Mais, s'ils ont oublié beaucoup de choses, ils en ont réappris tant d'autres. Les textes disent qu'avant l'holocauste, les hommes ne savaient individuellement rien faire pour assurer leur propre survie, qui relevait d'une charge communautaire. Ils ne savaient ni chasser, ni cultiver la terre, ni élever des animaux, ni fabriquer leurs vêtements, ni se soigner, ni produire de l'énergie : tout cela était assuré par d'autres, par la collectivité, voire par des machines.
C'était une des marques de fabrique d'Eternity : dans son souci de préserver l'espèce humaine, et contrairement aux sociétés concurrentes, elle concevait des objets prévus pour durer, le plus longtemps possible.
Comment pourrait-il en être autrement, s'interrogent les deux derniers, partageant le même effarement.
Il s'est extasié à plusieurs reprises devant ces trésors pour lui perdus : des oiseaux, des crocodiles, un banc de dauphins, la forêt luxuriante, quelques ruines humaines, à peine visibles.
Salim, il faut que vous sachiez que chez nous, c'est Caïn [une I.A.] qui décide de qui se reproduit avec qui, pour fabriquer les Éternautes les plus performants possibles, et préserver la diversité de l'espèce.
-Je détecte une présence humaine à l'extérieur des bulles.
-Hein? C'est impossible...
-C'est pourtant l'exacte vérité
-Mais comment pourraient-ils survivre au Virus?
Quelques heures plus tôt, Salim a traversé la veille ville et pénétré dans le jardin en friche de Jamhuri, sous le regard intrigué des singes rouges. Le silence soudain, ou plutôt les échos de la cité filtrés par la végétation luxuriante, ont sacralisé l'instant, comme si le dernier astier remontait le temps sur la trace des Premiers. Lentement, respectueusement, il a emprunté le couloir aménagé dans le fragment de la jungle, jusqu'é l'antique bâtiment, jusqu'à l'aigle bleu déposé là, méthodiquement nettoyé, entretenu, repeint...