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Critique de Phoenicia


Encore une immersion satisfaisante à la cour d'Henri VIII, ce tyran que les différents récits de Philippa Gregory esquisse non sans effroi.

Comme elle a pu le faire dans d'autres récits, ici on retrouve le destin de trois femmes, offrant ainsi plusieurs points de vue.

La Première est Anne de Clèves. D'elle, je connaissais peu de choses, si ce n'est que le roi a annulé leur union en raison de sa laideur, malgré un tableau appréciateur de Holbein et qu'elle s'en tira au final " à beau compte" en obtenant le statut douteux de "soeur du roi". Philippa Gregory, pour chacune de ses protagonistes, met en avant certains événements saillants afin de nous faire comprendre toute la personnalité de ses héroïnes. Des trois, c'est indubitablement celle à laquelle on s'attache. L'autrice imagine une enfance très austère, avec un frère malsain au possible. Voici cette jeune femme, étrangère, élevée dans la stricte tradition luthérienne et n'ayant en aucun cas les armes et les codes pour survivre à la cour anglaise. On compatit forcément pour son sort et d'elle on garde, à travers ce récit, l'image d'une jeune femme douce, honorable, agissant avec grâce et surtout avide d'une liberté que seul son statut de "soeur du roi" peut lui apporter, non sans gros sacrifices...

Les deux autres protagonistes sont, elles, de véritables marionnettes. Si la barrière de la langue et son instruction peut rendre Anne un peu crédule de prime abord, les deux autres le sont d'autant plus.

Que dire de Catherine Howard, cette toute jeune fille qui a eu la malchance d'attirer le regard du roi par coquetterie? L'autrice a voulu s'éloigner de cette image de jeune fille sotte. du moins, c'est ce qu'elle prétend. J'avoue que c'est pourtant ce qui ressors. On a une jeune fille qui manque cruellement d'éducation, superficielle, vaniteuse, cupide. Les entrées de chapitre où elle énumère ce qu'elle possède dresse à eux seuls son portrait. Pour autant, on ne peut que avoir la nausée face à certains éléments de sa vie. Celle d'une jeune fille qui, trop tôt, a été la proie d'hommes libidineux, et ce dès ses 11 ans. L'époque où le consentement des femmes n'était pas envisagé, englobant ainsi toute jeune fille à peu près formée et jolie. Que dire des gestes obscènes et publics que lui fait subir le roi? On a une jeune fille qui obéit. Elle obéit au roi en tout point. Elle obéit à son oncle qui la manoeuvre pour ses propres intérêts. Elle obéit à Jane Boleyn.

Ce qui me fait arriver au troisième personnage. Si on peut s'attacher à ce personnage, on ne peut manquer de le trouver intéressant. L'autrice a pris le parti risqué de lui donner une voix à cette femme qui, par sa jalousie, a mené son mari et sa belle-soeur au bourreau. On a ici une femme qui s'aveugle. Une femme qui a une once de moralité mais qui est piétiné tant et plus pour se sauver. Qui exécute, dans sa crédulité, les plans de Thomas Howard, en pensant obtenir quelque chose en retour. Dupe jusqu'au bout, on assiste donc à son côté calculateur mais plus encore au fait qu'elle transige de plus en plus avec sa morale. Des trois, c'est indubitablement le profil psychologique qui me semble le plus travaillé, là où Catherine apparaît comme caricaturale et Anne destinée à susciter l'empathie et l'appréciation du lecteur.

En toile de fond, on a encore et toujours la personnalité d'Henri VIII, ce tyran aux humeurs changeantes, qui s'aveugle sur son apparence et effraye tout à chacun par ses avis inconstants.

C'est la psychologie des personnages, si travaillée, qui font que j'apprécie tant les romans de Philippa Gregory. Par cela, il nous offre une porte sur ce XVI e siècle qui nous glace d'effroi et nous fait compatir pour des femmes qui n'ont que peu la maîtrise de leur destinée...
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