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Laurent Genefort se lance dans une uchronie à la sauce rétrofuturiste avec son roman Les temps ultramodernes. le point de divergence par rapport à notre histoire se situe en 1885 avec la découverte de la Cavorite par un certain Georges H Cavor (voir Les Premiers Hommes dans la Lune de H G Wells) . Ce nouvel élément chimique possède la particularité d'annuler par son rayonnement la gravité de la Terre. Cette découverte va changer profondément le visage de notre Belle Epoque de 1920 avec des voitures qui vont devenir volantes et des paquebots qui vont se transformer en vaisseaux spatiaux.

« Alors qu'elle rejoignait la Verte, une voiture se posa à quelques mètres avec la grâce d'une feuille morte. Une Delaunay-Belleville profilée comme une torpille, la carrosserie d'un rouge profond. L'intérieur capitonné était vide. Un chauffeur en livrée descendit de la cabine de conduite. Dans une avalanche de jurons italiens, il déplia une capote plombée sur la sustentation centrale. L'interruption du champ de lévitescence fit recouvrer brutalement son poids au véhicule, qui s'affaissa sur la chaussée comme si un piano lui était tombé dessus. le chauffeur lança le moteur. Un instant plus tard, l'automobile disparaissait dans des crachotements de fumées noires. »

Avec la Cavorite, on a va se rendre sur Mars, et ce minerai va devenir un enjeu principal pour les grandes puissances de cette époque. Malheureusement, les propriétés antigravité de la Cavorite ne sont pas éternelles et plus grave encore les mines commencent à s'épuiser. Notre histoire va commencer par un krach boursier avec des tensions en Europe causées par cette pénurie annoncée.

« le drame boursier a connu son épilogue dans la journée du 7 septembre. Une frégate aérienne des douanes britanniques a retrouvé le courtier new-yorkais à trente-quatre kilomètres d'altitude. Ruiné par le krach de la cavorite, William J. Lamont s'était défenestré le 15 mai 1923, quatre jours après le « vendredi noir ». Il avait préalablement écrit une lettre d'excuses aux clients dont il avait causé la banqueroute, puis s'était sanglé dans une ceinture de cavorite. le métal antigravitatif l'avait emporté dans les airs sitôt la fenêtre du building franchie. Sa dépouille flottait depuis quatorze mois, congelée par le froid sibérien régnant dans la stratosphère. Porté par les vents ténus de haute altitude, le businessman tournoyait comme un astre. »

Le décor est planté et nous allons suivre plusieurs personnages qui finiront par se croiser et donner ainsi du rythme à notre récit. Il y a d'abord Renée Manadier, notre institutrice de province qui monte à Paris suite à la fermeture de son école rurale. Maurice Perreti, commissaire de police bientôt en retraite qui cherche à finir sur un coup d'éclat. Marthe Anvin, une spécialiste scientifique de la cavorite qui est aussi une féministe égarée dans une époque de machistes. Il y a aussi le jeune artiste Georges Moinel qui va être embarqué dans le milieu anarchique. Et enfin le docteur Marcel chery, médecin eugéniste, poursuivit à cause du scandale de ses centres de stérilisation involontaire.

« Cela n'avait pas empêché Marcel Chery d'être invité par les plus hautes instances. Son cabinet de consultation ne désemplissait pas. Il recevait des épouses de politiciens et d'industriels influents. le président du Conseil en personne l'avait félicité d'avoir monté son réseau hospitalier en un temps record. Immergé dans son sentiment de toute-puissance, Marcel avait négligé les bruits qui commençaient à courir sur les « centres Chery ». Certaines patientes, anesthésiées pendant le traitement, souffraient du bas-ventre des semaines après leur sortie. Il s'agissait toutefois de déshéritées, si bien qu'elles n'avaient personne vers qui se tourner. »

le roman de Laurent Genefort nous transporte dans le Paris des années 1920, dans un style et une prose proches des romans ou des feuilletons du début du siècle dernier. C'est tout ce qui fait son charme. On y retrouve les thèmes de l'époque : La guerre, la colonisation, les inégalités sociales, les luttes de pouvoir. le rythme soutenu et les aventures pleines de rebondissements savent nous tenir en haleine. Mais l'auteur nous propulse aussi sur la planète Mars avec le même charme suranné des Edgar Rice Burroughs ou Gustave le Rouge. La planète Mars nous est décrite avec une atmosphère respirable. Elle possède sa propre flore et faune. Et pour nos Martiens ailés, je vous ne vous dirais rien de plus sous peine d'être accuser de trop spoiler le roman.

« Un matin, elle emmena toute la classe au bas de la colline. Un ruisseau coulait à l'ombre de saules à feuilles mauves, bordé par un lit de coquilles de kotarras. L'histoire naturelle faisait partie de l'instruction, mais ici, sur Mars, la plupart de ses connaissances ne valaient rien ; quant à Odette et Simone, elles avaient purement et simplement jeté la matière aux oubliettes. Elle devait donc improviser. le piétinement des brindilles par les élèves causa la fuite d'une colonie de coléoptères dorés – « des hunurs », les nomma Ogloor lorsqu'elle lui demanda – à travers un tapis de champignons spongieux. Un lucane rouge escortait chaque hunur : peut-être le mâle, ou la femelle, ou un insecte ayant un quelconque intérêt à le faire, à la manière d'un poisson-pilote. »

Laurent Genefort possède également une plume agréable et légère qui nous entraine avec brio dans son univers. Un univers qui est riche en dépaysement mais qui nous est aussi familier par ses connaissances précises des années vingt. Son uchronie revêt des relents de steampuck à la sauce des romans fantastiques qui ont bercé notre enfance. Un vrai coup de coeur pour les nostalgiques de cette époque que sont les amoureux du Titanic et de l'Orient Express. Un univers où on a envie d'y revenir et où il fait bon perdre son temps. Un livre accessible à tous et avec une vraie fin. Et pour couronner le tout, une magnifique couverture…

« Nantie de la notification récupérée dans sa boîte aux lettres, Marthe se présenta devant un guichet de la Poste à grille ouvragée, au-dessus duquel était inscrit : Télégraphie aérienne & spatiale. Distributeurs de timbres, panneau indicateur des levées et balances de pesée électromécaniques peuplaient le grand espace d'un vacarme de central téléphonique. Une employée lui remit une feuille dactylographiée, pliée en trois et oblitérée : l'éclairogramme envoyé par Renée quelques jours plus tôt. Elle n'osa demander combien cela avait coûté à son amie, un bon mois de salaire d'institutrice au minimum : un luxe inouï, quand celle-ci aurait pu passer par la voie postale ordinaire, via l'un des paquebots spatiaux. Un précieux témoignage d'amitié, de la part de Renée. le message avait été capté par l'observatoire de Meudon, transféré par tube pneumatique au bureau central, où il avait été déchiffré. Marthe s'acquitta d'une somme de cinq francs, puis signa dans un registre. »

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Dans un Paris des années 1920 uchronique, la cavorite, métal antigravitationnel, permet l'utilisation d'engins volants dans les airs de la capitale, au-dessus de l'Atlantique ou vers Mars ! Car la planète rouge est le fruit de la colonisation de quelques puissances, dont la France.

Mais voilà : non seulement les mines de cavorite s'épuisent, mais en plus Pierre et Marie Curie ont découvert que le rayonnement de la cavorite, annulant la gravitation, est beaucoup plus court que ce qu'on pensait et est limité à quelques années. S'en est suivie une grave crise, puisque toute la civilisation moderne tournait autour de ce métal.

Dans ce contexte, nous suivons à Paris Renée, institutrice à la recherche d'un emploi et qui va recueillir un erloor (un Martien) blessé ; Georges, artiste sans le sou qui se mêle aux anarchistes ; Marthe, journaliste scientifique passionnée par la science mais dotée d'un mari peu encourageant ; Maurice, commissaire de police proche de la retraite et adepte des vieilles méthodes ; ou encore Marcel, médecin déchu car il stérilisait des femmes pauvres dans une perspective d'eugénisme.

Les différents arcs narratifs, qui se croiseront parfois, vont dessiner un mystère autour de la cavorite et des habitants de Mars, les erloors, espèce intelligente mais considérée par beaucoup comme des animaux puisqu'ils n'ont pas développé une civilisation technologique.

L'un des gros points forts de ce roman est la plume, fluide et agréable. Les chapitres relativement courts, passant d'un narrateur à un autre, sont très entraînants. L'univers a beau être uchronique, on s'y croit et les scènes sont très vivantes, rappelant le Paris des années 1920 qu'on connaît, mêlé à une touche de science-fiction grâce aux appareils volants — voire aux vaisseaux spatiaux assurant la liaison vers Mars — et à une Histoire modifiée. On est dans une ambiance steampunk transposée au début du XXe siècle très réussie.

La quête des personnages est l'élan du récit ; au-delà de l'intrigue générale qui expose un trafic de cavorite, le lecteur suit les péripéties qui vont bouleverser leur vie. Car le récit ne manque pas d'actions, certaines rappelant les vieux films, tandis que d'autres lorgnent du côté de la science-fiction old school (les Martiens !) mais dépoussiérée avec des thématiques modernes, la plus marquante étant les droits des « colonisés », auxquels on peut ajouter la place des femmes dans la société, le cynisme des gouvernements ou encore la dépendance d'une civilisation à une source d'énergie non renouvelable. Même si la conclusion n'offre pas de grande surprise (les révélations arrivent au fur et à mesure), on est séduit par l'univers convaincant et le rythme entraînant du roman.

Une lecture captivante.

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Après le traité de cavorologie, le roman en lui-même. Je ne sais pas très bien quel adjectif qualifie le genre de science fiction choisi par l'auteur : uchronie rétroactive¿ romance scientifico-alternative?
Il y a des références à de la "vieille science fiction", comme les "vampires" martiens (Gustave le Rouge) mais c'est très subtil et donne même envie de chercher les vieux textes originaux.
C'est sans doute la feuille de route de l'auteur, proposer un texte à la manière de... revisité avec les canons modernes.
Je trouve cela très réussi.
J'ai pris un plaisir à retrouver des personnages célèbres hors contexte historique réel, me demander à qui faisait référence l'auteur avec tel autre et surtout suivre les trajectoires des protagonistes principaux dont on sait qu'elles vont se recouper. Les représentations de l'époque (races), les drames à venir (camps) sont dans l'air du temps choisi par le narrateur.
Je crois que c'est cet aspect qui m'a le plus séduit. L'uchronie genre "si l'archiduchesse n'avait pas été assassinée ici ou ailleurs, il n'y aurait pas eu de première guerre mondiale" m'insupporte, chaussettes sèches ou pas.
Ici, l'auteur nous fait "sentir" l'air du temps, tout en proposant un monde alternatif.
Ce faisant, il évoque en finesse quelques grands défis des sociétés : limite des ressources, guerre pour se les approprier, rôle de l'information...
Dernier point positif : c'est une histoire complète. Je ne sais pas si l'univers décrit servira de cadre à des romans ultérieurs, mais celui-ci constitue déjà une entité autosuffisante.




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Laurent Genefort est, depuis une trentaine d'années, un auteur prolifique de science-fiction et de fantasy.
A la suite de sa première publication en 1988, le Bal des Ténèbres chez Fleuve Noir, il explore les différents genres des romans sfff en littérature adulte et jeunesse.
Auteur d'une thèse sur les livres univers dans la SF, il a également reçu de nombreux prix littéraires pour ses publications (prix de l'imaginaire et Rosny entre autres)
Dans son dernier roman, Les Temps Ultramodernes, il explore le rétrofuturisme avec ses références au passé et de nombreux éléments futuristes .

Paris 1924. La cavorite a changé le visage de la révolution industrielle. Grâce à ce matériau permettant de déjouer la gravité, les voitures et tramway volent, les immeubles grattent le ciel et des aéronefs permettent de se rendre sur Mars, planète en pleine colonisation. Mais le rêve prospère se fissure lorsque Marie Curie découvre que les effets de la cavorite sont temporaires. L'économie s'effondre et le bilan social est désastreux. C'est dans ce contexte particulier que Renée, une jeune institutrice en quête d'une nouvelle affectation depuis la fermeture de sa classe et la désertification rurale, débarque sur Paris.

Récit :
Roman choral uchronique à l'ancrage historique bien daté, Les Temps Ultramodernes décrit les années 20 et les remous politiques et économiques de cette époque. On retrouve entre autres les noms les plus célèbres des scientifiques, la politique économique et le climat de sortie de guerre.
C'est également un roman ambitieux qui explore l'histoire à travers les événements marquants de l'époque, la science par l'explication du fonctionnement de la cavorite, la société par les conséquences du progrès et des avancées technologiques et le colonialisme par l'exploitation des ressources martiennes et le devenir du peuple primitif qui l'habite.
Le point de vue des différents personnages, tous plus ou moins liés à une enquête criminelle sur un trafic de cavorite, nous offre une exploration précise de l'époque.

Coté scientifique :
L'auteur emprunte à H. G Wells son invention du cavorium pour son roman.
La cavorite découverte par Marie Curie et sur laquelle d'autres scientifiques de l'époque travaillent également, a donné naissance à une nouvelle physique dans laquelle la gravité est une force nucléaire. La cavorite, en se désintégrant, génère de l'antigravité (invention physique de l'auteur)
La cavorite, en tant qu'élément chimique, doit être traitée et alliée à d'autres matériaux pour être exploitable. Ainsi, le plomb permet d'orienter l'antigravité et de faire naviguer des bateaux ou des voitures dans les airs.
Les conséquences économiques, matérielles et culturelles de cette découverte sur le monde nous sont introduites par des articles de presse qui s'insèrent entre les chapitres.
La France, notamment, règne en maître sur ce matériau et se trouve économiquement et politiquement puissante.
L'exploitation de la cavorite permet de construire des immeubles équivalent à nos gratte-ciel modernes, aux voitures de voler, et des paquebots entiers effectuent la liaison Terre-Mars, charriant sans cesse de nouveaux colons pour la planète rouge.


Une société à deux vitesses :
L'arrivée de la cavorite a entraîné des répercussions sur toute la société en modifiant les métiers, la façon de concevoir les déplacements ainsi que les villes.
La bourgeoisie et l'aristocratie se partagent les « cieux » tandis que la classe ouvrière vit au sol.
La bourgeoisie méprisent les ouvriers et les conditions de vie de ces derniers sont bien représentées.
Sans être misérables, ils ne bénéficient pas de l'ensemble des bienfaits que la cavorite a apporté.
L'auteur nous décrit une nouvelle révolution industrielle avec des bons et des mauvais côtés.
Les progrès permis par la cavorite dépeignent une société où les plus riches possèdent des voitures volantes et tutoient les cieux depuis leur balcon tandis que les plus défavorisés bénéficient des miettes. L'auteur illustre son propos, par exemple, avec les déchets jetés depuis les voitures volantes sur la tête des gens au sol.

Un contexte de raréfaction :
Le roman s'ouvre en 1924 dans un contexte de raréfaction de ce matériau.
De plus, Marie Curie a découvert que le cavorium étant un élément radioactif, une fois tous ses atomes désintégrés, la cavoradiance disparaît à jamais, posant le principe d'une durée de vie limitée à une quinzaine d'années.
Dès lors, la technologie révolutionnaire connaît de nombreux dysfonctionnements. A Paris, le magasin Bonmarché, qui supporte un nombre impressionnant d'étages, s'effondre car construit avec du cavorium, ainsi que plusieurs résidences privées. D'autre incidents du même type nous sont relatés par le biais d'articles de journaux entre les chapitres du roman.
C'est toute l'économie qui est frappée par ricochet jusqu'à ce qu'un crack boursier survienne, un certain vendredi noir.
La découverte d'un trafic clandestin de cavorium d'origine inconnue soulève donc de nombreuses interrogations chez Maurice, un commissaire de police.

Roman social :
Le crack boursier a certes entraîné la ruine de puissants marchands mais ses répercussions sont arrivées jusque chez les classes moins aisées.
Lorsque Marcel, un jeune peintre-apprenti, débarque à Paris, il rencontre un groupe d'anarchistes qui rêvent d'une révolution sociale. A travers son regard d'artiste, c'est également toute l'époque art-moderne qui nous est décrite. Les retrouvailles avec la femme qu'il aime et anarchiste convaincue l'entraînent dans les mouvements révolutionnaires gauchistes.
Les différents personnages sont conformes au modèle de l'époque.

Exode rural à destination de Mars :
L'exode rural qui a accompagné les progrès technologiques s'effectue non vers les villes mais vers Mars. Les habitants des campagnes deviennent des colons sur la planète rouge où la main d'oeuvre bon marché est recherchée. Mars est une planète riche en ressources, parfaitement habitable pour l'homme avec un écosystème adapté.
Les Erloors, sorte d'humanoïdes croisés avec une chauve-souris, sont un peuple primitif natif de la planète Mars. Bien que capables de communiquer avec les humains, les Erloors sont les victimes de la colonisation et d'une forme de ségrégation. Un fort sentiment de rejet est développé parmi les colons tandis que sur Terre, des spécimens sont exhibés dans des zoos et deviennent une attraction exotique. Dans la deuxième moitié du roman, ils seront victimes d'exploitation de la plus affreuse façon.
L'auteur s'est inspiré pour le nom et les caractéristique de l'espèce du roman « Le Prisonnier de Mars » de Gustave le Rouge.
A Paris, la jeune institutrice Renée tombe nez-à-nez avec Ogloor, un représentant de cette espèce, qui s'est enfui du zoo où il était parqué. Elle le cache et décide de l'instruire comme si c'était un de ses élèves. Leur relation permet à l'auteur de développer tout un pan d'histoire et de culture pour ce peuple extra-terrestre.

Conclusion :
Laurent Genefort livre un récit ambitieux qui rend hommage aux auteurs de science-fiction des années 50.
J'ai beaucoup aimé ma lecture.
Enfin, l'objet livre est de toute beauté avec la magnifique couverture de Didier Graffet sous forme d'affiche rétrofuturiste art-déco.
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« La nécessité d'en savoir plus sur la cavorite devenait urgente. Sa première impulsion fut de composer le 12 sur le cadran du téléphone, et de demander le numéro de l'Institut du Cavorisme. le centre, fondé par les époux Curie, s'était donné pour mission d'étudier la cavorite sous ses aspects purement scientifiques. À l'autre bout du fil, l'un des étudiants des Curie répondit. Aux questions de Maurice, la voix juvénile usa d'un jargon qui acheva de noyer le policier dans le brouillard. « Antigravitescence », « radiations kappa », « cavorurgie »… le moindre terme le faisait achopper. »

Pas la moindre Porte de Vangk à se mettre sous la dent dans ce nouveau roman de Laurent Genefort, une uchronie « steampunk » à la française. Mais pour autant les voyages spatiaux n'en sont pas totalement absents, car des colonies ont été fondées sur Mars, au détriment des autochtones, les Erloors. Il faut dire que leur apparence ne plaide pas en leur faveur. Et qu'ils se nourrissent du sang des animaux locaux.

La cavorite, découverte à la fin du 19ème siècle, a permis ces voyages. Elle a pour effet d'annuler la gravité. Mais voilà que ce minerai, que l'on pensait inusable, se révèle avoir une durée de vie beaucoup plus courte que prévue. Des crises économiques se produisent en réaction à sa raréfaction. Les pouvoirs publics et les services secrets font tout pour trouver de nouvelles sources d'approvisionnement.

Dans ces temps troublés, nous suivrons en alternance quelques personnages bien trempés. A commencer par Renée Manadier, institutrice licenciée de son poste à la campagne. Elle ira sur Mars pour y enseigner. Marthe Antin est une scientifique qui est aussi journaliste. Elle sera mêlée à bien des événements et en enquêtant mettra sa vie en danger. Je place au premier plan ces personnages de femmes tenaces car ils m'ont paru être les plus convaincants.

Mais nous suivrons aussi Georges Moinel, un jeune homme qui se dit artiste et qui deviendra anarchiste, Maurice Peretti, un commissaire de police, Marcel Chery, un docteur plus proche de Mengele que de Schweitzer. Sans oublier Aknood, un erloor.

Ce roman est plaisant à lire et les aventures s'enchaînent sans temps morts, ou presque. « Qui trop embrasse, mal étreint » dit-on parfois mais grâce ses inventions ébouriffantes je pardonne volontiers à l'auteur quelques longueurs. Et je suis prêt à lire la suite, s'il y en a une, car ce roman se suffit à lui-même.
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Embarquement pour un voyage imaginaire futuriste vers le passé. Un temps où les bateaux volaient, où Paris accueillait cinq tours Eiffel, et où les martiens étaient présentés au public dans des cages. Bienvenue dans cette uchronie rétrofuturiste, qui réinvente un passé qui n'est pas tout à fait le nôtre, en nous plongeant dans l'ambiance des années 20. Juste après le Krach boursier de 1923, dû à l'effondrement de la cavorite.

La cavorite, kesako ? C'est un métal découvert au début de ce XXème siècle-là, et qui a fait virer le monde entier de bord. Grace à lui, tout objet, tout véhicule peut se jouer de la gravité, et permettre de voyager vite et loin. Par les airs, et même dans l'espace jusqu'à Mars. Sauf que ces propriétés extraordinaires ont une durée de vie limitée…

Les temps ultramodernes est avant tout un vibrant hommage à la littérature de science-fiction de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle. Cette cavorite a été inventée par H.G. Wells dans son roman sorti en 1901, Les Premiers Hommes dans la Lune. Laurent Genefort lui témoigne son respect autant qu'il développe son propre imaginaire, fruit d'un projet qu'il mûrit depuis 15 ans.

C'est une véritable aventure à laquelle nous convie l'auteur, à travers une folle imagination, et qui pourtant garde aussi les pieds sur terre. Je m'explique : tout à été pensé, pesé dans ce récit pour que l'irréel ait le goût du réel, même quand les idées sont les plus insensées.

L'intrigue se veut distrayante, au plus près des personnages, mais l'écrivain développe également avec force détails les aspects politiques, économiques et sociaux dans un tel monde chamboulé.

Cette époque alternative permet de pousser vers des réflexions sur ce que l'Homme fait des dons la nature. Sur son ambition démesurée à vouloir aller toujours plus haut, toujours plus loin, en laissant une majorité sur le carreau.

On y parle donc de lutte des classes, de géopolitique, de colonisation, de rejet de l'autre et des différences, de crimes à grande échelle, de la place des femmes, d'écologie…

Et de science, le tout à travers une enquête qui se veut divertissante et qui implique des protagonistes bien campés.

La balance se devait d'égaliser le tout. Elle est globalement à l'équilibre, même si j'ai trouvé l'aspect politique un petit peu trop présent à mon goût, ressenti tout personnel.

Laurent Genefort se veut avant tout conteur, mais ne lésine pas sur les détails pour distiller son histoire. Ces détails qui font toute la différence, qui font briller les yeux du lecteur, en faisant virevolter son imagination.

Il fallait oser parler de Mars, de sa végétation, de son atmosphère et de ses habitants, comme on pouvait les imaginer il y a plus de 100 ans. L'auteur arrive rapidement à faire adhérer le lecteur à son récit anachronique, au charme volontairement désuet. Ce n'est pas le moindre des exploits.

A l'image d'un autre clin d'oeil au roman le Prisonnier de la planète Mars de Gustave le Rouge (1908) et ses martiens ailés, digne représentant de la mouvance de la littérature merveilleuse-scientifique de l'époque.

Cette lecture dépaysement est l'occasion de décrire nombre de soubresauts de l'humanité, sans pour autant que l'auteur ne tombe dans un travers moralisateur. le récit est engagé politiquement, mais reste du vrai divertissement. Avec l'avantage de raconter à la manière du début du siècle dernier tout en ayant l'avantage du recul actuel.

Les temps ultramodernes est un plaisir d'une étonnante richesse. Laurent Genefort a peaufiné son décor pour le plus grand plaisir du lecteur. Étonnant.
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La cavorite a changé le monde. Grâce à elle, la gravité n'est plus un problème : les objets volent sans peine. Dans l'air, mais aussi au-delà de l'atmosphère. Jusque sur d'autres planètes. Mars est en phase de colonisation. Sur Terre, les voitures se posent directement sur des balcons dédiés, les barges nécessitent seulement d'être dirigées. Mais, car il y a un mais, on vient de découvrir que la cavorite avait une durée de vie limitée. L'économie florissante est en danger. Les mouvements politiques et les passions humaines se déchaînent.

Si parfois on peut se plaindre de la faiblesse et de la pauvreté des histoires racontées au fil des pages (un peu comme les scénarios de Luc Besson censés tenir sur un ticket de métro), Les Temps ultramodernes ne prêtent aucunement le flanc à ce genre de critique. Plusieurs personnages se croisent ou se tournent autour dans ce Paris décadent, en pleine révolution : une jeune institutrice montée de province pleine d'espoir et qui va au devant de bien des désillusions, mais aussi de découvertes extraordinaires (il existe bien des écoles sur Mars) ; tout comme cet artiste vite ramené à la réalité qui va se trouver embarqué par amour dans un mouvement anarchiste ; le vieux policier, lui, n'en a plus depuis longtemps, des illusions, mais il est prêt à se battre encore contre un groupe aux desseins mystérieux issu des rangs même de la police ; d'autant qu'il trouve de l'aide d'une journaliste scientifique enthousiaste et n'hésitant pas à risquer sa peau pour comprendre et dénoncer. Vous l'aurez compris, l'histoire est d'une grande richesse. Et, grâce au talent de conteur de Laurent Genefort, le récit est fluide et plaisant, aisément compréhensible malgré le nombre de personnages et la multiplication des éléments du décor.

Laurent Genefort nous avait habitué à une construction d'univers (un world-building) solide et riche. Cette fois encore, il ne nous déçoit pas. J'aimerais vraiment voir la quantité de documents qu'il a sans doute accumulés, de notes qu'il as prises pour parvenir à ce résultat bluffant de réalisme. En piochant dans notre propre monde, avec ses femmes et hommes connus, il a bâti un univers parallèle extrêmement crédible et plein de clins d'oeil savoureux. Quand on découvre le sort qu'il réserve à certains artistes, connus chez nous, tombés dans l'oubli chez lui, par exemple. Ou qu'il invente de nouveaux courants littéraires et artistiques, très crédibles quand on songe au nombre de mouvements à peine éclos et rapidement éteints qui ont émaillé notre XXe siècle. On a confirmation de la richesse de cette préparation à la lecture du superbe et passionnant Abrégé de cavorologie, publié gratuitement sous format numérique en décembre dernier. Histoire, littérature, science : tout y est représenté, pensé, réfléchi.

Les Temps ultramodernes reprend un grand nombre de schémas du roman policier. On y trouve un policier intègre, même si pas tout blanc, perdu au milieu d'une police gangrenée par un mouvement dont on ne sait, au début, s'il est crapuleux ou séditieux. En attendant, on ne sait à qui se fier dans cette maison poulaga. On croise également le journaliste, fouille-merde indispensable, tant pour découvrir ce que l'on veut conserver caché que pour le révéler au grand jour et mettre ainsi les puissants en difficulté. Mais aussi des personnalités fortes, comme des artistes désargentés, des femmes au grand coeur mais à la cuisse légère. Et on a des meurtres, plus ou moins mystérieux. Des vols, des disparitions. Bref, tout l'attirail.

Attirail enrichi par une dimension politique. Car, comme je le disais en introduction, le monde est en pleine mutation. À peine a-t-il digéré la découverte de la cavorite et de ses merveilleuses applications (qui ne sont pas sans faire penser à l'arrivée de l'uranium dans nos vies et aux délires qui l'ont accompagnée) que les équilibres sont rompus par la découverte de la possible fin de la cet élément. Ou, en tout cas, de sa non-fiabilité, car ses effets sont bien plus courts qu'espérés. Et déjà, certains accidents ont eu lieu. Mais revenons à la politique : les clans s'opposent, comme, dans notre passé, les deux extrêmes. D'un côté les anarchistes, voulant détruire toute hiérarchie stérilisante ; de l'autre les nationalistes, prêts à toutes les bassesses pour obtenir le pouvoir et la pureté de la race. Et la lutte n'a décidément pas lieu à fleurets mouchetés. Ça défouraille sec et les victimes se comptent par dizaines, pas toutes belles à voir. Habile, encore, Laurent Genefort s'appuie sur notre Histoire et l'imaginaire commun pour bâtir un cadre aux fondations stables. Déstabilisant justement car on ne sait pas toujours où est le réel et où est l'invention. J'ai ressenti par moments la même impression qu'à la lecture des Enfants de la terreur de Johan Heliot. Même si la période et le traitement différent totalement, le côté réaliste historiquement parlant et tellement lié à notre passé qu'on ne sait pas toujours où on en est rapproche dans mon esprit ces deux ouvrages que j'ai lus à peu de temps d'intervalle.

Je ne vais pas me montrer original dans mon avis : beaucoup d'autres blogueurs talentueux sont passés avant moi et ont analysé leur lecture, donné leur avis, exprimé leur opinion de très belle façon. Je vais donc me contenter de clamer haut et fort tout le plaisir que j'ai éprouvé à lire Les Temps ultramodernes, récit ébouriffant et profond, porté par une superbe couverture de Didier Graffet, et qui possède la force des romans feuilletons addictifs et la puissance des récits ouvrant les portes sur un monde autre, mais tellement vrai qu'il hantera encore longtemps mon esprit.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Deux des composantes principales de ce roman me séduisent particulièrement : l'uchronie et les univers steampunk.

Les uchronies, parce qu'elles sont l'occasion de rappeler que, parfois, les événements se jouent sur rien et qu'il peut suffire de pas grand chose pour que les conséquences soient, elles, majeures. On peut se rappeler d'Éric-Emmanuel Schmitt mettant en parallèle l'histoire que nous connaissons et celle d'un monde dans lequel Adolf H. aurait été pris à l'École des Beaux-Arts de Vienne, évitant au monde l'Holocauste.

Le steampunk parce que cette façon de représenter, de comprendre, de symboliser la part « industrielle » mais à la fois très « romantique » du monde est vraiment intéressante, et pas uniquement d'un point de vue strictement esthétique.

Pourtant, alors que tout semblait réuni pour que ce livre me parle, je n'ai pas totalement adhéré. Et j'ai du mal à définir exactement ce qui a amené à cette situation.

Est-ce le côté un peu artificiel (ou qui m'a semblé tel) du chapitrage ? En effet, jusqu'au chapitre 39, les chapitres s'enchaînent dans un ordre fixe : un chapitre consacré à la cavorite (qui permet de donner le cadre, le contexte, et de poser le décor), suivi d'un chapitre consacré à Renée, puis à Georges, puis à Maurice, puis à Marcel. Et il faut attendre le chapitre 39 pour voir un chapitre mettant en scène Marthe, le suivant Aknood, au chapitre 43, Louis d'Azay et Ogloor au chapitre 55.

Pourtant, l'histoire est plutôt bien fichue, en réalité. Mais on reste presque sur sa faim, la résolution paraissant plutôt « facile », alors que les adversaires auxquels s'attaquent les protagonistes semblent être de nature à offrir une résistance bien plus sérieuse.

Ce n'était pas un livre pour moi, mais il est clair qu'il a trouvé son public. N'hésitez pas à venir nous dire ce que vous en avez pensé !
Lien : https://ogrimoire.com/2022/0..
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Roman choral uchronique à tendance steampunk ? Ok, ce n'est pas une appellation orthodoxe (ni certainement juste), mais je le sens comme cela.
Choral, ça je suis sûre. Chaque personnage est consacré à un personnage, qui nous donne donc sa part de l'histoire, qui se construit, se complète au fur et à mesure. le tout est plutôt réussi, chacun apportant un éclaircissement, un point de vue, avec parfois une temporalité différente, ce qui est loin d'être inintéressant. un bémol toutefois : je n'ai pas accroché au personnage de George, et n'ai pas bien compris son utilité.
Côté construction d'un univers, il y a beaucoup de travail qui est fourni ici. Tout part de la découverte d'une nouvelle matière (la cavorite) et donc d'un développement technologique (et politique) dû à sa propriété : matière capable de lever la contrainte de la gravité, et donc de soulever, élever, faire voler. Les hommes (et plus particulièrement les français) ont donc conquis l'espace, et mars en particulier. C'est l'aspect qui m'a le plus convaincue. L'univers est bien construit, dans le détail, avec ce savant mélange d'années 30 et d'avancées technologiques, de montée du "nazisme" mais avec d'autres acteurs et d'autres victimes.
Là où j'ai moins accroché, c'est la fin, que j'ai trouvée très précipitée. La résolution arrive en peu de page, sans profondeur, alors que le reste du roman prend son temps et plante un solide décor (défait en 2 temps 3 mouvements). Ah et le méchant un peu trop manichéen à mon goût. En réalité, le roman manque de nuances parfois dans l'opposition bien/mal.
Globalement, une bonne surprise, même si quelques réserves.
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Renée Manadier, jeune institutrice arrivant à Paris, à la recherche d'un poste à pourvoir. Georges Moinel jeune artiste et idéaliste. Maurice Peretti inspecteur de police à la veille de prendre sa retraite. Marcel Chery, médecin controversé ayant perdu son droit d'exercé. Voici les principaux personnages de ce roman choral en plein Paris du début du XXe siècle. Vont à la fois se mêler le Paris de l'époque et ses inventions, ainsi qu'une avancée incroyable qu'a été la découverte de la cavorite, permettant de contrer les effets de la gravité. Les véhicules et autres objets ont la faculté de s'envoler et cette nouvelle découverte a permis la colonisation de la planète Mars, ainsi que la rencontre avec ses habitants.

Laurent Genefort nous sert donc un roman à la fois historique et fantastique, judicieusement implanté dans ce début de vingtième siècle, où les découvertes scientifiques ont été nombreuses (nous entendrons parler notamment des Curie).

L'auteur aborde ici la fin d'une ressource devenue essentielle à l'homme, cette fameuse cavorite favorisant les transports rapides et les voyages dans l'espace. Ce n'est pas sans rappeler la fin des ressources en pétrole de notre époque. L'aspect économique y est également abordé, qui colle parfaitement à la période du roman, mais également à notre époque. le personnage du Docteur Chery n'est pas non plus sans faire écho à l'histoire passée.
J'ai également apprécié la façon d'aborder la colonisation de la planète Mars et surtout l'aspect relationnel entre les Martiens et les Terriens, la volonté d'asservissement de l'être humain sur ce peuple extra terrestre.

Vous l'aurez probablement compris, ce roman nous questionne sur notre société actuelle ou passée, ce qui en fait une très bonne lecture, même si la mise en place prend son temps et où le lien entre nos personnages se forment tardivement à mon goût.

Je vous recommande cette lecture, et pour info, le roman fait parti des 25 sélectionnés pour le Plib 2023 - catégorie adulte. Je vous invite également à voir le compte de @didier.graffet, illustrateur de ce roman dont j'apprécie particulier le travail.
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