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Critique de mh17


Les Ames mortes (1842) est un ouvrage extravagant et inclassable que Gogol commença dans l'allégresse, sur une idée de Pouchkine et qu'il ne finit jamais. Il préféra semble-t-il brûler ses derniers manuscrits et sombra dans la folie.
« Après le Revizor, écrit Gogol, je me décidai à rassembler en un seul tas tout ce que je pouvais connaître alors de mauvais en Russie, toutes les injustices qui se commettent dans les emplois et dans les circonstances où l'on doit exiger de l'homme le maximum de justice, et une fois pour toutes rire à tout cela ».
Après avoir lu les premiers chapitres, Pouchkine s'exclama : « Dieu que notre Russie est triste ! » Mais Gogol n'a jamais eu l'intention d'écrire un livre réaliste :« Je n'ai jamais aspiré à être l'écho de tout et à refléter la réalité telle qu'elle est autour de nous. Je ne peux même pas, maintenant, parler d'autre chose que de ce qui touche de près ma propre âme » Après la mort de Pouchkine qui le bouleversa, Gogol projeta de racheter son héros dans une seconde partie, puis une troisième à la manière de Dante dans sa Divine Comédie. Mais il n'y parviendra pas. Son échec l'anéantira et il jettera le manuscrit de la seconde partie au feu.
Tchitchikov est un personnage mystérieux. Il voyage dans une britchka brinquebalante en compagnie d'un valet qui pue et d'un cocher qui boit. C'est dans la description de ses domestiques et de leurs chevaux que l'on pressent à qui on a à faire. On ne comprend son projet immoral et sacrilège que peu à peu au fil de ses négociations croquignolettes avec de petits propriétaires terriens. On apprend ensuite qu'il rêve d'accéder au confort bourgeois, à un bonheur assez médiocre somme toute. le lecteur est emberlificoté par ce gaillard car il souhaite malgré lui sa réussite. D'abord son escroquerie semble légère à première vue : faire passer des morts pour des vivants afin d'obtenir des subventions. Ce n'est pas un crime bien terrible, il a même un petit côté folklorique. Et puis les propriétaires avec lesquels il négocie les âmes mortes sont pires que lui, bêtes à manger du foin, grotesques, risibles. Un sacré échantillon, pittoresque et universel, magistralement portraituré avec un souci du détail phénoménal. C'est très drôle. En plus le narrateur nous fait part de ses réflexions sarcastiques mais justes à leur sujet. On se dit c'est bien fait pour eux ! Et on rit de bon coeur, âmes égarées que nous sommes, aidés en cela par les apartés de l'auteur qui en rajoute une couche bien garnie. Mais les tractations bizarres de Tchitchikov ont fini par éveiller les soupçons des notables. le gouverneur mène l'instruction. Mais de quoi l'accuser au juste ? La scène est grotesque et absurde. Une âme n'est pas matérielle, il n'a donc rien dérobé. Il a fraudé le fisc, l'Etat mais il n'a causé de tort à personne en particulier. Ils ont été bernés par plus filou qu'eux c'est tout. Et puis pour l'administration, ce ne sont que des listes, rien de réel. Tchitchikov n'éprouvera jamais aucune culpabilité. Au contraire, à la lecture des noms de paysans et d'artisans sur les listes il a imaginé dégouté et joliment inspiré leur vie grossière de poivrots paresseux. le personnage est méprisable, méchant, diabolique. On rit jaune. On a enfin compris que les âmes mortes, c'est eux, c'est lui, c'est nous.
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