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Critique de Chouchane


L'exergue de Primo Levi donne le ton de l'essai "les montres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être dangereux ; ceux qui sont plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter".
"Désobéir" nous invite à cesser d'être des êtres ordinaires pour devenir des êtres libres ce qui signifie aussi des individus responsables qui agissent et décident en conscience. Et c'est bien plus compliqué qu'il y parait, car il s'agit surtout de désobéir pour une bonne raison : obéir à soi-même ! un soi-même exigeant et lucide qui renoncerait à "laisser pulluler les ambitions médiocres, céder à la facilité, laisser enfler le vulgaire, rapetisser le magnanime" afin que "la maîtrise parfaite de soi et l'obéissance souveraine à soi-même produisent un ordre intérieur". En quelque sorte il s'agit de redevenir un sujet politique et éthique. La clarté de la définition de l'éthique par Gros facilite grandement la lecture "ce que j'appelle ici éthique c'est la manière dont chacun se construit et travaille un certain "rapport" à partir duquel il s'autorise à accomplir telle chose, à faire ceci, plutôt que cela (...) Obéir, désobéir, c'est donner une forme à sa liberté".

Dès le début de l'essai, Frédéric Gros énonce en quelques pages comment nous avons accepter l'inacceptable et décrit les motifs qui "auraient dû depuis longtemps susciter notre désobéissance et devraient la provoquer encore aujourd'hui". En premier lieu, le creusement des injustices sociales, des inégalités de fortune et son corollaire la cupidité qui entraine l'enrichissement des riches, l'appauvrissement des pauvres et l'effondrement progressif de la classe moyenne ; le second point intolérable est la dégradation de notre environnement, la Nature selon les mots de Gros "suffoque" et nous avec. La dernière chose inacceptable se résume en un mot : capitalisme. Spéculation financière, endettement généralisé, accélérations par les nouvelles technologies... conduisent à une course en avant suicidaire qui épuise à la fois les humains et la Nature. Dès lors, "La vraie question ce n'est pas pourquoi les gens se révoltent, mais pourquoi ils ne se révoltent pas"( Wilhem Reich). Pour rétablir un certain équilibre intérieur et retrouver une forme d'intégrité morale et politique désobéir s'avère d'abord un remède et une victoire sur soi-même. En refusant le conformisme généralisé et l'inertie du monde, chacun peut redevenir un sujet politique s'autorisant une dissidence civique.
La lecture passionnante de l'essai déroule les nombreuses inepties du monde moderne, les soumissions et les résignations politiques qui conduisent aux catastrophes humaines et écologiques. Mais cet ouvrage ne fait pas que lister les formes d'esclavage de la pensée et de l'action, il propose des "remèdes" dont le plus absolu et le plus difficile à avaler, sans doute, est le recouvrement de sa propre liberté afin de ne pas être ce que La Boétie nomme dans Discours sur la servitude volontaire "les traitres de vous-même". "Penser c'est se désobéir, désobéir à ses certitudes, son confort, ses habitudes"
Une lecture hautement recommandable qui devrait être dans toutes les bibliothèques publiques et privées. Un livre à lire, relire et offrir.
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