On pourrait vulgairement considérer que
Corydon est un des premiers coming-out modernes.
André Gide sait bien combien la question est taboue et il entend faire du bruit en publiant son roman. Car jusqu'à présent les figures homosexuelles qui peuplent les romans sont de plusieurs natures, mais jamais ouvertement libérées. Soit les personnages vivent mal leur homosexualité, se la cachent à eux-mêmes et aux autres, soit le fait n'est jamais nommé, quand bien même cela ne fait de doute pour personne (tel le Charlus de
Marcel Proust), soit l'homosexuel est un homme de mauvaise vie, plein de vices et dangereux (tel le
Vautrin de
Balzac). Dans la littérature occidentale moderne, mais également dans la société, aucune place n'est accordée à une sexualité alternative au modèle commun hétérosexuel, et cela
Gide ne peut l‘admettre.
D‘autant plus qu‘il n‘a de cesse dans
Corydon d‘expliquer que la norme, si tant est qu‘il faille l‘appeler comme cela, a beaucoup évoluée dans le temps (ce que plus tard
Michel Foucault théorisera en écrivant que « la norme est vide »). Une large place est accordée aux moeurs grecques qui mettaient en valeur l'amour plus que fraternel entre citoyens, voire entre soldats. Un amour qui selon
André Gide est un bien tant pour l'homme que pour la femme, l'auteur ayant expliqué longuement dans un premier dialogue combien les deux sexes appréhendent différemment les rapports amoureux. S'appuyant sur de nombreux auteurs classiques tels
Virgile ou
Dante Alighieri,
Gide tente d'expliquer, non sans parfois une certaine mauvaise foi et souvent une solide misogynie, que l'homosexualité, loin d'être répréhensible comme la société hétérocentrée veut nous la montrer, est bénéfique à tous. Texte fondateur, mythique pour beaucoup, en tout cas très intéressant, on sent que
Corydon est un manifeste cher à son auteur ; il le sera également à nombre de ses lecteurs.
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