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Citations sur Élisée : Avant les ruisseaux et les montagnes (16)

Il note : Arbre. À l’est de Liège, sur une route assez large bordée par des champs. L'arbre est au milieu d'un champ. Je ne connais pas son nom (il tente un dessin de l'arbre et conserve une feuille de celui-ci dans son cahier). Cet arbre habite l'espace, de long en large. Il est planté dans la terre et retenu, par elle, par de longs doigts noirs qui la soulèvent assez loin autour. Il monte au ciel, très haut. De près, de dessous, on ne voit rien que l'ombre lourde et humide. Il est trop dense pour offrir le ciel au regard. Il faut se reculer, prendre de la distance pour mesurer l'ogre qu'il est : il mange tout le ciel autour. Il s'étend aussi avec mille bras en largeur. Les frondaisons, jolies, d'un vert tendre bruissent délicatement et me rappellent les voiles des gabares sur la Dordogne par jour de petit vent. C'est le plus beau bruit du monde. Là, le ciel est sombre, agité. L'arbre serait-il plus beau avec du bleu tout autour ? J'attends le temps qu'il faut pour me faire une idée. Une autre idée. Une idée avec le soleil. J'attends. Je préfère cet arbre dans le gris pommelé des nuages, avec le vent. Il offre une beauté plus sincère.
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Il essaie, comme il peut, de reconstruire ce que Jacques, le père, peut bien vouloir dire.
Jacques lui dit encore : "Tu ne fais rien. Je te vois toute le journée et toute la journée je te vois ne rien faire. Tu vas d'un endroit à un autre. Tu sembles entamer quelque chose que tu t'arrêtes de faire. Puis tu remets en place ce que tu as entamé. Tu sembles chercher à mettre un petit désordre, pas trop grand, juste suffisant pour que tu puisses, ensuite, t'occuper un petit moment à tout remettre en ordre. On ne vit pas comme ça Élisée. C'est le travail qui doit t'occuper. Tu n'as pas besoin pour le moment de te choisir un travail particulier, tu es un enfant, mais tu dois faire chaque chose comme si elle était un travail. Chaque chose mérite d'être faite avec une grande patience, du temps. Chaque chose doit être difficile. Si tu trouves que ça a été simple, c'est que tu t'es trompé, c'est que tu as bâclé. Et si tu ne t'en rends pas compte, regarde de plus près l'objet que tu travailles et tu verras tout ce que tu as raté. Tourne-le, regarde bien, et là, devant ton nez tu ne pourras pas passer à côté de cet angle qui coince, de cette rangée de poireaux qui semble défier l'entendement. Dément, c'est bien ça qui te guette, être dément, si tu n'acceptes pas de vivre comme on doit le faire. On ne peut pas vivre autrement. Je ne le peux pas, les autres ne le peuvent pas, tu ne le peux pas. Mais tu pourras beaucoup prier." Il poursuit : "Nous n'avons pas seulement une part à faire, à accomplir durant notre vie, nous devons faire, sans mesure, sans mesurer, ni la taille de l'effort, ni celle du temps. Et peu importe aussi le temps qu'il fait. Ce qui compte c'est de faire, le repos vient à celui qui fait, tu comprends ce que je te dis Élisée ? Tu comprends, non tu ne comprends pas, toi tu ne comprends pas que l'on fasse, toi tu cherches à attraper la lumière, à transformer les papillons et les ruisseaux alors que ce sont des seaux qu'il te faudrait, pour ranger, pour t'aider à ranger le monde. Tu pourras beaucoup prier."

Bout de pensée : J'en ai marre de lui.

Bout de pensée : J'en ai vraiment marre de lui.
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Bout de pensée : Qu'il laisse le vent et les pierres. Il ne comprend pas le temps qu'il faut pour arrondir une pierre, pour pouvoir dire, je la connais.

Bout de pensée : Il voit de la paresse là où il ne sait pas regarder. Quelle différence fait-il entre fainéant et paresseux ?

Bout de pensée : Il se trompe. Ces pierres ne sont pas du vent, elles sont la terre que l'on transporte et un peu de l'espace en poussière.
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C'était une famille de tousseurs. Le père, Jacques, toussait, et tous les enfants, avec des intensités variables, toussaient. Ils toussaient tous au moindre rhume, au moindre coup de froid. Au mieux de leur forme, ils toussaient aussi : avant le café, après une promenade, devant une salade de carottes. Tous les douze, treize, quatorze enfants toussaient. Les repas étaient les moments privilégiés des toux. C'était Élie, le premier, en général, à tousser. Ensuite, il n'y avait pas d'ordre de préséance : ça toussait.
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Elie lui apprend les rudiments de la gastronomie locale (pas les saucisses), à protéger sa chambre des intrusions nocturnes des autres collégiens (une chaise posée sur deux pieds, coincée sous la poignée de la porte, les deux autres pieds calés par des livres), les cours sans intérêt, les enseignants dont il faut se méfier, les horaires (et comment profiter de ceux-ci), bref, il joue son rôle d'aîné. Il protège, partage, initie, taquine un peu, entoure avec patience.

Il lui rappelle aussi qu'il faut écrire aux parents.
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Les vraies disputes avec son père, Jacques, ne sont pas tout à fait prêtes. Il faut attendre qu’elles se préparent, on ne se dispute vraiment que lorsque l’on est capable de prendre prétexte de l’accessoire, du détail, pour remettre en cause tout un système de pensée, toute une manière de vivre. Il n’en est pas du tout là. À l’âge où il est encore cet enfant, où sa peau est claire des voyages qu’il n’a pas faits, où ses bras qui seront toujours relativement chétifs l’étaient déjà, avec sa petite taille et sa chevelure soyeuse, il s’enfuit ruminer ses frustrations et tiraillements, déplacer des pierres. Pas déplacer des montagnes, juste ramasser des pierres et les faire voyager. De petits actes mesurables.
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