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Critique de audelagandre


Imaginez une organisation au fonctionnement millimétré : Borderline, le cartel de Babylone. Sept cellules la composent : Nyx, Argos, Aphrodite, Arès, Némésis, Hypnos, Hermès. À chaque cellule, sa spécialité : renseignement et information, manipulation espionnage et sexe, action militaire, escadron de la mort, préparation des marchandises, transport, etc. Chacune est dirigée par un personnage clé, semble autonome, mais c'est ensemble que cette hydre a 7 têtes est redoutable, imbattable, imprévisible. Au sommet, Faust Netchaïev tout juste sorti de prison. Durant son temps passé à l'ombre, son clan s'est serré les coudes. Comme des spectres, ils ont repris possession de leurs terres, éliminé leurs rivaux, avancé leurs pions, rempli les caisses. Nous les avions tous laissés dans le carnage de la villa Venezia, (voir Tome 1 « Sa Majesté des Ombres »), nous les retrouvons au coeur de l'Alsace. Cécile Sanchez avait alors été écartée de l'affaire. Guess what? She is back!

À l'instar de l'organisation qu'il a créée, Ghislain Gilberti a une écriture millimétrée, précise, affûtée, semblable à celle d'un sniper. Absolument rien n'est laissé au hasard dans ce scénario digne d'une oeuvre cinématographique ou d'une excellente série télé à la Olivier Marchal. Les mots fusent telles des balles avec une impressionnante vitesse d'exécution, selon un plan minutieux qui ne laisse aucune place au vide. Incontestablement, il a sens exacerbé de l'image, du son et de la vue. C'est sans doute en voyant le tableau dans son ensemble qu'il écrit, son texte prend vie lorsqu'il défile sous nos yeux. J'ai été totalement immergée dans des sonorités musicales qui ne sont habituellement pas « ma came » et dans un espace où le tatouage devient une carte d'identité.

Dans la partie 1, « Actes », il offre à son lecteur une mise en situation remarquable se déroulant en Alsace, construite en entonnoir. Des petites frappes de quartier aux trafics de drogue de coin de rue, le lecteur se surprend à jubiler en entrant de plein fouet dans une organisation qui se donne les moyens de sa réussite. Tortionnaires, psychopathes, meurtriers vous allez les adorer, ou adorer les détester. Ils sont tous charismatiques et ambigus.

Changement de rythme dans la seconde partie « Nombres », le lecteur peut reprendre son souffle et sortir d'un climat noir et très anxiogène pour retrouver la Commissaire Cécile Sanchez. La création de ce personnage que les fidèles des romans de Gilberti connaissent déjà n'en finit pas de me surprendre tant elle prend de l'épaisseur, de la densité, de la profondeur. Ce personnage récurrent est intensément attachant, autant par ses forces que par ses faiblesses. Les quelques bouffées d'oxygène que nous accorde Gilberti ne sont pas longues… C'est rapidement que le lecteur descend dans les abîmes de Borderline pour prendre part à l'exécution de leur plan apocalyptique.

J'ai envie de vous dire que Ghislain Gilberti est un génie surdoué… mais pas seulement. Je crois qu'il travaille, qu'il fait preuve de persévérance, et qu'il ne lâche rien. Même si cela ne se sent pas dans son texte, qui est d'une fluidité absolue, j'imagine aisément les heures de travail, de reprise des phrases, de changement des mots pour en trouver d'autres, encore plus percutants. Pour moi, il est impossible d'arriver à un tel résultat sans labeur, sans questionner chacune de ses idées, sans revoir chacune de ses scènes. Gilberti est habité par ses personnages et ses personnages l'habitent. L'exercice est périlleux tant le nombre de ses personnages est considérable. Et pourtant, chacun est traité avec psychologie, ils ont tous une âme, des blessures, des envies à satisfaire, une humanité même lorsqu'elle est noire. La vie passée de l'auteur dont il ne fait pas mystère contribue à asseoir cette authenticité qui le rend assurément crédible lorsqu'il évoque le domaine des armes à feu ou la drogue. le parcours d'une vie, qui nous étions, qui nous sommes devenus participe à la crédibilité dans les histoires racontées : cela est le cas de Ghislain Gilberti. Il raconte ce qu'il connaît et ça fait toute la différence. Son style percutant, ses mots qui cognent, la musicalité de son phrasé, tantôt tranchant, tantôt tendre mettent la touche finale au socle des idées.

Je suis Ghislain depuis son tout premier livre, avant même de rédiger des chroniques, avant de savoir quoi que se soit de l'homme. Son écriture se densifie, devient plus profonde, ses intrigues sont de plus en en plus étoffées, ses personnages plus épais. Depuis longtemps déjà, il a gagné ses galons de Maître du noir, entrant par la grande porte dans la cour des grands et détrônant des sommités du genre. Il y a les auteurs qui m'ont fait entrer dans la littérature noire et ceux qui me donnent envie d'y rester. Gilberti fait partie de la seconde catégorie, qui a su, comme Mattias Köping chez le même éditeur, renouveler le genre. Il a de l'or dans les doigts et dans la tête et une imagination inépuisable. Il parvient à me surprendre à chaque nouvelle sortie et me rend littéralement accro à ses bouquins : une fois commencés, il m'est impossible de penser à autre chose jusqu'à ce qu'ils soient terminés.

Il va falloir attendre 1 an encore pour être en mesure de découvrir le tome 3, mais même si l'attente est longue, qu'elle se mérite certainement, je serai, comme à chaque fois au rendez-vous ! le bonhomme a un sacré talent et je vous encourage vivement à le découvrir.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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