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274 pages
NRF éditions Gallimard (03/08/1936)
4/5   1 notes
Résumé :
«Si les civilisations d'Occident n'admettent plus aujourd'hui qu'une seule connaissance, celle que nous donne la science, il n'en a pas toujours été ainsi et l'Europe moyenâgeuse et renaissante a cru à une autre vérité, celle de l'esprit. Les races anciennes de l'Orient prétendent elles aussi posséder une connaissance spirituelle infiniment plus développée que celle de l'Europe. Elle est le privilège d'une élite et il est juste qu'il en soit ainsi, car elle donne à ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Fils du sculpteur Paul Gervais, Albert Gervais semble avoir été un grand passionné de la Chine, et après avoir écrit plusieurs articles sur ce sujet dans des revues littéraires ou maritimes, il a publié au moins quatre livres, chez Grasset puis chez Gallimard, entre la fin des années 20 et le milieu des années 30. Bien qu'un cinquième livre, « L'Aventure de John Smith » soit indiqué comme étant "en préparation", ce volume ne verra jamais le jour. Il est vrai que cette année 1936 voit la mainmise des troupes communistes menées par Mao sur la Chine, alors qu'il installe durablement sa capitale à Yan'an. Or, Albert Gervais ne s'intéresse pas au communisme, mais à la Chine traditionnelle. Il était sans doute compliqué pour lui de continuer à écrire sur la Chine au risque de passer pour un écrivain communiste.
« L'Ombre du Ma-Koui », qui sort au tout début de l'année 1936, marque donc la fin de la carrière littéraire d'Albert Gervais. Contrairement à ce que laisse entendre la présentation de l'éditeur, il ne s'agit pas d'un essai, mais d'un roman de moeurs dans un contexte colonial, et fortement imprégné de fantastique. le caractère pédagogique de cet ouvrage est tout à fait superficiel, Avec moins de précautions littéraires, ce roman aurait pu faire les beaux jours de la collection "Angoisse" du Fleuve Noir, qui publia à peu près 260 romans fantastiques "atmosphériques" entre 1955 et 1974, la plupart rédigés par des aficionados à la retraite, et de la même génération qu'Albert Gervais.
« L'Ombre du Ma-Koui » est donc un roman appartenant pleinement au genre littéraire fantastique, qui se déroule en pleine guerre civile chinoise, dans la région de Xinjiang (romanisé dans le récit en "Sin-Tchang"), laquelle englobe le territoire au nord-ouest de la Chine, celle où est installée actuellement la communauté Ouïghour.
L'intrigue se concentre sur une petite communauté d'un protectorat britannique qui semble avoir géré un temps cette région (bien que je n'ai pas trouvé d'information à ce sujet). Hudson est un quinquagénaire britannique qui gère le fonctionnement de la distribution du courrier dans une Chine en plein tourment. Il est marié à Helen, une jeune femme de trente ans sa cadette, avec laquelle l'harmonie se défait au fur et à mesure que la différence d'âge se marque. Celle-ci va donc lentement entamer une relation adultère avec Jack Smith, chargé du transport du courrier postal, sorte de baroudeur un peu bourru mais qui connaît parfaitement la Chine, en parle tous les dialectes, et s'entend à merveille avec les Chinois, qui l'estiment beaucoup.
Leur histoire d'amour nous est racontée par le narrateur, qui n'est jamais nommé que par le surnom exotique que lui donnent les Chinois, et qui est le docteur local veillant sur la santé de la communauté britannique, comme sur celle des Chinois travaillant dans le Xinjiang. C'est un homme de science, humaniste mais rationnel, dont les certitudes sont assez régulièrement bouleversées lorsqu'il lui arrive d'avoir à soigner des Chinois qui sont sous l'emprise du Ma-Koui.
Selon le folklore chinois, le Ma-Koui est une sorte de démon familier qui peut parfois apparaître brièvement dans les miroirs quand les gens s'y regardent, mais qui est le plus souvent invisible. Il cumule à la fois les caractères d'un esprit frappeur, faisant tomber les objets ou bouger des meubles dans une maison, et celui d'un démon capable de possession. Ainsi, le docteur se trouve régulièrement face à des cas troublants de personnes plongées dans une sorte de tétanie paniquée, hallucinatoire, qui entraîne un amigrissement d'une incroyable rapidité, sans qu'aucune maladie, aucun virus, ne soit détectés. Ainsi, le docteur assiste impuissant à la mort d'une jeune fille de 20 ans, qui, au bout de deux semaines, se révèle méconnaissable, décharnée, hagarde, avec la peau et les cheveux flétris d'une nonagénaire, comme si quelque chose pompait sa vie. le médecin reste persuadé qu'il y a une explication médicale, mais son ami Jack Smith prend au contraire très au sérieux l'existence du Ma-Koui, et d'autres créatures démoniaques ou fantômatiques du même genre.
Homme charmant et discret, de par sa profession, le docteur est à la fois un proche de Jack Smith et un proche d'Helen Hudson. Très rapidement, il devient le confident diplomate des deux amants. Néanmoins, il connaît aussi suffisamment Hudson, pour savoir que celui-ci se doute de l'adultère de sa femme. Et justement Hudson décide d'envoyer Jack Smith dans une région de Xinjiang qu'il sait ravagée par des hordes de bandits et de mercenaires, mais dont il assure à Jack Smith qu'il ne s'y trouve aucun danger.
Comme on peut s'y attendre, le convoi de Jack Smith est attaqué, et l'aventurier est porté disparu, pour le plus grand chagrin d'Helen Hudson et la satisfaction à peine voilée de son mari. Quelques semaines plus tard, deux des bandits qui ont attaqué le convoi de Jack Smith sont capturés. Avant d'être exécutés, ils confirment que Jack Smith a bien été tué, et son corps jeté dans une rivière.
C'est alors que pour Hudson, un étrange cauchemar commence. Pris de migraines et de syncopes, il doit être remplacé d'urgence par un collègue à son travail, et il commence à souffrir de crises de délire, durant lesquelles il certifie voir régulièrement Jack Smith apparaître derrière la fenêtre de sa chambre. Alors que le bon docteur, reconnaissant derrière cette maladie l'ombre du supposé Ma-Koui, s'efforce de maintenir en vie l'agonisant Hudson, le praticien est enlevé avec douceur mais fermeté par des soldats chinois qui l'emmènent dans une maison isolée tenue par Tchang-Pei-Chin, le père de la jeune femme qu'il a vu mourir sous l'emprise du Ma-Koui. Alors que celui-ci l'accueille, le docteur voit passer devant lui un étrange double spectral de Jack Smith : il s'agit, lui explique son hôte, du corps astral de Jack Smith qu'a revêtu le Ma-Koui pour tourmenter Hudson. Car Jack Smith n'est pas mort : blessé, il a été transporté et plongé par hypnose dans un coma salutaire qui a laissé à son corps le temps de se remettre.
Tchang-Pei-Chin profite justement de la venue du docteur pour réveiller Jack Smith de son coma hypnotique. Jack croit avoir dormi à peine quelques heures, mais le docteur lui apprend que non seulement il était plongé dans le coma depuis un mois, mais qu'il est en fait tombé dans un guet-apens ourdi par Hudson.
Jack Smith et le docteur reviennent donc chez Hudson afin de lui demander des comptes - autant que possible vu son état -, mais l'enlèvement du docteur a permis au Ma-Koui d'accentuer son emprise démoniaque, et lorsque les deux hommes arrivent chez Hudson, celui-ci est déjà mort depuis quelques heures.
Bien qu'elle soit heureuse à la fois de retrouver son amant et d'être libérée d'un mari trop étouffant, Helen Hudson se lasse vite d'une relation qui n'a plus à ses yeux l'attrait du transgressif, et elle finit par quitter Jack et partir pour Shangaï en y cherchant l'aventure auprès d'hommes prêts à l'entretenir. Jack Smith prend la chose avec philosophie, car après tout, qu'attendre d'autre d'une femme, n'est-ce pas ?...
« L'Ombre du Ma-Koui » est donc un sympathique roman fantastique, mais qui nous parle d'un temps que les moins de 100 ans ne peuvent pas connaître. La domination communiste qui depuis le siècle dernier s'exerce sur la Chine a envoyé dans l'oubli cette vieille Chine, encore médiévale et perclue de superstitions. On se penche encore volontiers sur la Chine ancestrale, mythique, du temps des dynasties et des porcelaines, mais on a oublié la Chine misérable et belliqueuse qui précéda la Révolution Culturelle de Mao. le mérite des livres d'Albert Gervais est au moins d'en être des rares témoignages littéraires en langue française.
Néanmoins, pour un lecteur du XXIème siècle, « L'Ombre du Ma-Koui » est une curiosité déconcertante, dans le sens où l'on découvre une Chine révolue et insoupçonnée, dont par ailleurs Albert Gervais se content de n'en faire, dans ce roman-ci, qu'un simple décor pour un récit fantastique. Il y a plusieurs digressions sur la guerre civile et les intrigues politiques, mais on sent que tout cela est surtout là pour étoffer une intrigue un peu succincte et assez convenue. Les éléments fantastiques sont bien amenés, mais Albert Gervais s'essayait là à un genre littéraire qui ne lui était pas familier, et son récit souffre d'une certaine lourdeur, voire à certains moment de piétinements inutiles. C'est un métier que de savoir créer une atmosphère d'angoisse et de mystère, et Albert Gervais avait clairement plus de bonnes intentions que de savoir-faire.
Néanmoins, le fait que le narrateur soit un médecin dont le style narratif s'apparente en effet à quelque chose d'un peu administratif, un peu protocolaire, ce n'est pas totalement incohérent avec le style rhétorique du récit. Et de plus, pour peu qu'on se laisse prendre au charme étrange de cette Chine rurale et mystérieuse, « L'Ombre du Ma-Koui » se révèle somme toute plaisant, réaliste et suffisamment intrigant pour qu'on ait envie de savoir la suite. Si l'intrigue est quelconque, l'exotisme inhabituel qui lui sert de décor lui confère une certaine originalité. Il manque sans doute à ce récit un peu de profondeur psychologique, et peut-être quelques détails de l'intrigue qui restent flous ou peu exploités, mais après tout, la littérature fantastique n'en demande pas tant. Dans le genre, c'est un récit honorable, quoi qu'un peu plat.
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