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Critique de Sando


En fuyant Paris, au motif qu'il est asthmatique, pour se réfugier à Vallorcine, un petit village situé dans la vallée de Chamonix-Mont-Blanc, au bord de la frontière Suisse, Vadim Pavlevitch est devenu Vincent. Pour la première fois, le jeune garçon âgé de douze ans découvre la montagne et ses paysages enneigés, constitués de pics, de monts et de crevasses. La sidération fait rapidement place à l'émerveillement. Aux côtés de Moinette, une gamine du cru âgée de dix ans, Vincent va peu à peu se familiariser avec ce monde nouveau dans lequel il faut s'en cesse trimer si l'on veut survivre, mais qui offre tant de richesses et de beautés que le labeur semble être un juste prix à payer.
Ainsi, dans cette petite vallée des Alpes, Vincent va passer de longs mois coupé du monde, protégé par l'hiver et par une nature qui a repris ses droits. Mais, le printemps arrive et la neige fond, découvrant les accès jusque là obstrués... La vallée s'ouvre progressivement à l'extérieur et Vincent voit dans cette ouverture une menace, comme une invitation lancée aux allemands…

J'avais oublié à quel point Valentine Goby était une magicienne des mots! Pourtant, j'avais déjà été bouleversée par la puissance de son écriture à la lecture de Kinderzimmer il y a quelques années de ça… Ce talent s'exprime avec encore plus de certitude dans “L'île haute”, cette histoire lente, propice à la description et à la contemplation, qui avance au rythme des saisons et du climat. Finalement, on pourrait dire qu'il ne se passe pas grand chose dans cette intrigue qui se résume à l'acclimatation d'un petit parisien à un univers qui lui est totalement inconnu, mais qu'il lui est nécessaire d'apprivoiser car sa survie dépend de sa capacité à se fondre dans ce nouveau décor… le roman est donc extrêmement descriptif et tend à rendre compte d'un quotidien somme toute banal pour les gens du coin, mais qui prend une dimension nouvelle sous le regard neuf et naïf de Vincent.

Pour cela, Valentine Goby, grâce à une langue fouillée et incroyablement évocatrice, parvient à nous offrir une immersion totale dans cet univers montagnard, où la rudesse et l'entraide coexistent en permanence. Comme Vincent, on sent le froid vif et piquant sur la peau, on est grisé par les premières fois en skis, on ressent avec enchantement la densité des reliefs et la palette des couleurs, on s'émerveille d'un premier vêlage… J'ai bien souvent eu l'impression d'être dans la peau de Martin, ce berger aveugle, qui s'il ne voit pas, perçoit tout et n'a pas son pareil pour décrire ce qui l'entoure et pour nommer les choses… Cette magie des mots passe par la richesse de la langue et par le recours au patois. Tout est nommé, sans cesse, et c'est cette acquisition d'un langage nouveau qui va permettre à Vincent de se forger une nouvelle identité.

Mais, malgré ce rythme lent et contemplatif qui pourrait paraître un peu lisse, Valentine Goby parvient à toujours faire planer une tension au-dessus de la vallée… On sent L Histoire en marche se rapprocher de cette bulle jusqu'alors préservée de la violence des hommes et on ne cesse de redouter cette épée de Damoclès qui menace de frapper à tout instant… Un texte d'une grande puissance littéraire et évocatrice, qui peut ne pas plaire à tout le monde en raison de ses nombreuses descriptions mais qui a su m'attacher à ses personnages et m'entraîner, l'espace de quelques heures, dans son univers!
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