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Critique de elan_noir


Et si la Singularité, pour le triomphe de laquelle son omnipotent représentant, Ray Kurzweil, a créé une université en Californie, n'était qu'un mythe ?
Et si les transhumanistes, dont les délires effraient autant qu'ils fascinent, n'étaient que des imposteurs ?
Et si les alertes lancées par Stephen Hawking, Max Tegmark (professeur de physique théorique au MIT) ou encore Stuart Russel (professeur d'intelligence artificielle à l'université de Berkeley) n'étaient que les symptômes de la crainte ancestrale d'une hypothétique fin du monde ?
Bref, et si tout ceci n'était qu'une légende urbaine ?

En substance, c'est ce qu'entend démontrer Jean-Gabriel Ganascia, professeur à l'université Pierre et Marie Curie, où il mène des recherches sur l'intelligence artificielle, dans ce remarquable essai, qui a le mérite de rassurer sur certains points les personnes (très) anxieuses, comme moi, sur le devenir de l'humanité.

Sans évoquer la littérature de science-fiction, particulièrement abondante sur le sujet, comment en effet ne pas s'inquiéter des déclarations des chantres du transhumanisme qui veulent, pêle-mêle, connectés nos esprits au réseau mondial, modifier génétiquement les embryons pour créer une race de surhommes, télécharger nos « âmes » pour nous rendre immortels, déifier la technologie et j'en passe ! Il me semble que la valeur cardinale de l'humanité est la liberté. Et comment ne pas voir dans cette volonté de quelques-uns, soutenus par les plus grandes sociétés de la nouvelle économie et quelques éminents politiques, de nous aliéner aux machines, la pire forme de totalitarisme que l'homme ait imaginé ?

Jean-Gabriel Ganascia nous rassure. Au début de manière assez maladroite. Jouant, du haut de son statut d'éminent universitaire, la carte de la condescendance. En débutant la première partie du second chapitre, le scénario originaire, on s'attend même au pire puisqu'il évoque les « pluies acides » (une autre légende urbaine) comme un fait établi ou dissocie « pollution atmosphérique », « bouleversement climatique » et « effet de serre » comme si ces phénomènes ne pouvaient être rassemblés sous le même thème. Pourtant, à partir du moment où il s'attaque aux fondements de la « singularité » pour en démonter, un à un, les arguments qui permettent à ses promoteurs de récupérer des milliards de dollars de financement, on comprend que cet essai mérite d'être lu avec beaucoup d'attention.

À titre d'exemple, la (très) fameuse loi de Moore ne serait qu'une vue de l'esprit basée sur des observations empiriques non confirmées par l'expérience scientifique. La singularité, autrement dit le moment à partir duquel la « machine » dépassera l'homme et deviendra autonome n'est qu'un leurre puisque la date, initialement fixée à 2023, est sans cesse repoussée. L'intelligence artificielle, peu importe les méthodes mises en place pour permettre aux machines d'apprendre, contiendrait dans ses entrailles des limites impossibles à contourner. Limites logiques et matérielles.

Tout compte fait, Jean-Gabriel Ganascia montre de quelle manière les transhumanistes (scientifiques, philosophes, ingénieurs, universitaires, etc.) utilisent les peurs primales ancrées dans nos sociétés pour détourner à leur profit des milliards de dollars de financement public et des sommes équivalentes de subventions privées dans le but de soutenir leurs rêves fous de démiurges. À l'image des crises qui ont secoué les géants d'internet et de la nouvelle économie ces dernières années, l'auteur pense que ces folies, rattrapées par leurs mensonges, finiront par s'éteindre. On a envie de le croire.

Néanmoins, il suffit d'observer autour de nous la nature et la vitesse des changements intervenus en quelques années pour raviver nos inquiétudes. Certains adolescents passent une grande partie de leurs journées les yeux rivés sur l'écran de leur smartphone ou de leur ordinateur. Aveuglés par l'emprise qu'exercent sur eux les réseaux sociaux, étourdis par les sirènes du progrès, ils en viennent à perdre tout sens commun. Se couper du monde qui les entoure. Oublier que rien ne vaudra jamais la contemplation d'un ciel constellé d'étoiles ou d'un océan vrillé par la houle. Nos esprits ne sont peut-être pas encore téléchargés sur les gigantesques bases de données qui s'épanouissent partout autour de la planète en récupérant les milliards de milliards de milliards d'informations disponibles sur le réseau mondial, ils sont en tout cas à demi-éteints et prêts à la bascule. J'imagine que si les processeurs de nos machines acquièrent un jour une conscience, c'est avec beaucoup d'ironie qu'ils manieront les quelques mots de cette paradoxale conclusion esquissée sur leur flanc.

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