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Critique de michaelfenris


Chroniquer le dernier roman de quelqu'un que tu estimes au point d'être bien plus qu'un simple ami est toujours un exercice compliqué. D'autant plus quand l'auteur excelle dans un genre qui demande beaucoup de finesse d'esprit, entre humour noir et potache et véritable drame, comme savait par exemple si bien l'exécuter un certain Frédéric Dard au début de sa carrière. C'est que savoir jusqu'où forcer le trait et appréhender les qualités et les défauts de personnages de papier qui hantent les pages de romans demande du tact, du doigté, sous peine de franchir la ligne blanche.
L'humour à la Audiard et à la Simonin, Nick Gardel la pratique de longue date dans des romans aussi savoureux que Droit dans le mur, Laisse Tomber ou le bruit dans ma tête. Avec Ceux qui boivent pour oublier sont priés de payer d'avance, il adopte un autre versant de son talent de conteur, dont on peut se faire déjà une idée avec Morts Chroniques et Sans queue ni tête. Ici, c'est le Noir qui domine. Une femme est assassinée, sauvagement, le meurtrier ne lui a laissé aucune chance. Comme pour mieux lui faire payer son passé de professionnelle du sexe. le flic chargé de l'enquête, le capitaine Némo Mondragon, voudrait comprendre ce qui peut pousser un individu à de telles extrémités. Pour se faire, il doit compter sur son collègue Guérineau, incorrigible phraseur, une sorte de monsieur Jourdain en uniforme. Et puis, de l'autre côté, il y a Thibaud, éducateur spécialisé dans la prise en charge des jeunes que l'on qualifie pudiquement « en rupture de ban », qu'un drame personnel pousse à boire jusqu'à la déraison. Et pour cela, il peut compter sur ses camarades professionnels du lever de coude, pilier de bar du coin, le Fenris (merci pour ce clin d'oeil renouvelé) Pendant que le policier se livre à un véritable décryptage des moeurs des locaux, Thibaud s'enfonce de plus en plus dans la déraison. C'est lui qui intervient, qui parle à la première personne, comme pour mieux capter l'attention du lecteur, comme un invite à contempler sa déchéance mais pas vraiment comme un appel au secours. Et comme toujours chez Nick Gardel, tout ce petit monde va se télescoper dans un bordel qui n'est cette fois pas joyeux. Parce bien sûr, il y aura d'autres victimes…
Avec Ceux qui boivent…, Nick ne craint pas de poursuivre dans le style de son précédent. La construction du roman est très « Christienne » si l'on me pardonne ce néologisme, dans le sens où je lui ai trouvé une ambiance à la Agatha Christie du Meurtre de Roger Accroyd. Ou à la Simenon dans ses romans qu'il qualifiait lui-même de romans durs. Même si les dialogues sont toujours aussi savoureux, les réparties font mouche et fusent au détour d'un paragraphe comme pour alléger la tension distillée tout au long des pages, l'ambiance est indiscutablement plus sombre, plus fouillée, presque plus désespérée. Plus personnelle aussi, puisqu'il y aborde un milieu qu'il connaît bien, celui de l'enfance désacralisée dans un descriptif qui tient aussi de l'introspection.
J'ai toujours été convaincu que Nick Gardel avait l'étoffe d'un grand auteur de polar, ce roman le prouve une fois de plus. Et je suis d'autant plus admiratif que je serais bien incapable de reproduire cette ambiance, l'alternance de moments légers après le drame comme l'onguent sur la blessure. Si vous ne savez pas encore quelle sera votre prochaine lecture, il ne faut plus hésiter: ce sera Ceux qui boivent pour oublier sont priés de payer d'avance.
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