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Citations sur La politique de la Terreur : Essai sur la violence révo.. (65)

Les contre-révolutionnaires confondent le cours de la Révolution avec ses principes, tandis que les révolutionnaires les séparent trop rigoureusement. Toute la difficulté est de penser ensemble ce que la Terreur a eu de contingent et ce qu'elle a eu de nécessaire.
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En investissant la volonté du pouvoir engendrer l'histoire, et en faisant de la volonté un instrument au service de la construction du sociale par la raison, les hommes de 1789 ont inventé l'idée moderne de révolution.
Dès la fin de 1790, Burke donna l'alerte en mesurant, l'un des premiers, l'abîme de violence et de despotisme où pouvait conduire l'ambition purement volontariste visant à refaire une société à partit des droits abstraits d'individus soustraits à tout enracinement social ou historique.
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[Massacres de septembre 1792] Beaucoup s'enfermèrent à double tour, mais beaucoup d'autres continuèrent de se livrer à leurs occupations comme si de rien n'était : le soir, les théâtres faisaient salle comble. Un an plus tard, des foules immenses assisteront au supplice de Bailly, à celui de Marie-Antoinette, plus tard encore à ceux d'Hébert ou de Robespierre : des foules non pas de "tricoteuses", mais de bourgeois semblables à celui qui était passé avec les siens devant la prison des Carmes. Si les troubles civils ont une particularité, c'est d'éteindre toute compassion dans le coeur des hommes ordinairement les plus doux.

p. 237
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Dans le tumulte de 1789 surgit donc l'idée moderne de révolution. En elle se marient plusieurs croyances : en l'efficacité de la raison ; en la malléabilité indéfinie du réel. La volonté mise au service de la connaissance pour transformer la réalité : telle est l'essence de la révolution moderne, mais aussi ce qui ouvre sous ses pas le gouffre du déferlement de la violence et de la terreur. Les croyances que je viens de désigner permettent en effet de concevoir le projet de reconstruire la société selon un plan tracé d'avance et affranchi de tout ancrage dans la tradition et dans l'histoire. Autrement dit, il n'est pas d'utopie, même extravagante, qui ne puisse, armée de la volonté politique, prétendre modeler la réalité. Dès lors, la terreur peut devenir l'aboutissement presque inévitable des efforts visant à faire coïncider l'idéal et la réalité, puisqu'il faudra pour finir supprimer la réalité et les obstacles qu'elle oppose nécessairement à l'idéal.

Sans doute, la transformation du réel par l'action de la volonté n'est pas en elle-même un phénomène nécessairement terroriste. Le supposer reviendrait en effet à nier la politique même, qui consiste précisément à appliquer la volonté à la réalité. La terreur devient en revanche un aboutissement plausible, voire dans certains cas fatal, lorsque l'action politique, méconnaissant les limites que lui opposent les circonstances, prétend atteindre toutes les fins qu'elle s'est assignées. Cessant alors de seulement viser à des compromis entre le bien rationnellement conçu et les pesanteurs réelles, la politique déserte le domaine du possible pour tendre à l'absolu.

L'association du "volontarisme" et du "constructivisme" constitue ainsi la première racine de la terreur révolutionnaire. L'histoire de la terreur dans la Révolution française ne commence, de ce point de vue, ni en 1793 ni même en 1791 ou 1792 ; elle est consubstantielle à la Révolution qui, dès 1789, se présente comme une pure aventure de la volonté.

p. 50
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L'absorption de la politique par la morale à laquelle aboutit, entre 1792 et 1794, le discours robespierriste sur la révolution, par ajustement, dévoilement et explicitation progressifs, constitue précisément le socle idéologique du système de pouvoir qui se met en place après la mort de Danton. Parce qu'elle est désormais mise au service de l'accomplissement des fins morales de la Révolution française, la Terreur reçoit un caractère indéfini. Elle n'a plus de fin convenable en termes de circonstances extérieurs ou objectives puisqu'il ne peut y avoir de fin à ce qui en justifie le déploiement : les passions, l'égoïsme des individus, les factions... ; seulement toujours plus de terreur, afin de « remplir les vœux de la nature, accomplir les destinées de l'humanité, tenir les promesses de la philosophie, absoudre la Providence du long règne du crime et de la tyrannie », et, un jour, substituer « toutes les vertus et tous les miracles de la république à tous les vices et tous les ridicules de la monarchie* ».

*Rapport du 5 février 1794, dans Robespierre, /Œuvres/ t.X, p.352.
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La terreur gît sans doute comme une virtualité inscrite au cœur de toute entreprise volontariste, sous la forme d'un recours à la violence pour dompter des choses ou des hommes. Elle constitue en cela un horizon possible dans tous les contextes. Mais sa probabilité augmente quand ce qui doit être déraciné — traditions, habitudes, inégalités, croyances, institutions — forme une réalité plus tangible. De ce point de vue, l'exception ne réside pas dans le cas français, mais dans le modèle américain de révolutions, qui résulte d'une conjonction de facteurs trop singulière pour être aisément reproductible. La révolution de 1776-1787 n'a pas eu d'héritiers, tandis que celle de 1789 trouva plus tard des émules dans d'autres vieilles nations historiques où le poids des obstacles nourrissait la passion révolutionnaire.
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En tenant compte de cette dernière caractéristique, et en écartant du champ proprement dit de la terreur ces lois d'exception dont la majorité peut user momentanément pour réduire une minorité qui la menace, la terreur peut être définie comme une stratégie par laquelle un groupe ou les détenteurs du pouvoir d'Etat recourent à la violence et à l'arbitraire en vue de créer le sentiment de peur et d'insécurité qu'ils estiment nécessaire pour faire triompher des revendications particulières ou pour conquérir le pouvoir ou pour s'y maintenir contre le voeu de la majorité. Ni la violence des foules, ni les mesures de rigueur que peuvent imposer les circonstances à l'autorité légitime n'ont, à proprement parler, leur place dans l'histoire de la terreur.
(Pages 39 et 40).
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La terreur est l'aboutissement inexorable de la révolution considérée dans sa dynamique. Ce ne sont ni les oppositions externes ni les obstacles internes auxquels se heurte la Révolution française qui expliquent la radicalisation de celle-ci, mais les luttes fratricides entre ses partisans, la concurrence qui oppose les révolutionnaires aux révolutionnaires.
(Page 227).
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Sous couvert de rétablir la paix civile, la loi du 29 novembre 1791 créa en réalité les conditions d'une interdiction effective du culte réfractaire. Elle stipula que les ecclésiastiques qui refuseraient de prêter serment à la Constitution seraient privés de leurs traitements et pensions et "réputés suspects de révolte contre la loi et de mauvaise intention contre la patrie" ; en cas de troubles, même s'ils étaient victimes, l'administration du département, après consultation de son homologue du district concerné, pourrait ordonner leur déportation provisoire "du lieu de leur domicile ordinaire", ou, en cas de "désobéissance", les déférer devant les tribunaux où ils seraient passibles d'une peine de deux ans de détention.
(Page 154).
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Lorsque Marat parle d'abattre "quelques têtes", ces mots n'ont pas le sens qu'on leur donne communément. Ici, "quelques têtes" signifie aussi bien plusieurs milliers. En juillet 1790, il déplore que l'on n'ait pas immolé les cinq cents coupables dont la mort aurait permis d'assurer, au moins pour quelque temps, le bonheur de la nation ; un mois plus tard, le chiffre des victimes à sacrifier passe à six cents, puis bondit à la fin de l'année à vingt mille, pour doubler après la chute de la royauté et atteindre le chiffre très précis de deux cent soixante-dix mille traîtres à éliminer en novembre 1792. Violence regrettable sans doute, concède Marat, mais indispensable, et même humanitaire si on la compare aux vingt mille patriotes que la contre-révolution, assure-t-il, a déjà assassinés et aux cinq cent mille autres dont elle a juré la mort.
(Pages 70 et 71).
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