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Critique de michfred


Maurice Guérin est un des 53 Désemparés du livre de Patrice Delbourg  dont je vous parle depuis le début de ce confinement.

D'origine modeste, il donne dans La peau dure ,  la parole  à trois femmes du peuple:  une employée de maison, une culottière en usine et une troisième sans profession déterminée, un peu cocotte, un peu pocharde, un peu rebelle. 

Trois victimes des hommes:  leur père, leurs amants, leurs maris, leurs patrons.
Trois victimes d'une société cruelle aux faibles , surtout quand  ce sont des femmes.

Clara, Jacquotte et Louison. Trois soeurs .

On est très loin de Tchekhov et de ses subtils émois sentimentaux.
Les états d'âme sont un luxe, quand on manque du nécessaire - un toit, un repas, une paye-  , quand on ne peut se faire soigner, faire valoir son innocence, défendre son bon droit, garder l' enfant qu'on  a élevé ou choisir de ne pas mettre au monde celui qu'on ne pourra élever.
 
Trois soeurs à la Peau dure et mises très jeunes à rude école: dénoncées et inscrites au STO par leur propre père, un veuf pressé de refaire sa vie en se débarrassant de ses trois grandes,  elles sont jetées dans la vie deux ans après la fin de la guerre sans protection,  sans formation, sans filet.

Clara,  la soumise, se laisse porter par les événements,  fait abusivement de la prison et ne doit son salut qu'à une patronne un peu plus compatissante que les autres. Jacquotte, sage et douce,  a deux atouts: une formation de culottière  et un mari. Mais  sa mauvaise santé la fragilise et elle perd tout.  Seule Louison a la lucidité,  la niaque et la révolte qui pourraient l'aider à balayer d'un revers de main ces cartes biseautées et ces dés pipés qui lui ont été distribués à  la naissance. Mais le sexe et le vin vont la perdre.

Écrit à l'os, dans un parler populaire et parfois cru, sans s'embarrasser d'analyse ni de commentaire La peau dure s'en tient au factuel.

Sans épiloguer, sans conclure, avec une modernité très brutale dans l'écriture et dans la composition qui, d'une soeur à  l'autre, voit chaque récit s'étrécir comme une peau de chagrin.

Et c'est bien dans le chagrin que nous plonge cet âpre constat, dans un chagrin social, dans un chagrin de femmes, comme il y a un parfum de femmes, un chagrin qu'on aurait bien vu chez Zola ou Mirbeau, mais qui se situe en 1947, en France.

Et qui doit encore être le lot de bien des obscures, des petites , des sans-grade de cette armée des ombres dont la révolte commence enfin , du moins sous nos latitudes, à faire entendre ses soubresauts...
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