Personne n’est à l’abri. Qui pourrait les empêcher ? Les gens disparaissent en pleine rue, à la sortie de leur travail, derrière le portail des écoles, dans leur salon. Ils laissent derrière eux un geste, une parole en suspens, une porte qui grince, une clope qui se consume sur le rebord d’un cendrier, un livre ouvert au milieu d’un chapitre, un mari, une femme, des amis, des enfants. Certains sont des militants politiques, mais pas tous. Ils sont boucher, étudiant, pharmacien. Hier, une mère m’appelait pour me raconter que son fils a été attrapé à l’hôpital alors qu’il passait une radio des poumons. Elle n’a retrouvé de lui qu’une gourmette métallique, ses chaussures et le cliché de son thorax. Elle ne reverra sûrement jamais sa gueule mais au moins elle peut suspendre ses poumons dans son salon. Tu vois, Kaouthar, c’est ça , la logique d’effacement.