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Critique de Latulu


Latulu
17 septembre 2022
Laurent Genefort est, depuis une trentaine d'années, un auteur prolifique de science-fiction et de fantasy.
A la suite de sa première publication en 1988, le Bal des Ténèbres chez Fleuve Noir, il explore les différents genres des romans sfff en littérature adulte et jeunesse.
Auteur d'une thèse sur les livres univers dans la SF, il a également reçu de nombreux prix littéraires pour ses publications (prix de l'imaginaire et Rosny entre autres)
Dans son dernier roman, Les Temps Ultramodernes, il explore le rétrofuturisme avec ses références au passé et de nombreux éléments futuristes .

Paris 1924. La cavorite a changé le visage de la révolution industrielle. Grâce à ce matériau permettant de déjouer la gravité, les voitures et tramway volent, les immeubles grattent le ciel et des aéronefs permettent de se rendre sur Mars, planète en pleine colonisation. Mais le rêve prospère se fissure lorsque Marie Curie découvre que les effets de la cavorite sont temporaires. L'économie s'effondre et le bilan social est désastreux. C'est dans ce contexte particulier que Renée, une jeune institutrice en quête d'une nouvelle affectation depuis la fermeture de sa classe et la désertification rurale, débarque sur Paris.

Récit :
Roman choral uchronique à l'ancrage historique bien daté, Les Temps Ultramodernes décrit les années 20 et les remous politiques et économiques de cette époque. On retrouve entre autres les noms les plus célèbres des scientifiques, la politique économique et le climat de sortie de guerre.
C'est également un roman ambitieux qui explore l'histoire à travers les événements marquants de l'époque, la science par l'explication du fonctionnement de la cavorite, la société par les conséquences du progrès et des avancées technologiques et le colonialisme par l'exploitation des ressources martiennes et le devenir du peuple primitif qui l'habite.
Le point de vue des différents personnages, tous plus ou moins liés à une enquête criminelle sur un trafic de cavorite, nous offre une exploration précise de l'époque.

Coté scientifique :
L'auteur emprunte à H. G Wells son invention du cavorium pour son roman.
La cavorite découverte par Marie Curie et sur laquelle d'autres scientifiques de l'époque travaillent également, a donné naissance à une nouvelle physique dans laquelle la gravité est une force nucléaire. La cavorite, en se désintégrant, génère de l'antigravité (invention physique de l'auteur)
La cavorite, en tant qu'élément chimique, doit être traitée et alliée à d'autres matériaux pour être exploitable. Ainsi, le plomb permet d'orienter l'antigravité et de faire naviguer des bateaux ou des voitures dans les airs.
Les conséquences économiques, matérielles et culturelles de cette découverte sur le monde nous sont introduites par des articles de presse qui s'insèrent entre les chapitres.
La France, notamment, règne en maître sur ce matériau et se trouve économiquement et politiquement puissante.
L'exploitation de la cavorite permet de construire des immeubles équivalent à nos gratte-ciel modernes, aux voitures de voler, et des paquebots entiers effectuent la liaison Terre-Mars, charriant sans cesse de nouveaux colons pour la planète rouge.


Une société à deux vitesses :
L'arrivée de la cavorite a entraîné des répercussions sur toute la société en modifiant les métiers, la façon de concevoir les déplacements ainsi que les villes.
La bourgeoisie et l'aristocratie se partagent les « cieux » tandis que la classe ouvrière vit au sol.
La bourgeoisie méprisent les ouvriers et les conditions de vie de ces derniers sont bien représentées.
Sans être misérables, ils ne bénéficient pas de l'ensemble des bienfaits que la cavorite a apporté.
L'auteur nous décrit une nouvelle révolution industrielle avec des bons et des mauvais côtés.
Les progrès permis par la cavorite dépeignent une société où les plus riches possèdent des voitures volantes et tutoient les cieux depuis leur balcon tandis que les plus défavorisés bénéficient des miettes. L'auteur illustre son propos, par exemple, avec les déchets jetés depuis les voitures volantes sur la tête des gens au sol.

Un contexte de raréfaction :
Le roman s'ouvre en 1924 dans un contexte de raréfaction de ce matériau.
De plus, Marie Curie a découvert que le cavorium étant un élément radioactif, une fois tous ses atomes désintégrés, la cavoradiance disparaît à jamais, posant le principe d'une durée de vie limitée à une quinzaine d'années.
Dès lors, la technologie révolutionnaire connaît de nombreux dysfonctionnements. A Paris, le magasin Bonmarché, qui supporte un nombre impressionnant d'étages, s'effondre car construit avec du cavorium, ainsi que plusieurs résidences privées. D'autre incidents du même type nous sont relatés par le biais d'articles de journaux entre les chapitres du roman.
C'est toute l'économie qui est frappée par ricochet jusqu'à ce qu'un crack boursier survienne, un certain vendredi noir.
La découverte d'un trafic clandestin de cavorium d'origine inconnue soulève donc de nombreuses interrogations chez Maurice, un commissaire de police.

Roman social :
Le crack boursier a certes entraîné la ruine de puissants marchands mais ses répercussions sont arrivées jusque chez les classes moins aisées.
Lorsque Marcel, un jeune peintre-apprenti, débarque à Paris, il rencontre un groupe d'anarchistes qui rêvent d'une révolution sociale. A travers son regard d'artiste, c'est également toute l'époque art-moderne qui nous est décrite. Les retrouvailles avec la femme qu'il aime et anarchiste convaincue l'entraînent dans les mouvements révolutionnaires gauchistes.
Les différents personnages sont conformes au modèle de l'époque.

Exode rural à destination de Mars :
L'exode rural qui a accompagné les progrès technologiques s'effectue non vers les villes mais vers Mars. Les habitants des campagnes deviennent des colons sur la planète rouge où la main d'oeuvre bon marché est recherchée. Mars est une planète riche en ressources, parfaitement habitable pour l'homme avec un écosystème adapté.
Les Erloors, sorte d'humanoïdes croisés avec une chauve-souris, sont un peuple primitif natif de la planète Mars. Bien que capables de communiquer avec les humains, les Erloors sont les victimes de la colonisation et d'une forme de ségrégation. Un fort sentiment de rejet est développé parmi les colons tandis que sur Terre, des spécimens sont exhibés dans des zoos et deviennent une attraction exotique. Dans la deuxième moitié du roman, ils seront victimes d'exploitation de la plus affreuse façon.
L'auteur s'est inspiré pour le nom et les caractéristique de l'espèce du roman « Le Prisonnier de Mars » de Gustave le Rouge.
A Paris, la jeune institutrice Renée tombe nez-à-nez avec Ogloor, un représentant de cette espèce, qui s'est enfui du zoo où il était parqué. Elle le cache et décide de l'instruire comme si c'était un de ses élèves. Leur relation permet à l'auteur de développer tout un pan d'histoire et de culture pour ce peuple extra-terrestre.

Conclusion :
Laurent Genefort livre un récit ambitieux qui rend hommage aux auteurs de science-fiction des années 50.
J'ai beaucoup aimé ma lecture.
Enfin, l'objet livre est de toute beauté avec la magnifique couverture de Didier Graffet sous forme d'affiche rétrofuturiste art-déco.
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