Nuit blanche

Je dois trouver un moyen d’échapper à Will sans être trop méchante. Il m’a quand même sauvé des griffes du serveur et payé une autre tequila.
Alors comme toute fille normalement constituée qui a déjà servi ce genre d’excuse, je lui explique que je dois aller aux toilettes. Je sais que ce n’est pas très correct, mais c’est la façon la plus douce que j’aie trouvée pour fuir. Sitôt libérée de lui, je me faufile entre les danseurs surexcités. La musique de Calvin Harris envahit alors la salle. C’est un morceau que j’adore !

C’est un cauchemar, je les attire, ce n’est pas possible ! J’ai l’impression de parler avec Matt, c’est une horreur. Sortez-moi de là !

Choisir une cible et essayer de l’attraper dans nos filets. Mais ça date de quatre ou cinq ans maintenant. Je suis rouillée, fiancée, et ma sœur est maintenant mère de famille.
Ah ! Ça y est, il est là, accoudé au comptoir. Il discute avec trois types. Comment vais-je m’y prendre ? Je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule. Mon bel et insupportable inconnu m’a suivi. Il m’observe, attentif et amusé, vu le sourire qui lui colle aux lèvres. Et mince ! Il est sérieux quand il dit qu’il veut me voir draguer quelqu’un.

Je suis dans un autre monde, loin d’ici, mais toujours à ses côtés, et cette bouche que je désire pouvoir presser contre la mienne me perturbe un peu plus. Je reviens sur terre quand je sens qu’il tire sur le col de mon chemisier pour dévoiler la naissance de ma poitrine. Je n’ai pas le temps de protester qu’il m’empoigne par la taille et me contraint à faire demi-tour sur moi-même.

Je n’ai indiscutablement pas d’autre choix que de le suivre. Plus les minutes passent, plus cet homme m’intrigue. C’est compliqué à expliquer, mais sa présence aussi agaçante soit-elle me rend… Comment dire ça ? Euphorique ? Vous savez, quand vous êtes sur le point de faire quelque chose de totalement fou ou même dangereux ? Tels les manèges à sensations ou les sports extrêmes. Vous êtes excité, mais vous avez la trouille, une peur à vous faire tourner de l’œil à tout moment. C’est ce que je ressens avec ce type.

Je n’aime pas les clubs. Quand on a 18 ou 20 ans, qu’on est célibataire et qu’on cherche à draguer ou à se saouler, je veux bien, mais là, quel est l’intérêt ? J’ai passé l’âge. Et pourquoi insiste-t-il autant pour que je me lâche. Ai-je l’air si coincée ?
Mais, comme à son habitude, il ne me demande pas mon avis. C’est soit je reste dans la voiture à attendre que les heures passent, soit je continue cette folle virée et me prends au jeu.

Je lis mon horoscope tous les jours et, ironie du sort, celui d’aujourd’hui m’a annoncé une rencontre qui pouvait bouleverser ma vie. Je me fie beaucoup aux compatibilités des signes astrologiques. Mais, je n’ai pas envie de lui avouer, car c’est visiblement quelque chose qu’il trouve niais.

Je ne connais pas ce type, il ne me connaît pas non plus. Et pourtant, depuis mon lâcher-prise, je me sens mieux. Vraiment mieux. C’est étrange comme sensation, je suis partagée entre la peur et l’excitation. C’est la chose la plus folle qui me soit arrivée en vingt-trois ans.

La lèvre inférieure de sa bouche charnue a une forme de cœur. Il n’arrête pas de se la mordre depuis tout à l’heure. Il est très sexy. Oui, vraiment sexy ! Mal rasé, mais cela le rend encore plus craquant. Il dégage une sensualité à couper le souffle. En résumé, l’inconnu qui vient de me kidnapper est un très bel homme.

Sa façon de considérer ma vie me déconcerte, il résume en quelques mots un bilan que je me voile à dresser depuis plusieurs mois.