur carrière. C’est une position intenable. La société leur demande trop, et ne leur fait pas de cadeaux. On pardonne à un homme de délaisser son foyer pour se consacrer à son métier ; pas à une femme. Pourtant, dans le milieu professionnel où évolue Sarah, elle n’a guère le choix. Elle porte ce corset invisible dont parle si bien Eliette Abecassis. Elle est écartelée, coupée en deux, comme de très nombreuses femmes que je connais. Je ressens une profonde empathie pour ce personnage.
Je suis moi-même une femme, une épouse, une mère. En tant qu’écrivain, j’avais envie de parler de ce que c’est qu’être une femme dans le monde d’aujourd’hui. J’ai puisé mon inspiration en observant les femmes de mon entourage. Certaines d’entre elles sont de véritables héroïnes, qui livrent dans leur vie quotidienne des combats titanesques. Je les aime et je les admire. Je voulais leur rendre hommage dans ce livre.
Oui, j’ai de suite conçu mon récit comme un entrelacement. Je ne voulais pas écrire trois nouvelles, trois récits indépendants mais bien un roman, une seule œuvre tissée de ces trois portraits. Pour moi, le lien entre ces femmes, au-delà des cheveux, est un lien de solidarité, de fraternité. Il y a quelque chose qui passe entre elles, une forme d’espoir, d’énergie. Dans Angels in America, Tony Kushner évoque « a web, a great net of souls », qu’on peut traduire par « un grand filet d’âmes » ; j’aime beaucoup cette idée que les êtres sont reliés les uns aux autres, d’une manière symbolique.
J’avais envie d’une autre forme d’écriture, qui me permettrait plus de liberté que l’écriture scénaristique. Enfant et adolescente, j’ai beaucoup écrit de poésie, j’ai même gagné un concours à l’âge de quinze ans. Cela fait vingt ans que je développe des scénarii, et je crois que la musique des mots me manquait. Un scénario n’est pas une œuvre en tant que tel, dans le sens où il n’est pas destiné à être lu mais à être filmé. Il faut entrer, au sens propre comme au sens figuré, dans un cadre. Et puis il y a les contraintes de la production, de l’industrie cinématographique… J’ai découvert dans l’écriture romanesque une très grande liberté. J’ai adoré ! Et j’ai très envie de continuer.
Mon plus ancien souvenir de lecture remonte au roman Le Petit Prince, que me lisait mon père le soir. Il avait gardé une très vieille édition de son enfance. Je crois que j’ai moi-même commencé à écrire des histoires à cette période là.
J’ai eu le souffle coupé en découvrant Mrs Dalloway de Virginia Woolf. Ça a été un grand choc. Une telle virtuosité, un tel talent… Elle est dans l’invention permanente. Elle incarne pour moi le génie littéraire à l’état pur.
J’ai lu L`amant de Marguerite Duras lorsque j’avais quinze ans – l’âge de l’héroïne du roman. La musique des mots de Duras m’a envoutée. « Regardez moi, j’ai quinze ans »… je connais des passages entiers par cœur, je ne m’en lasse pas. C’est comme un air de musique entêtant qui ne vous quitte pas.
L`amant, pour la raison citée plus haut. Et aussi Les Heures de Michael Cunningham… Je crois que ces deux romans ont profondément marqué ma vie de lectrice.
Belle du Seigneur d’Albert Cohen. J’ai aimé Solal pourtant, le premier volet de la tétralogie…
Elle n’est pas vraiment méconnue car le livre a eu du succès à sa sortie, c’est le premier roman d’Hugo Boris Le baiser dans la nuque… Un magnifique portrait de femme et une histoire d’amour puissante et singulière. La lecture de ce livre m’a habitée pendant des années, au point que j’ai décidé de le porter à l’écran.
Bonjour tristesse de Sagan… Je ne suis jamais vraiment parvenue à rentrer dedans…
« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». C’est une citation de Mark Twain que j’adore. Je l’ai d’ailleurs placée à la fin de mon livre.
Comme beaucoup de monde en ce moment (!), je lis la saga d’Elena Ferrante L`amie prodigieuse, tome 2 : Le nouveau nom. Et je relis La Promesse de l`aube… pour le plaisir…
Dans le cadre du festival Lire en Poche 2021, rencontre avec Laetitia Colombani sur le thème "Lire et écrire pour changer de vie". Entretien avec Camille Thomine. Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/recherche?requete=Laetitia%20Colombani Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
De combien de mèches de cheveux se compose une tresse classique ?