Citations sur Désobéir (88)
La République, l'État, le Souverain n'ont rien de mystique, rien de sacré, rien de vertical. Le gouvernement est un mal nécessaire dont il faut juste espérer qu'il gouverne le moins possible.
9. La promenade de Thoreau (p.169).
Dostoïevski avait mesuré ce risque dans une formule saisissante : nous sommes, écrivait-il, tous responsables, de tout et devant tous, "et moi plus qu'un autre". Moi plus qu'un autre, parce que, invoquant les autres, je risque de diluer ma responsabilité. Après tout, si nous sommes tous responsables, c'est peut-être que je suis un peu moins responsable que tous les autres, ou plutôt que je suis d'autant moins responsable moi que nous partageons à plusieurs la responsabilité.
Ce livre pose la question de la désobéissance à partir de celle de l'obéissance, parce que la désobéissance, face à l'absurdité, à l'irrationalité du monde comme il va, c'est l'évidence.
Pourquoi obéissons-nous et surtout : comment obéissons-nous ? Nous avons besoin d’une stylistique de l’obéissance qui seule pourra nous inspirer une stylistique de la désobéissance.
La philosophie est-elle autre chose que cette médecine pour prévenir les maladies provoquées par des erreurs de jugement ? Ces maux blessent l'âme jusqu'à l'altérer, la dénaturer, la rendre définitivement viciée. On meurt de fausses idées, on est malade d'opinions imbéciles. Le corps survit, la peau tient bon, mais l'âme est définitivement pourrie. Or la thérapie est toujours la même : l'examen. Peser les raisons, s'interroger soi en questionnant l'autre, interroger l'autre pour se questionner soi-même, s'attacher à bien juger.
Les monstres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être vraiment dangereux; ceux qui sont plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter.
Primo Levi
« Avec la disparition de la classe moyenne , c'est l'existence d'un monde commun qui se perd-les idéaux d'utilité générale, de bien public ayant toujours eu comme fonction de préserver la consistance d'une classe moyenne qui imposait des limites à l'extrême misère et à l'extrême richesse, et constituait, comme l'écrivait il y a plus de vingt siècles Euripide dans ses Suppliantes, la possibilité même de la démocratie . »
Le Christ refuse de se constituer en Maître de Justice dans le partage des biens, en Maître d’une Vérité garantie pour tous et objectivement vérifiée, en Maître de puissance subjuguante et rassemblante. Bref, le Christ ne veut pas produire de l’obéissance, il exige de chacun cette liberté où il croit voir tenir la dignité humaine.
Le peuple n'est pas soumis bien qu'il soit le nombre, mais parce qu'il est le nombre (Simone Weil). Si la majorité est silencieuse, c'est surtout parce qu'il lui est difficile de trouver une seule voix ; elle est silencieuse parce que trop immédiatement cacophonique. P53
Personne, écrit Thoreau, ne peut être moi « à ma place ». On désobéit depuis cette prérogative. Personne ne peut penser à ma place, et personne ne peut décider à ma place de ce qui est juste et injuste. Et personne ne peut désobéir à ma place. Il faut désobéir depuis ce point où on se découvre irremplaçable, au sens précis de faire cette expérience de l’indélégable, faire l’expérience que « c’est à moi de le faire » (mea res agitur), que je ne peux reporter sur personne d’autre la tâche d’avoir à penser le vrai, à décider du juste, à désobéir à ce qui me paraît intolérable.