AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Charybde2


Contre les justifications oiseuses et persistantes du colonialisme, un audacieux cheminement analytique et poétique vers la vérité acceptée et partagée.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/06/23/note-de-lecture-ce-que-la-france-na-jamais-dit-a-lalgerie-alain-giorgetti/

En imaginant ce discours de 65 petites pages, qui aurait pu être adressé en ce début de mois de juillet 2022, par le président de la République française, aux citoyens algériens directement et aux citoyens français un tout petit peu moins directement, Alain Giorgetti fait oeuvre intelligemment brutale et profondément salutaire.

À l'heure où, contre toute évidence mais aussi contre tout bon sens simplement humain, on trouve en France non pas de moins en moins mais de plus en plus de thuriféraires authentiques du colonialisme « civilisateur », de cyniques reconnaissant plus que jamais le droit du plus fort à la richesse libre et sans entraves, ou au moins de « gens raisonnables » relativisant les méfaits de ces conquêtes et invoquant de bizarres « torts partagés », Alain Giorgetti mobilise en toile de fond une bonne part des recherches historiques les plus récentes, alliées aux témoignages directs plus anciens et – paradoxe apparent seulement – à une part de poésie, de langue française comme de langue arabe ou berbère, pour faire de la colonisation de l'Algérie et de la guerre (toujours entachée de son pudique et politique nom officiel d'« événements ») qui y mit fin ce qu'elle est au premier chef : un emblème des crimes passés, jamais ou très rarement reconnus (bonjour Léopold), et encore reconduits à la première occasion réelle de nos jours (bonjour la Birmanie, bonjour l'Amazonie, bonjour l'Arctique, bonjour beaucoup d'autres) lorsqu'il y a de l'argent à se faire et des puissances régaliennes à téléguider à ce seul véritable service.

Discours fougueux, soigneusement articulé néanmoins – et à la rhétorique finement ajustée (que ne renierait sans doute pas le protagoniste principal du « Acharnement » de Mathieu Larnaudie) -, « Ce que la France n'a jamais dit à l'Algérie », publié en mai 2022 chez Inculte, offre une rare occasion de saisir, au-delà des récits et fictions de relativisation, nécessaires évidemment (les travaux de Mehdi Charef comme ceux de Kamel Daoud demeurent ô combien précieux, par exemple), les aspects les plus fondamentaux de la lutte contre le colonialisme, avec ses diverses conséquences.

Imaginant cet aveu unilatéral finement documenté qui serait tout sauf une marque de faiblesse, Alain Giorgetti nous secoue et nous enchante, même au prix de quelques paradoxes bienvenus. Connaisseur des trahisons mémorielles inavouées (son « Pardonne pas – Sept roses rouillées à la mémoire de François Mitterrand » sur, entre autres, le sort de la sidérurgie lorraine sous Giscard-Barre et sous Mitterrand en témoigne en beauté) et des conséquences concrètes, même lorsqu'elles ne sont pas immédiates, du grand jeu néo-colonial (même lorsqu'il se essaie de se parer d'habits neufs) au Moyen-Orient (son bouleversant « La nuit nous serons semblables à nous-mêmes », retraçant les itinéraires menant d'une vie « normale » à une plage de sable sicilienne ou grecque, en témoigne à son tour), il nous offre un audacieux et flamboyant cheminement analytique et poétique, en compagnie aussi de Zhor Zerari, de Tahar Djaout, de Kateb Yacine ou d'Anna Greki, sur la route épineuse et pourtant indispensable de la vérité acceptée et partagée.
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}