« Bon, dit Joe. C’est parfait, gamin, parfait, laisse tout là et rentre chez toi. »
Tu avais encore une poignée de sciure à la main en regagnant l’arrière-boutique. Tu la jetas par terre et retiras ton tablier. Ce n’est qu’à cet instant, après avoir enfilé ton manteau que tu t’aperçus que tes mains tremblaient. En passant devant Mick et Joe, tu sentis les arêtes vives du paquet de cigarettes à travers la poche de ton jean. La clochette sonna, et tu tournas à gauche en sortant de la boucherie.
« T’en as déjà touché une, Sonny ? dit-il.
– Quoi ? »
Son petit peigne passait sans difficulté dans ses cheveux qu’il avait bruns, fins et gras. « T’en as touché une, est-ce que t’en as touché une ?
– Touché quoi ?
– Une chatte.
– Une quoi ?
– C’est pas vrai… Le con d’une fille ?
– Le quoi ?
– Non, mais t’es sourdingue ?
– Non.
– Alors ?
– Ouais, bien sûr.
– C’est où ?
– C’est où quoi ?
– Ouais, donc tu sais pas ? Vas-y, montre-moi où c’est pour toi. »
Tu te sentis rougir.
« C’est pas là où tu crois, dis-tu.
– Où ça ? Je crois que c’est où ? »
Mick avait la peau du visage grêlée ; on lui avait dit de ne pas se gratter quand il était jeune, mais il avait gratté.
« T’en sais rien et c’est tout », dit-il.
Il remisa le peigne dans sa poche arrière et appuya une hanche contre l’évier un moment, puis il s’en éloigna et tira son tablier sur le côté.
« Ici, dit-il. C’est plus bas que tu penses… C’est… Tu sais où sont tes couilles ?
– Ouais.
– T’es sûr ?
– Ouais.
– Ok, donc à l’endroit où s’arrêtent tes couilles et où commence ton cul. »
Ils étaient là, Joe et Mick, silencieux, pareils à deux serre-livres, soudain figés comme si leur dernière pensée en date était importante, qu’ils ne voulaient pas l’oublier.
« On vit dans un monde effrayant. »