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Critique de Presence


Ce tome est une anthologie de 21 histoires courtes (entre 2 et 15 pages), initialement paru en 2018, sans prépublication. Chacune des histoires a été réalisée par une équipe artistique différente, et elles sont en couleurs. Ces histoires ont été réalisées par Neil Gaiman & Michael Zulli, Cullen Bunn, Leila Leiz et Toni Fejzula, Andy Clarke, Francesco Francavilla, Bill Willingham & Travis Moore, Jim Starlin & Phil Hester, Marguerite Bennett & Hoyt Silva, Paul Jenkins & Dablibor Talajic, Mike Carey & Szymon Kudranski, Marco Croner & Andrew Robinson, Charles Vess, Brian Azzarello & Toni Fejzula, Frank Tieri & Joe Eisma, Michael Gaydos, Joe Pruett & Cliff Richards, Marc Guggenheim & Laci, Stephan Nilson & Wesley Gunn, Aaron Douglas & Szymon Kudranski, Richard Starkins & Sarah Delanie, Mike Zagary & Will Sliney, Marko Stojanovic & Ivan Snaovic. L'ouvrage s'ouvre avec une introduction d'une page rédigée par Joe Pruett, le responsable éditorial de l'ouvrage et d'Afterschock Comics, professant son amour des anthologies.

Au temps présent, une sorcière vit dans une belle maison de campagne. Elle attire les chiffres de l'horloge pour les mettre dans la soupe qu'elle prépare. Elle a préparé 3 chagrins à la demande d'un client, qu'elle lui remet, chacun enveloppé dans une étoffe. Maisy aime bien jouer avec les papillons au parc, sous la surveillance de sa mère. Une nuit, sa mère découvre la chambre vide de Maisy des papillons qui s'envolent. Un pilote spatial a été capturé par un autre équipage, bourré de drogues et torturé. Un vaisseau spatial extraterrestre atterrit sur Terre et deux aliens commencent à asservir un enfant avec leurs capacités télépathiques. Un solide guerrier errant arrive dans la maison d'une jolie femme isolée, après avoir passé un col de montagne sous la neige. Une entité humanoïde abstraite et universelle considère son existence. Rosa a adopté une chienne battue, et elle vit avec un individu travaillant pour le crime organisé et qui n'oublie pas sa part. Phoebe est en train de préparer sa salle de mariage pour le banquet quand sa mère arrive et lui remet le dernier enregistrement audio de son père réalisé à son attention. Un garçon raconte sa jeunesse : il est né en 1959 et a grandi dans le quartier de Walton à Liverpool. Un aventurier spatial viole des femmes cryogénisées, un autre vit avec des femmes plantes qui lui sont entièrement dévouées.

Un homme âgé voyage sur une mule et arrive devant un fleuve dont émergent cinq anges. Agian est venue aider son copain à vider le grenier de tante Margaret qui est décédée. Red, une jeune femme, se fait fouiller à l'entrée d'un restaurant italien : elle vient voir Papa Occa pour s'expliquer sur le ratage de sa mission. Dans un appartement, une jeune fille contemple un crâne posé sur une table en pensant à la mort. de nuit sur un champ de bataille dans le désert, la mort vient trouver un soldat pour lui dire qu'il va y passer, mais qu'il y a peut-être un moyen. À New York, un chaman dessine un énorme sigil sur la chaussée d'une voie avec 8 files de circulation. Eugene Metro s'occupe de la réinsertion d'ancien supercriminel. Un individu enregistre ses mémoires sur une cassette audio : comment les élites ont conçu un virus pour une opération d'eugénisme d'envergure nationale. Dans une somptueuse demeure, le maître de maison s'apprête à sortir avec son revolver pour affronter des chiens. La société Moments se retrouve en capacité de publier les nouvelles du lendemain sur son site internet. Pendant la seconde guerre mondiale, dans un hôpital de campagne, une bonne soeur pleure devant le cadavre d'un soldat sur un lit : c'était son frère.

Joe Pruett n'a pas menti : il y a de tout dans cette anthologie, aussi bien des récits avec une chute que des récits avec une structure moins conventionnelle, aussi bien des récits réalistes que fantastiques ou de science-fiction. En parcourant la liste des nombreux auteurs (une quarantaine), le lecteur de comics américain en reconnaît de nombreux, aussi bien des jeunes que des anciens, avec de nombreux très connus pour leurs comics de superhéros ou leurs comics indépendants. À tout seigneur tout honneur, le recueil s'ouvre avec un poème de Neil Gaiman (Sandman et de nombreux romans) mis en images par Michael Zulli qui avait déjà travaillé avec lui à l'occasion de la série Sandman. le lecteur constate qu'il ne s'agit pas d'un texte original écrit pour l'occasion et que donc Zulli se livre à une interprétation, figeant les images générées par la poésie dans l'esprit du lecteur. Mais la vision de l'artiste est singulière et exquise, et le lecteur ne sent pas floué. Il remarque également que Charles Vess a signé sa dernière planche en 2012, c'est-à-dire un récit datant de 6 ans avant l'anthologie, mais quel plaisir rare et ineffable ! C'est exquis de bout en bout, moins gothique que Michael Zulli, plus tout public sans être enfantin, un régal pour un voyage extraordinaire, unique, onirique.

En fonction de ses goûts, le lecteur est plus attiré par les récits fantastiques, ou ceux de science-fiction, ou encore ceux du quotidien. Il se rend bien compte de la diversité des genres, mais aussi d'un élément choc dans chaque récit. Il peut se trouver dans la chute, comme dans le corps du récit. Il peut s'agit d'un élément horrifique visuel ou d'une situation tragique sur laquelle l'individu n'a aucune prise. Ces histoires s'inscrivent effectivement dans des genres très différentes : des 4 pages de l'histoire de science-fiction à chute de Francesco Francavilla (visuellement magnifique et très classique), à la fable sur des animaux anthropomorphes condamnés à se massacrer à cause d'un atavisme auquel ils ne peuvent échapper, en passant par un enlèvement par des fées, et par la jeunesse dans un quartier défavorisé de Liverpool. du fait de cette réelle diversité, il n'est pas possible de classer ces histoires par genre car elles se trouvent à la croisée de plusieurs. Il n'est pas possible de les catégoriser en fonction des approches graphiques, car ce n'est pas un critère signifiant. Par contre il est vraisemblable que le lecteur sera marqué par plusieurs d'entre elles, certainement différentes en fonction de ses sensibilités.

Par exemple, il peut être curieux de savoir ce que racontent des auteurs confirmés de comics. Bill Willingham, créateur et auteur de la série Fables (2002-2015) propose un récit qui ressemble à un conte avec un chevalier moyenâgeux de bonne extraction qui se retrouve face à une déesse incarnée. Les dessins de Travis Moore sont descriptifs, plaisants à l'oeil avec des rondeurs et une superbe mise en couleurs, mais manquant un peu texture pour apparaître réaliste. Bill Willingham écrit une histoire gentille, à la chute très cruelle qui fait mouche. Suit une histoire beaucoup plus courte de Jim Starlin, entre autres créateurs de Thanos en 1973. le lecteur qui connaît cet auteur sourit en découvrant une entité cosmique omnipotente. Phil Hester réalise des dessins un peu griffés et la chute est cruelle à souhait, avec un effet métaphorique quant à la personne qui se considère comme une entité omnipotente. Paul Jenkins et Dalibor Talajic racontent une histoire ancrée dans le réel : une jeune femme à la veille de son mariage écoute un message enregistré laissé par son père disparu. Les dessins sont réalistes, un peu doux, avec des visages expressifs et une utilisation intéressante de cases de la largeur de la page. le lecteur ressent l'amour du père pour sa fille et l'émotion de cette dernière en découvrant qu'il a pensé à elle avant de disparaître. La fin est déchirante, restant un registre réel. le lecteur passe alors au récit écrit par Mike Carey et illustré en noir & blanc avec nuances de gris par Szymon Kudranski. Il s'agit de l'évocation de l'enfance d'un petit garçon dans une famille pauvre, dans un quartier défavorisé portant encore de nombreuses traces des bombardements de la seconde guerre mondiale. Mike Carey écrit comme si le garçon devenu adulte commentait ses premières années, ses conditions de vie. Les dessins de Kudranski sont proches d'un photoréalisme avec des traits de contour très fins et secs. Il n'y a aucun événement fantastique, ni même extraordinaire. Mais les deux dernières phrases mettent cette vie en perspective avec d'une manière poignante, sans aucun misérabilisme, un tour de force.

Le lecteur aborde avec curiosité les autres histoires, s'adaptant sans difficulté aux changements de registres de genre, aux différences entre les façons de dessiner. Intrigué, il passe d'une relecture personnelle de la fable du Petit Chaperon Rouge au temps présent dans le crime organisé (Frank Tieri & Joe Esima), à 4 pages peintes par Michael Gaydos pour une brève rêverie. Il lit rapidement le récit de Joe Pruett & Cliff Richards, assez convenu avec des dessins très fonctionnels. Il hallucine devant le récit de Marc Guggenheim & Laci. Il perçoit en quoi chaque récit apporte un choc, tous de nature différente, la plupart durables, restant avec le lecteur après qu'il ait refermé l'anthologie. Les promesses annoncées dans l'introduction sont tenues : une anthologie variée, avec des auteurs aux sensibilités différentes, impliqués dans leur récit, que ce soit l'intrigue ou la mise en images. Même s'il apprécie différemment ces récits, le lecteur en ressort satisfait, profondément marqué par plus d'un tiers de ces histoires qui sont autant de pépites.
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