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Critique de ecceom


"Colline" étant un roman de Jean Giono, personne ne sera surpris qu'il se déroule en Provence, près de Manosque, bien sûr, même si l'auteur a reconstitué un territoire semi-fictif.

Pour son premier roman, Giono livre un récit étrange, à la morale trouble et pétri de poésie panthéiste, jusqu'à l'excès sans doute.

L'histoire est simple en apparence.
Elle se déroule dans un petit village isolé, « Les Bastides Blanches », où ne vivent plus que quelques familles d'une douzaine de personnes. Sous les monts de Lure, « quatre maisons fleuries d'orchis jusque sous les tuiles émergent de blés drus et hauts.
C'est entre les collines, là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras.
Le sainfoin fleuri saigne dessous les oliviers. Les avettes dansent autour des bouleaux gluants de sève douce. »

La nature pourvoit à tous les besoins, la vie s'écoule paisiblement et harmonieusement. Jusqu'à ce que des évènements soudain viennent troubler cette vie tranquille.
C'est d'abord l'ainé, le vieux Janet, qui tombe malade. Il agonise en accablant la petite communauté d'imprécations hallucinées qui sèment une peur trouble. L'angoisse s'installe également quand la source du village se tarit mystérieusement, qu'une enfant tombe malade à son tour, qu'un chat noir inconnu rode et qu'enfin, un terrible incendie ravage les collines.

Giono ne donne jamais d'explications et quand tout revient dans l'ordre, le doute demeure : est-ce le hasard, ou une punition infligée aux hommes par la nature pour avoir fait « couler des ruisseaux de douleur ? »

Le personnage de Gagou, un être simple qui a été adopté par la petite communauté, est sans doute le lien entre les mondes de l'humain et de la nature et Giono ne manque pas de cultiver l'ambiguïté de cet être mi-homme mi bête, jusqu'à l'appellation qui rappelle immanquablement le loup-garou (« la lune fait de Gagou un être étrange »).

Le style est la grande affaire de ce roman.
Il évolue entre réalisme paysan et lyrisme forcené. Il suscite très souvent l'enthousiasme, mais agace aussi parfois tant les métaphores foisonnent. Contrairement aux romans suivants « Un de Baumugnes » et « Regain » à mon sens mieux maitrisés, Giono a ici souvent la main lourde : « le fleuve du vent… », « Une épaisse couronne de violettes pèse sur le front pur du ciel », « L'air brule comme une haleine de malade », « …le soleil dépasse le sol de l'horizon. Il entre dans le ciel comme un lutteur, sur le dandinement de ses bras de feu. », « Au fond de l'air tremble la flûte d'une source… », « le ciel est maintenant comme une grande meule bleue qui aiguise la faux des cigales. »…

Évidemment, il est impossible de lire Giono aujourd'hui, sans avoir dans l'oreille en arrière-plan, les dialogues des films que Pagnol a tiré à de multiples reprises, de ces romans, les illustrant autant qu'il les trahissait.
Il n'en reste pas moins que la profonde originalité de l'oeuvre de Giono va bien au-delà de ces décors de Provence au sein desquels on le confine parfois.

Colline est déjà l'oeuvre d ‘un grand écrivain.
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