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Citations sur La Vie promise (13)

Un peu d’or dans la boue


X

Je me disais : il faut encore, il faut –
et les mots couraient devant moi, reniflaient
la route, le ciel, les fougères, le ventre
mal boutonné des collines

puis revenaient, me rapportant un bout de peau
calcinée, un fragment d’os : cette vieille
et toujours lancinante question
du pourquoi ici, moi, pourquoi ?

- aller venir attendre comme le préposé
aux départs, qui ouvre et ferme l’horizon,
attendre l’ultime voyageur
avant de retourner l’ardoise, d’écrire

fermé pour cause de paresse ;
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L’Attente


I

Si tu viens pour rester, dit-elle, ne parle pas.
Il suffit de la pluie et du vent sur les tuiles,
il suffit du silence que les meubles entassent
comme poussière depuis des siècles sans toi.

Ne parle pas encore. Écoute ce qui fut
lame dans ma chair : chaque pas, un rire au loin,
l’aboiement du cabot, la portière qui claque
et ce train qui n’en finit pas de passer

sur mes os. Reste sans paroles : il n’y a rien
à dire. Laisse la pluie redevenir la pluie
et le vent cette marée sous les tuiles, laisse
le chien crier son nom dans la nuit, la portière
claquer, s’en aller l’inconnu en ce lieu nul
où je mourais. Reste si tu viens pour rester.
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Un peu d’or dans la boue


IX

Ce que j’ai voulu, je l’ignore. Un train
file dans le soir : je ne suis ni dedans
ni dehors. Tout se passe comme si
je logeais dans une ombre

que la nuit roule comme un drap
et jette au pied du talus. Au matin,
dégager le corps, un bras puis l’autre
avec le temps au poignet

qui bat. Ce que j’ai voulu, un train
l’emporte : chaque fenêtre éclaire
un autre passager en moi
que celui dont j’écarte au réveil

le visage de bois, les traverses, la mort.
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Un peu d’or dans la boue


VIII

Vers l’ouest, avec les derniers rayons roses,
en suivant bien la flèche sur le bas trop tendu
de la nuit qui s’est penchée pour mettre
l’avion dans sa poche, voilà

ce qui tient encore, les yeux au ciel, debout
sur ce parking où tu effiles dans le gris
tes voiles de Colomb, tes routes de la soie
et du sel et du seul, en attendant,

En attendant que tout finisse (tu dis tout
comme celui qui siffle pour garder son ombre
à ses côtés dans la ruelle obscure) tout : ce baiser
‒ à peine – du couchant sur les lèvres

de celle qui s’en va en te laissant le quai.
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Un peu d’or dans la boue


VII

Si j’ai cherché ‒ ai-je rien fait d’autre ? –
ce fut comme on descend une rue en pente
ou parce que tout à coup les oiseaux
ne chantaient plus. Ce trou dans l’air,

entre les arbres, mon souffle ni mes yeux
ne l’ont comblé – et je criais souvent
au milieu des herbes, mais je n’attendais
rien, je me disais : voilà,

je suis au monde, le ciel est bleu, nuages
les nuages et qu’importe le cri sourd des pommes
sur la terre dure : la beauté, c’est que tout
va disparaître et que, le sachant,

tout n’en continue pas moins de flâner.
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Un peu d’or dans la boue


VI

Et tu finis par ranger le livre, là-haut,
à sa place exacte, ce petit creux d’ombre et d’oubli
comme le coin de terre qui te revient.
Tu reviens toi aussi

à ta place, devant la fenêtre, la table,
ce carré de neige que nul encore n’a forcé
et qui va dans tous les sens comme ta vie
parmi les mots, les morts.

Tu sais bien qu’aucun signe ne guérit de l’absence,
pas plus que le merle en tombant ne renverse
l’axe de la terre, mais tu persiste, ô scribe,
à soudoyer les anges :

un peu d’or dans la boue, dites, que la nuit reste
 ouverte.
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Un peu d’or dans la boue


V

On dit : le soleil après la pluie, la mer
après la montagne, l’amour après
et partir, partir. Demain, quand tout sera,
quand tout aura, quand.

Promesses des morts si vivre est plus
qu’attendre, qu’espérer. Cendres jetées
sur le feu qui regimbe un peu puis se tait
sans consolation : la nuit

tombe, l’aube se lève, un été a passé.
Déjà, disent les fumées du hameau
tandis que des animaux sans colère continuent
d’amasser l’or du temps, l’or

de nos yeux avides et si vite fermés.
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Un peu d’or dans la boue


IV

Peut-être faudrait-il tirer le rideau, laisser
le corps tout entier couler dans la fatigue
et dénouer l’entrelacs des pensées, la noire
étreinte des algues, trancher vif

avec ta propre mort, ce qui a été et qui n’est
plus, avec ce qui viendra, l’inéluctable
marée de sons et d’images que les noyés – dit-on –
n’emportent pas, laisser le temps

comme la pluie battre ton front
jusqu’à ce que tout redevienne poussière
dans la chambre du mort : on vide les tiroirs,
on balaye et par la porte ouverte la lumière

un instant se fait chair et frissonne
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Un peu d’or dans la boue


III

Encore si le feu marchait mal, si la lampe
filait un miel amer, pourrais-tu dire : j’ai froid,
et voler le cœur du noyer chauve, celui
du cheval de labour qui n’a plus où aller.

et qui va d’un bord à l’autre de la pluie
comme toi dans la maison, ouvrant un livre,
des portes, les repoussant : terre brûlée, ville
ouverte où la faim s’étale et crie

comme ces grappes de fruits rouges sur la table,
vie étrangère, inaccessible présent
à celui qui ne sait plus désormais
que piétiner dans le même sillon

la noire et lourde argile des fatigues.
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Un peu d’or dans la boue


II

Le temps qu’on se lève vraiment, qu’on dise
oui de la pointe des pieds jusqu’au sommet
du crâne, oui à ce jour neuf jeté
dans la corbeille du temps, il pleut.

Ô l’exacte photographie de l’âme, ces deux mots
qui nous rentrent les yeux comme des ongles
dans la chair : il pleut. Le sang de l’herbe
est vert insupportablement et c’est en nous

qu’il pleut, en nous qu’une digue rompue
voit s’effondrer peu à peu, derrière la vitre
et parmi les voilures, avec des pans de vieux
regrets, d’attentes fatiguées,

les raisons de partir et d’habiller le froid.
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