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Critique de franksinatra


Au début des années trente, l'Orient Express se prépare à partir de la gare d'Ostende pour un voyage à travers l'Europe jusqu'à Constantinople en passant par Cologne, Vienne et Belgrade. A bord des wagons, divers personnages vont se croiser, se rencontrer, se séparer au grès des étapes parmi lesquels Coral Musker, danseuse de music-hall, Carleton Myatt, jeune négociant fortuné juif, Richard John, vieil instituteur, Mabel Warren, journaliste lesbienne et alcoolique ou encore Joseph Grünlich, voleur et meurtrier. A ces protagonistes s'ajoutent d'autres personnages secondaires comme Quin Savory, un écrivain populaire, le pasteur Opie, Janet Pardoe, la "dame de compagnie" de miss Warren et le couple Peters, représentant la classe moyenne anglaise.
Coral Musker, importunée par Peters et malade dans son wagon de 3ème classe est prise en pitié par le jeune Myatt, fier de sa réussite matérielle qu'il affiche avec ostentation et maladresse, qui lui offre son sleeping et le restaurant. La jeune danseuse qui se sent redevable finit par céder aux avances du négociant. A cette romance à l'eau de rose biaisée, s'ajoute bientôt une intrigue plus politique lorsqu'à Cologne, monte à bord du train, presque sur un coup de tête, la journaliste Mabel Warren venue accompagnée sa dame de compagnie en partance, quand elle est persuadée d'avoir reconnu sous les traits de l'instituteur britannique le docteur Richard Czinner, un activiste révolutionnaire yougoslave recherché par les autorités balkaniques, qu'elle harcèle pour obtenir un scoop susceptible de relancer à la fois sa carrière journalistique et le couple qu'elle forme avec Janet Pardoe sur le point d'éclater. Progressivement l'aspect sentimental de l'histoire et le ton ironique de l'auteur vis à vis des comportements ridicules de miss Warren laisse la place au drame qui couve. D'abord à Vienne, lorsque Joseph Grünlich, coupable d'un meurtre lors d'un cambriolage qui a mal tourné grimpe dans le train pensant ainsi échapper aux poursuites policières ; ensuite à la frontière yougoslave de Subotica quand le docteur Czinner, dénoncé par la journaliste, tombe dans le piège tendu par la police et l'armée yougoslave et entraîne avec lui dans un simulacre de procès face à une cour martiale d'opérette Coral Musket et Grünlich. Si le lecteur n'a aucun doute sur ce qui attend le révolutionnaire communiste, il peut encore espérer une fin heureuse pour Coral Musker, pendant que les autres passagers arrivent à Constantinople et retrouvent leur univers familier et le cours normal de leur vie.

Roman de jeunesse publié en 1932, Orient Express, intitulé à l'origine Stamboul Train, fait partie des romans que l'auteur britannique qualifie lui-même de "divertissement". Si elle comporte une intrigue somme toute assez conventionnelle, au delà du roman "ferroviaire" classique, empruntant à la fois au roman sentimental et au roman policier, cette oeuvre exprime aussi les angoisses des personnages face à la crise que traverse le monde et à leur propre destin et maintient la tension en développant les malaises ressentis par les protagonistes, l'obsession de sa judéité pour Myatt, la crainte de la pauvreté pour Coral Musker, le besoin de reconnaissance professionnelle et amoureuse pour Mabel Warren ou la peur et le besoin de rédemption du docteur Czinner, et en créant des relations qui unissent les personnages presque malgré dans ce train présenté comme le microcosme d'une société traversé par les clivages de mentalités et de situations sociales.
C'est aussi un roman courageux qui aborde deux sujets osés pour l'époque, à savoir l'antisémitisme et l'homosexualité. Les préjugés antijuifs sont exprimés par plusieurs personnages et sont le reflet parfait des mentalités de l'époque; Ces préjugés sont renforcés par les comportements maladroits de Myatt, ce qui a valu d'ailleurs à l'auteur quelques critiques. L'appartenance communautaire y est décrite à la fois comme une fatalité mais aussi un lieu permettant de se ressourcer dans un univers plus familier.
Le deuxième thème, celui de l'homosexualité, n'est abordé qu'en demi-teinte et si le personnage qui l'incarne est présenté comme ridicule et même parfois odieux dans sa jalousie maladive et son éthique professionnelle plus que contestable, il n'en demeure pas moins présent à de nombreux moments dans les limites de ce qui était permis à l'époque.
Ce roman est donc intéressant à plus d'un titre bien qu'il ne possède pas la force littéraire des oeuvres ultérieures de l'écrivain catholique converti mais il recèle le ferment du talent de l'auteur de "la Puissance et la Gloire" et de "Un américain bien tranquille".
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