AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,09

sur 46 notes
5
4 avis
4
10 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis
Maurice Guérin est un des 53 Désemparés du livre de Patrice Delbourg  dont je vous parle depuis le début de ce confinement.

D'origine modeste, il donne dans La peau dure ,  la parole  à trois femmes du peuple:  une employée de maison, une culottière en usine et une troisième sans profession déterminée, un peu cocotte, un peu pocharde, un peu rebelle. 

Trois victimes des hommes:  leur père, leurs amants, leurs maris, leurs patrons.
Trois victimes d'une société cruelle aux faibles , surtout quand  ce sont des femmes.

Clara, Jacquotte et Louison. Trois soeurs .

On est très loin de Tchekhov et de ses subtils émois sentimentaux.
Les états d'âme sont un luxe, quand on manque du nécessaire - un toit, un repas, une paye-  , quand on ne peut se faire soigner, faire valoir son innocence, défendre son bon droit, garder l' enfant qu'on  a élevé ou choisir de ne pas mettre au monde celui qu'on ne pourra élever.
 
Trois soeurs à la Peau dure et mises très jeunes à rude école: dénoncées et inscrites au STO par leur propre père, un veuf pressé de refaire sa vie en se débarrassant de ses trois grandes,  elles sont jetées dans la vie deux ans après la fin de la guerre sans protection,  sans formation, sans filet.

Clara,  la soumise, se laisse porter par les événements,  fait abusivement de la prison et ne doit son salut qu'à une patronne un peu plus compatissante que les autres. Jacquotte, sage et douce,  a deux atouts: une formation de culottière  et un mari. Mais  sa mauvaise santé la fragilise et elle perd tout.  Seule Louison a la lucidité,  la niaque et la révolte qui pourraient l'aider à balayer d'un revers de main ces cartes biseautées et ces dés pipés qui lui ont été distribués à  la naissance. Mais le sexe et le vin vont la perdre.

Écrit à l'os, dans un parler populaire et parfois cru, sans s'embarrasser d'analyse ni de commentaire La peau dure s'en tient au factuel.

Sans épiloguer, sans conclure, avec une modernité très brutale dans l'écriture et dans la composition qui, d'une soeur à  l'autre, voit chaque récit s'étrécir comme une peau de chagrin.

Et c'est bien dans le chagrin que nous plonge cet âpre constat, dans un chagrin social, dans un chagrin de femmes, comme il y a un parfum de femmes, un chagrin qu'on aurait bien vu chez Zola ou Mirbeau, mais qui se situe en 1947, en France.

Et qui doit encore être le lot de bien des obscures, des petites , des sans-grade de cette armée des ombres dont la révolte commence enfin , du moins sous nos latitudes, à faire entendre ses soubresauts...
Commenter  J’apprécie          450
Ce livre m'a d'abord permis de faire connaissance avec l'auteur, Raymond Guérin, fils du peuple qui accéda aux lettres – et donc soutenu par Camus. C'est en lisant les mésaventures des soeurs Clara, Jacquotte et Louison, qu'on mesure le progrès social et l'amélioration de la condition des femmes qui, après-guerre, constituaient la masse silencieuse et résignée du prolétariat. Elles trimaient dans les ateliers, les blanchisseries ou les tavernes (voir p 81). Pour plus de confort (mais aussi de servitude), elles choisissaient de travailler dans une famille aisée, ce qui leur garantissait le gîte et le couvert. L'ascenseur social n'avait qu'un bouton : le mariage avec un homme plus fortuné. Mais on découvre qu'un beau minois ne tire pas forcément d'affaire, entre entourloupes et grossesses non désirées. Les hommes, toujours en position d'abuser de leur pouvoir (la force ou l'argent) ont la main leste et la morale oublieuse. Toutes ces femmes, qui semblent sorties d'un Downton Abbey à la française, subissent la loi de l'argent devant lequel se plient la justice, la santé et la réputation. Louison témoigne, désabusée : « Tous ces gens-là, les médecins, les avocats, les curés et les juges c'est tout plus charlatan l'un que l'autre. Ça vous régale de belles paroles. Mais avec eux, il faut toujours finir par passer à la caisse ». Je ne sais pas si ce livre est un plaidoyer pour les laissés-pour-compte (accroche de la quatrième de couverture) mais c'est une bouleversante reconstitution de la dure vie de labeur des femmes dans les années quarante. En le lisant, je me suis dit qu'en 2019, l'existence de beaucoup de femmes hors d'Europe (Inde, Chine, Pakistan, Thaïlande) devait ressembler à celle des protagonistes de « La peau dure » : trouver un mari, se placer, éviter trop d'enfants, manger à sa faim, se réjouir de petits riens.
Commenter  J’apprécie          270
C'est mon club de lecture du mois de novembre qui m'a présenté cette réédition récente d'un livre sorti en 1948, La peau dure de Raymond Guérin. On était deux sur le coup, mais avec mon amie du Club de lecture (elle se reconnaîtra!), on s'est arrangé pour que je le lise rapidement et que je le lui passe après. J'ai beaucoup pensé aussi à Dixie39, durant ma lecture et si je ne me trompe pas, ce livre devrait lui plaire! (Comment ça, je suis une tentatrice? Meeeeuh non, pas du tout!).

La peau dure est le récit de trois jeunes soeurs dans la France des années 40 : Clara, Jacquotte et Louison. Malheureusement, elle n'ont pas eu la vie facile : encore adolescentes pendant la Guerre, leur mère meurt de maladie. Leur père qui s'est remis en concubinage avec une autre femme peu de temps après, estime alors qu'il a trop de bouches à nourrir. Il décide d'envoyer ses trois filles aînées, en Allemagne pour participer aux STO (Service du Travail Obligatoire), sans leur demander leur avis. A la Libération et de retour en France, les trois soeurs décident de reprendre leur vie en main, chacune à leur manière…

Le livre est divisé en trois parties dont chacune se fait l'écho des trois soeurs. le point de vue adopté est interne, ce qui permet au lecteur de se sentir proche d'elles, voire d'être leur confident. A la lecture du style, on sent que ce sont des femmes issues d'un milieu modeste et qui n'ont pas eu la chance de bénéficier d'une éducation : elles usent d'un vocabulaire argotique, font des phrases courtes et peu élaborées, ne comprennent pas certains termes utilisés par leur employeur (comme Clara avec le mot « coma »), etc… Mais ce sont des femmes courageuses qui se battent contre les mauvaises fortunes de leur condition et les carcans imposés par la société.

En cela, La peau dure est ouvertement féministe et dénonce les affronts faits aux femmes :
– L'avortement ou le droit refusé aus femmes de disposer de leur propre corps : Clara se fait ainsi arrêter par la police car elle a été dénoncée pour s'être faite avortée quelques années auparavant. En effet, en 1942, le gouvernement de Vichy avait fait de l'interruption de grossesse, un crime et la peine encourue était la condamnation à mort. (Pour rappel, l'avortement ne sera dépénalisé qu'en 1975 grâce à la Loi Veil).
– le divorce : Jacquotte a toujours eu une santé fragile et lorsque son mari Henri se rend compte que les soins coûtent trop chers, il demande le divorce ainsi que la garde de leur fille, Marie-Ange. le juge se prononce en faveur du mari, laissant Jacquotte sans ressources.
– Les violences faites aux femmes : Jacquotte, après son divorce s'est trouvé un nouveau protecteur en la personne de François, son employeur. Or, il s'avère que ce dernier n'a pas la main leste…
– L'émancipation sexuelle : au contraire de Clara qui a choisi le travail pour s'émanciper ou Jacquotte, le mariage, Louison quant à elle, préfère la voie de l'illégalité. En effet, son amant Jo l'entraîne alors dans ses combines du marché noir. Et la jeune femme, follement amoureuse, ne tarde pas à tomber dans les affres de l'alcool, puis de la violence…

En conclusion, trois soeurs et trois choix de vies. La société de la France des années 40 demeure encore défavorable aux femmes et les place de fait dans un statut inférieure aux hommes. Pourtant, Clara, Jacquotte et Louison essayeront toutes de prendre leur vie en main et de se battre. La peau dure est un roman implacable, âpre mais ô combien moderne dans son discours féministe! Bref, un petit coup de coeur!
Lien : https://labibliothequedaelin..
Commenter  J’apprécie          202
Raymond Guerin était pour moi un auteur inconnu et @leslecturesderudy m'ont donné envie de le découvrir.

Ce roman est un manifeste féministe. Par la voix de se trois héroïnes, i dénonce la condition des femmes dans cette France de l'après guerre, où règne encore le patriarcat. Il pose toutes les questions : le droit à l'avortement , les violences conjugales, le désir et le plaisir féminin.

Une excellente découverte






Commenter  J’apprécie          80
Ecrit en 1948 et longtemps introuvable et il me faut remercier la maison d'édition Finitude qui m'a permit de lire ce petit bijou .
L'histoire est simple : trois soeurs ,trois destins. Chacune d'elle raconta sa vie et les trois récits s'entremêlant nous font découvrir le sort réservé aux femmes au milieu du siècle précédent mais également la société de l'époque avec sa morale et ses classes sociales bien distinctes. Très bien écrit avec des différences de ton et d'expression suivant la soeur qui parle ce qui permet de comprendre ce qui les unit mais également toutes leurs différences . Un petit roman en nombre de pages mais grand de par son contenu.
Commenter  J’apprécie          41
Petit roman en trois parties pour trois soeurs, orphelines de mère, frappées par leur père, lequel s'en débarrasse bien vite au STO.
Au retour, chacune choisit/subit un destin qui est le reflet mêlé de sa personnalité et de la prédestination sociale. Clara se place comme bonne à tout faire chez des bourgeois plutôt sympas (seule entrave aux normes du récit misérabiliste), mais est rattrapée par le spectre de son avortement qui lui vaut quelques mois de prison ; Jacqueline, tuberculeuse, heureusement mariée à un homme amoureux, mais apprend à ses dépens que les belles-mères sont des vachardes, et que les jeunes hommes n'aiment pas longtemps les femmes malades, elle perd tout à la fois son mari, son indépendance, et la garde de son enfant. Louison devient fièrement une femme entretenue mais n'en souffre pas moins des affres d'une femme romantique et amoureuse d'un coureur négligent.

En tant que catalogue des misères faites aux femmes, dans ce contexte de précarité d'après la guerre, c'est assez réussi. Même Louison, qui est tentée par un acte de rébellion à découvrir, prend le risque de s'enfermer un peu plus dans l'aliénation. Raymond Guérin fait le choix de donner la parole à chacune des trois femmes l'une après l'autre, dans son pauvre langage et ses pensées restreintes. le résultat est un ouvrage un peu distant, qui donne à voir sans s'apitoyer. Plus une parole militante qu'une réelle réussite romanesque.
Commenter  J’apprécie          20
La Peau Dure, de Raymond GUERIN :
Féministe, social…
Vous allez me dire un homme qui parle de la condition des femmes ? Cela parait impossible et pourtant ! On est fin des années 1940, en 128 pages, l'auteur nous raconte le vie de trois soeurs, qui subissent une société entre les mains d'hommes blancs riches. Je ne dis pas que les femmes ne sont que des victimes, car, elles peuvent avoir des passe-droits (vous le découvrirez dans le livre tout seul), si elles ont un peu d'argent. Bon, faisons la liste non exhaustive des thématiques de ce plaidoyer humaniste :
- L'avortement ( Clara arrêtée pour une accusation farfelue d'avortement venant d'une autre femme pas très innocente) ; notre héroïne va passer environ 15 jours en prison, avant d'être libérée.
- L'humiliation au poste de police qui dure 3 jours, qui nous retourne l'estomac, car trois des besoins fondamentaux de l'être humain sont mis à mal, le sommeil (un banc en bois pour dormir), l'alimentation (quasiment pas d'accès à la nourriture), l'hygiène (je n'ose pas en parler, je vous laisse le découvrir par vous-même).
- le divorce, même quand c'est l'homme qui a tous les torts devant la justice, cela reste la faute des femmes.
- La garde des enfants, c'est la même chose que pour le divorce, avec en plus des personnages comme le prêtre qui prend fait et cause pour le père, vu qu'il est sûr et certain que c'est la mère qui doit-être fautive (on ne sait pas de quoi ?).
- Les violences faites aux femmes ( Jacquotte qui, après son divorce se retrouve à vivre avec son patron, qui, en plus d'être un fainéant, la bat).
- La soumission au père, qui les envoie faire le STO en Allemagne pour se débarrasser d'elles.
- L'autre voie qui n'est ni celle du mariage ni celle du placement comme bonne à tout faire et qui se trouve être choisie par la dernière, Louison, qui semble plus libre mais à quel prix ?
En ce qui concerne la partie plus particulièrement sociale du roman :
On trouve ici un exemple de la condition ouvrière de cette époque, une forme d'aliénation au travail ( « On sortait de là comme si on nous avait fichu des coups de marteau sur la tête »).
Cet ouvrage, nous montre la société que souhaitent ceux qui voudraient interdire l'avortement de nos jours. L'auteur parle le langage des personnages qu'il met en scène. Il me semble que Raymond GUERIN prend la parole une fois dans son livre sous les traits d'un de ses personnages, progressiste. Personnellement étant féministe, je me réjouis de découvrir un auteur homme déjà engagé en 1948 pour la condition des femmes. C'est un vrai coup de coeur pour un OVNI de la littérature.

Lien : https://www.facebook.com/gro..
Commenter  J’apprécie          20
Un livre court, 3 soeurs , une période d'après-guerre,la condition féminine.Avec ce roman, on traverse avec ses femmes les diktats sociaux,la violence des coups , et on se demande comment elles ont supporté tout cela sans se révolter.Un reflet de la société d'après-guerre sur la condition de la femme qui est bien décrit , 3 histoires différentes qui pourrait encore s'appliquer de nos jours.
Commenter  J’apprécie          10
Trois courts récits sur trois soeurs. Et c'est le principal reproche que je ferai à ce roman, car même si les récits s'imbriquent, j'ai plus eu l'impression de lire trois longues nouvelles plutôt qu'un roman.
Trois témoignages de femmes aux personnalités et aux aspirations différentes .
Trois parcours de vie, trois manières de survivre à la difficile condition des femmes pauvres et sans instruction.
Une forme d'acceptation de sa condition par la première qui malgré les injustices ne se rebelle pas .
Une forme de soumission de la seconde, dont la mauvaise santé et l'amour qu'elle porte à son enfant l'oblige à subir des violences domestiques.
Une forme de rébellion de la troisième qui tentera de s'extraire de sa condition grâce aux hommes.
Trois femmes à la peau dure confrontée à la violence ou la lâcheté des hommes, aux institutions pour lesquelles la parole et l'existence d'une femme, qui plus est pauvre, n'a aucune valeur, à la société qui se préoccupe peu de leur sort.
Trois femmes à la peau dure, qui racontent des moments de leurs vies, sans misérabilisme, sans pathos, avec des mots simples.
Trois récits dans lesquels on ressent la sincérité de l'auteur, sa volonté de dénoncer et son affection pour ceux et celles dont l'existence est une lutte quotidienne.


Commenter  J’apprécie          10
« Laisse donc, bobonne , qu'il disait, en clignant de l'oeil, ça les dressera, elles ont la peau dure ! »
C'est ainsi que le père parlait de ses 3 filles, Clara, Jacquotte et Louison.
Celles-ci se confient à nous tour à tour et, de leur gouaille populaire, nous racontent leurs vies de femmes dans l'immédiate après-guerre. Orphelines de mère, rejetées par leur père, malmenées par la vie, chacune à sa façon essaiera de se faire une place dans une société qui ne leur donne pas beaucoup de chance.
Roman que l'on peut qualifier de féministe, écrit en 1948 et par un homme, voilà déjà de quoi attiser la curiosité.
L'oeil acerbe de Raymond Guérin nous plonge dans une époque où la domination patriarcale n'est pas encore un sujet d'actualité mais toutefois une réalité bien présente.
Étude sociologique voire même historique, ce roman nous permet de constater les changements dans notre société depuis 70 ans… et comme certaines idées et concepts perdurent toujours de nos jours !
Une bonne idée en tout cas des éditions Finitude que de republier ce titre et remettre en avant Raymond Guérin, auteur quelque peu oublié (défendu à l'époque par Camus qui le rapprochait de Stendhahl) dont la verve est toujours actuelle.
À (re)découvrir !

Commenter  J’apprécie          11




Lecteurs (105) Voir plus



Quiz Voir plus

Les emmerdeuses de la littérature

Les femmes écrivains ont souvent rencontré l'hostilité de leurs confrères. Mais il y a une exception parmi eux, un homme qui les a défendues, lequel?

Houellebecq
Flaubert
Edmond de Goncourt
Maupassant
Eric Zemmour

10 questions
562 lecteurs ont répondu
Thèmes : écriture , féminisme , luttes politiquesCréer un quiz sur ce livre

{* *}