La nature animale est la nature animale. Et la nature humaine est la nature de la censure et de la pudeur, et aussi du plus honteux des sentiments de supériorité. La nature animale est du domaine concret. La nature humaine représente la liberté, c'est-à-dire la capacité de choisir, parmi toutes les options, la pire.
Tu trouveras une exquise quantité d’œuvres fondées sur la désolation, qui au début ne vont pas te plaire du tout. Mais ne t'y trompe pas et donne-leur le temps: les oeuvres joyeuses sont une invitation à t'avouer vaincu.
En mangeant une glace sur la place Santo Spirito, j'ai lancé à ma mère et à mon père que le désert peint par Masaccio [dans la chapelle Brancacci à Florence] était plus inquiétant que le Paradis. C'était, je leur ai dit, un chacun pour soi durant une promenade qui commence cet après-midi même pour ne s'achever qu'une fois que les forces te lâchent et que tu te fais bouffer par les vautours. J'avais onze ans et mon père a cru que tout ça était écrit dans un de ces dépliants qu'on distribue aux touristes, mal traduits dans plusieurs langues.
Une fois de plus, je vais parler des lecteurs. Drapés dans leur fausse modestie, les rêveurs affirment qu'en plus de vivre, ils lisent. Mensonges. Ils lisent parce qu'ils ne trouvent pas leur compte dans la vie.
En fait, cette femme dans un train de banlieue, en route pour son travail, plongée dans un roman de gare, elle vaut mieux qu'Homère.
Un écrivain est condamné à commenter du partiel, alors que le plus humble liseur aspire à l'absolu. Le lecteur peut tisser dans les rainures. Le lecteur est avide de tout.
[...] Le lecteur, occupé à ne pas perdre la vie, prend chaque lettre et s'y cramponne comme un alpiniste à son glacier, les doigts tout engourdis. Chaque mot est le dernier espoir. Alors il avance, mot après mot, lettre après lettre, trait après trait, couleur après couleur.