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Citations sur Les derniers planteurs de fumée (14)

Réveil en musique: il pleut. Rester couché surtout: écrire n'est plus de mise quand la pluie sur le toit chante sans effort, et son vers est impair et passe en sautillant. Parfois c'est un enfant à cloche-pied qui perd ses billes, s'arrête brusquement, les ramasse et l'on entend voler une mouche survivante; parfois, c'est une promenade d'oiseaux qui picorent on ne sait quoi, et le vers est régulier, et la césure. Ce qu'il dit importe peu: c'est l'âme des choses qu'on croyait en allée pour toujours et qui revient, remplit les creux. On s'en rend compte dès que la pluie a tourné le coin de la rue, pas besoin d'ouvrir les yeux. Le silence n'est plus l'absence de bruits, mais la voix soudaine en nous, accordée, complice, de la vie et de l'être. Le temps ne passe plus. Et la terre est enfin bleue comme une orange. Les poètes ont toujours raison.
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J'ai cru qu'il suffisait de partir pour être quitte du passé. C'était oublier un peu vite qu'on n'échappe jamais tout à fait à l'ogresse nourricière, à cette forêt où le coeur d'un enfant timide a battu sa première chamade. Rimbaud lui-même, au milieu des soleils apaches du Harar, regrettait l'or des feuilles que l'ombre bat sur la flache ardennaise, et ses trafics de contrebande à travers les grands bois pleins d'animaux solides. Et Verlaine à Paris, qui mettait du vert jusque dans son eau et buvait sans nuance à la fin toutes les couleurs de l'Ardenne, Verlaine, chaque jour plus gris que la pluie sur le schiste, et plus tendre, attendait qu'un dernier miracle le relevât de l'exil.
L'Ardenne est bien le pays dont on ne revient pas. Qu'on soit du centre ou des lisières, ou qu'on ait fui à cent lieues de là, l'Ardenne vous tient et ne vous lâchera plus. Car elle existe et n'existe pas, comme le jardin sauvage, inquiétant et merveilleux à la fois, le concentré de rêves et d'images, qui trempa notre enfance comme une aube à pieds nus ou comme une mer longtemps promise.
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Il y a des terres lointaines où l'on n'aborde jamais, sauf en rêve, lorsque le soir tombe infiniment et que le ciel est d'un rouge d'opéra. On s'est assis sur le seuil ou accoudé à sa fenêtre et l'on regarde au fond de soi paisiblement s'écrouler ces grands châteaux qu'une journée qui s'en va avait patiemment, laborieusement échafaudés.
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Au fond, les vrais voyages sont immobiles. Immobiles et infinis. Solitaires. Silencieux. Souvent, ils commencent dans une chambre où l'on est enfermé parce qu'il pleut ou parce qu'on est malade, obligé de garder le lit.
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L'Ardenne est bien ce pays dont on ne revient pas. Qu'on soit du centre ou des lisières, ou qu'on ait fui à cent lieues de là, l'Ardenne vous tient et ne vous lâchera plus. Car elle existe et n'existe pas, comme le jardin sauvage, inquiétant et merveilleux à la fois, le concentré de rêves et d'images, qui trempa notre enfance comme une aube à pieds nus ou comme une mer longtemps promise.
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Il y a des terres lointaines où l'on n'aborde jamais, sauf en rêve, lorsque le soir tombe infiniment et que le ciel est d'un rouge d'opéra. On s'est assis sur le seuil ou accoudé à sa fenêtre et l'on regarde au fond de soi paisiblement s'écrouler ces grands châteaux qu'une journée qui s'en va avait patiemment, laborieusement échafaudés.
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Plus tard, les feuilles royales, fanées déjà, sécheraient dans le hangar à claire-voie, sur des perches à clous appelées boudriots qu'on suspendait aux poutres. À la Toussaint, je viendrais quand même voir si saint Joseph nous avait souri, si les plants avaient cette belle couleur ocre foncé qui couvrait comme une monnaie d'or le visage et les mains de Grand-père. J'aiderais un peu à l'effeuillage, lierais les feuilles en bottes et les transporterais au grenier, à l'abri du vent et des regards jaloux, mais le coeur n'y serait plus. Je savais que le tabac vieillirait là, sans moi, lentement comme un vin, jusqu'à ce que son arôme envahisse la maison.
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Le jardin de mon père, ce que j'appelais ainsi, n'était pas un jardin, mais un grand morceau de terre constamment remuée. Cerné sur trois côtés de grosses fleurs multicolores, de groseilliers rouges et de cassis, il était fermé au bout par une rangée de peupliers. Brasseurs de ciel à longueur de jour, ces hauts arbres, par les nuits de grand vent, recrachaient la mer, la voix des sirènes et les chants des noyés.
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Le jardin en septembre a l'air d'un cimetière, avec ses touffes de verdure, deçà delà, ses fruits tombés et qui pourrissent, ses herbes folles, montées en graines, séchées sur pied; et la tache blanche derrière les arbres qui s'époumonent à retenir leurs feuilles, n'est-ce pas exactement la chemise du gardien qui fume dans le soir tombant? Sa porte longtemps reste ouverte sur les framboisiers qui envahissent, et sur les ronces.
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Le dos appuyé contre une colline qui fait frontière avec un ciel plus souvent bas qu'à son tour, j'attends là, depuis dix siècles, un affaissement de terrain qui ne vient pas.
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