Pour des usagers de la psychiatrie acteurs de leur propre vie

Personne n’a posé de question sur les voix elles-mêmes; on s’est tellement acharné à en obtenir la destruction totale qu’on n’a même pas saisi que cela entraînerait ma mort.

Pendant tout le temps que j’ai passé à l’hôpital psychiatrique, personne ne m’a demandé ce que racontaient les voix. On soignait l’invisible, on soignait ce qu’on ne comprenait pas. Les traitements, tout en ayant pour effet de m’affaiblir, n’ont jamais modéré les voix. Pilules, potions et interventions ne les ont jamais, au grand jamais, atténuées. De nombreuses interventions médicales ont été tentées, sauf peut-être celle qui aurait été utile.

La Commission européenne traduit empowerment par responsabilisation et la définit comme une « démarche qui consiste à octroyer aux individus le pouvoir de prendre des initiatives responsables en vue d’orienter leur vie et celle de leur communauté (ou société) dans les domaines économique, social et politique » (Commission européenne, 2001, p. 41).

L’empowerment peut être considéré comme le processus par lequel l’individu prend le contrôle sur sa propre vie, apprend à faire ses propres choix, participe aux décisions le concernant, soit un processus d’autonomisation tout en s’armant mieux pour savoir apporter sa contribution à la collectivité.

la Commission européenne (2001, p. 40) définit l’inclusion sociale ainsi :
« Lorsque les individus sont en mesure de participer pleinement à la vie économique, sociale et civile, lorsqu’ils disposent d’un accès suffisant aux revenus et à d’autres ressources (d’ordre personnel, familial, social et culturel) pour pouvoir bénéficier d’un niveau et d’une qualité de vie considérés comme acceptables par la société à laquelle ils appartiennent, et lorsqu’ils jouissent pleinement de leurs droits fondamentaux. »

Anthony (1993) décrit le rétablissement comme :
« un processus profondément personnel et unique de changement de ses attitudes, valeurs, sentiments, objectifs, compétences et/ou rôles. C’est une façon de vivre de manière épanouie, avec l’espoir d’apporter sa contribution à la société, même s’il reste d’éventuelles contraintes liées à sa maladie. Se rétablir signifie donner un nouveau sens à sa vie, un nouvel objectif, au fur et à mesure que l’on apprend à dépasser les effets catastrophiques de la maladie mentale ».

Le passage de la détermination par autrui à la conscience interne constitue, sans nul doute, le travail de repositionnement le plus important que les structures de prise en charge et les professionnels puissent s’engager à réaliser si un nouveau paradigme doit effectivement voir le jour. Cela a l’air simple, en principe, mais il s’est avéré difficile pour de nombreux professionnels et structures de prise en charge de renoncer à leur rôle de spécialiste de la vie d’autrui. Peut-être l’une des raisons en est-elle que les soins de psychiatrie sont de plus en plus souvent détenteurs du pouvoir de la société d’«expliquer, catégoriser, traiter, détenir et pronostiquer » (Summerfield, 2001) ; il leur est donc extrêmement difficile, sinon impossible, d’abandonner leur position dominante d’experts de la vie d’autrui.

Un aspect inquiétant que rencontrent de nombreuses personnes essayant de mettre en œuvre une démarche centrée sur le rétablissement est que souvent, les professionnels de la psychiatrie aujourd’hui affirment qu’ils « font du rétablissement ». Or, les professionnels ne « font » pas du rétablissement, et celui-ci ne peut pas être appliqué par les services. Nous savons que le rétablissement a été formulé par et pour les usagers afin de décrire leur expérience : ce sont les usagers qui « font du rétablissement », pas les professionnels.