Un recueil pénétrant et alerte dévoilant parfaitement les facettes rusées de l'écriture poétique de la prix Nobel 2020.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/04/17/note-de-lecture-
meadowlands-louise-gluck/
Prix Nobel de littérature 2020, l'Américaine
Louise Glück fait partie de ces autrices ou auteurs que la France, pourtant l'un des pays les plus actifs au monde en matière de traduction des littératures étrangères dans sa propre langue, semble ignorer jusqu'à la consécration finale (on se souvient, et sans hasard, il s'agissait alors également de poésie, de la quasi invisibilité du Suédois
Tomas Tranströmer chez nous jusqu'en 2011). Mettant les bouchées doubles, tardives mais efficaces, pour combler ce manque, les éditions Gallimard nous ont offert depuis lors la traduction de quatre recueils. Confié à
Marie Olivier, «
Meadowlands », publié à l'origine en 1996, est le dernier en date, apparu chez nous en février 2022.
Mêlant les motifs mythologiques lancinants de Pénélope, d'Ulysse, de Télémaque (le véritable héros secret, peut-être, de ces pays de prairie figurés), ou de Circé (au point de résonner étrangement avec le si incisif « Troie » de luvan) et les sursauts intimes, les saillies subtilement politiques (souvent paraboliques) et les surgissements d'humour froid, sophistiqué et éventuellement noir,
Louise Glück parvient à la fois à inventer un univers faussement familier et authentiquement déstabilisant (« Nuit sans lune » ou « Matin pluvieux », par exemple), à désarçonner les attentes imprudemment avancées (« Parabole du treillis » ou « Ce que le coeur désire »), à construire une vraie-fausse nostalgie à géométrie éminemment variable (les trois «
Meadowlands ») et à renouveler en profondeur certaines métaphores au long cours que l'on aurait pu d'abord jurer fatiguées (« Marina » ou « le papillon », tout particulièrement). Et tout cela sous le couvert délicieux d'une langue très particulière, superbement rendue par la traductrice (prenant le risque d'être lue et relue dans cette édition bilingue), qui associe des ancrages extrêmement profonds à un maniement primesautier des anachronismes chaque fois que nécessaire ou judicieux.
Une très belle découverte poétique, qui appelle donc à toujours davantage de curiosité de notre part et de celle de nos éditeurs, sans attendre les nobélisations si possible.
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