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Critique de gabb


gabb
29 septembre 2021
Cathy Galliegue et moi, c'est la rencontre fortuite, la découverte imprévue.
Si le Hasard existait toujours, ce Hasard qui jadis faisait (parfois) bien les choses, ce Hasard aujourd'hui supplanté par les nébuleux algorithmes, les recommandations numériques ciblées et les traceurs informatiques lâchement planqués dans les rouages de nos moteurs de recherche et de nos réseaux dits "sociaux", je dirais volontiers que c'est lui, le hasard et rien d'autre, qui m'a récemment conduit sur le site "actualitte.com".
Là était publié, sous le titre "Feel-good books : Est-ce que Sagan, Duras, écrivaient pour faire du bien ?", un article signé d'une Mme Galliegue dont je n'avais jusqu'alors jamais entendu parler.

Je suis d'une part complètement hermétique à ces fameux "feel-good books", et j'ai d'autre part trouvé assez pertinente la question posée sur Sagan et Duras, alors j'ai lu l'article avec attention.
Bien m'en a pris : j'y ai fait deux rencontres.

D'abord l'auteure passionnée, la femme de lettres bien décidée à faire reconnaître la valeur de son travail et à "donner aux histoires une petite musique différente, le style, peut-être".
Et puis la lectrice, aussi, celle qui fuit la facilité, qui se méfie "des trucs écrits à la truelle avec tous les ingrédients pour que ça fasse joli", celle qui aime être bousculée ("ce que je veux, ce que je cherche dans un roman, c'est qu'on me fasse du mal, qu'on me malmène, qu'on m'emmène dans les tréfonds de l'humanité et que j'en ressorte ébranlée").
Si c'est également votre cas, alors lisez Contre nature.
J'y viens (enfin !).

Contre nature, c'est une histoire tragique, l'histoire de trois "monstres", trois femmes incarcérées, trois destins chaotiques menant à la même impasse, la même case prison.
C'est une histoire de ventres aussi, de maternités douloureuses, refoulées, contrariées, de ventres trop pleins ou trop vides, de ventres profanés.
Trois histoires douloureuses en somme, sur fond de lourds secrets et d'univers carcéral glauquissime..
L'exact inverse du "feel-good", vous étiez prévenus.

> Comment et pourquoi ces trois femmes ont-elles atterri derrière les barreaux ? À vous de le découvrir, je ne dirai rien en l'absence de mon avocat.
> Comment vont-elles surmonter l'épreuve ? Par la lecture d'abord, et puis par l'écriture, quand l'une d'entre elles invite les deux autres à passer aux aveux manuscrits, à mettre des mots sur leurs crimes. ("On va leur donner ce qu'aucun tribunal ne nous a extirpé. On va dire ce que nous sommes les seules à savoir de nos vies intimes, cachées, honteuses. Et après ça, on sera un petit peu réparées, pas neuves, mais en meilleur état.")
La littéature comme meilleur moyen d'évasion, l'écriture comme premier pas sur le chemin de la résilience.

Tout cela est sombre, poisseux, éprouvant, et même si je suis généralement friand de ce genre de texte fort, j'aime quand même y trouver un peu de nuances et quelques motifs d'espoir, aussi ténus soient-ils, ne serait-ce que pour produire un effet de contraste encore plus saisissant. Ici, rien. Pas la moindre lueur dans la nuit des cachots où tout n'est que violence, colère et désolation. C'est un parti pris de l'auteur que je respecte, mais qui aura peut-être joué défavorablement sur mon plaisir de lecture.

Contre nature reste néanmoins un roman réussi et soigneusement travaillé dans la forme.
Il a le mérite de mettre en scène de manière efficace et originale des personnages complexes, plus humains que leurs passifs respecitfs pouvaient initialement le laisser supposer, des femmes en souffrance dont le principal tort fut sans doute d'être "entrée(s) par la mauvaise porte et bien trop jeune(s) dans le chaos d'une époque qui ne compte plus ses vaincus, qui ne se retourne même plus sur leurs dépouilles et les pousse du pied, hors de vue".

Un récit à trois voix puissant, terrible et cruel jusqu'à la dernière page, auquel il aura malgré tout manqué un je ne sais quoi pour que je sois complètement conquis...

Lien : https://actualitte.com/artic..
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