Elle palpe ses seins, parcoure ses hanches de ses mains, puis elle détourne vivement la tête. Si elle était vraiment désirable, Ethan la voudrait encore. Elle ne supporte plus de voir ce corps qui ne suffit pas à garder ses prétendants.
Les hommes qu’elle a fréquentés la trouvent désirable. Du moins, c’est ce qu’ils disaient tous avant de la quitter. Sous leur regard, quand ils la contemplaient dans l’intimité des jeux érotiques, elle s’estimait harmonieuse. Attirante dans les meilleurs jours.
La fatigue annihile toute volonté. Elle devrait se coucher, mais la peur l’empêche de fermer les yeux. Elle sait le visage qu’elle verra une fois les paupières closes. Elle sait la tristesse de sa vie et ce qui l’attend si elle ne trouve pas vite des solutions. Alors, dormir ? Non, c’est impossible. Elle s’efforce de mastiquer. Si elle ne mange rien, ce sera pire demain. Son regard se perd sur le mur de la cuisine face à elle. Un vieux carrelage bleu ciel. Démodé. Mais au moins, c’est chez elle. Pour combien de temps encore ? Elle soupire. Stop ! Ne plus penser ! Ce qu’elle avale lui donne la nausée, mais elle ne lâche rien.
J’aurais dû lui offrir à manger plutôt que des pièces. Il risque de les dépenser à mauvais escient. C’est trop tard. Il pourrait avoir une mauvaise réaction si elle reprenait l’argent, même en échange d’un bon hamburger.
Le sans-abri n’a pas d’âge. Ses cheveux hirsutes, sa barbe aussi épaisse que sale, sa peau crasseuse, le rendent indéchiffrable. Il peut avoir entre trente-cinq et cinquante-cinq ans. C’est impossible à dire. C’est navrant, mais observer cet inconnu détourne l’attention d’Isabelle de son propre sort. Une boîte de conserve ouverte traîne près de lui.
Otis déteste les fashions faux pas et en bon sniper, quand il en repère un, il le dézingue. Raven fait régulièrement partie de ses victimes. Il s’arrange juste pour qu’elle ne l’entende jamais.
Le souvenir de leurs ébats lui laisse l’impression d’être souillée. Elle croyait ses sentiments partagés. Jamais elle ne serait livrée avec tant de passion si elle avait su que ce n’était pas le cas. Elle l’a aimé sans réserve. Elle l’aime encore.
La coiffure est une passion qui la rend heureuse et participe à son équilibre. Aussi mal payée soit-elle. Aussi triste soit-elle.
La vie s’anime progressivement dans le salon de coiffure. D’autres clients arrivent et Isabelle peut lâcher son balai. Prendre soin de ces gens souvent stressés, ou simplement en mal de contact, est un vrai plaisir pour elle. Elle les shampouine avec douceur, leur masse le cuir chevelu et prend soin de leur coupe. Elle a plutôt la côte avec eux. Surtout les vieilles dames qui l’adorent. Elles peuvent radoter à souhait sans jamais la lasser.
Isabelle a l’impression d’entendre des ricanements derrière la voix d’Ethan. Impossible de savoir si c’est son imagination, un rire alentour, ou la réalité.