[...] pour voir, du jardin de Beaumarchais, tout le peuple de Paris se relayer pour abattre et démolir la Bastille. Il est impossible de se faire une idée de ce spectacle; il faut l'avoir vu, pour se le représenter tel qu'il était: ce redoutable fort était couvert d'hommes, de femmes et d'enfants travaillant avec une ardeur inouïe, et jusque sur les parties les plus élevées du bâtiment, et de ses tours. Ce nombre étonnant d'ouvriers volontaires, leur activité, leur enthousiasme, le plaisir de voir tomber ce monument affreux de despotisme, ces mains vengeresses, qui semblaient être celle de la Providence,et qui anéantissaient avec tant de rapidité l'ouvrage de plusieurs siècles, tout ce spectacle parlait également à l'imagination et au cœur. Personne n'a été plus épouvanté que moi des excès commis à la prise de la Bastille, mais, comme aussi j'ai été témoin, pendant plus de vingt ans, des emprisonnement arbitraires, comme je n'avais jamais jeté les yeux, sans frémir, sur cette citadelle, j'avoue que sa démolition m'a causé l'émotion et la joie la plus vive. [...]
Chapitre X: La révolution