Anaïs Bécam, trente-deux ans, célibataire dotée d'un léger embonpoint, est chroniqueuse pour Radio Azur, la station locale de Kérioret, sa ville natale. Elle est en charge des billets d'humeur de la station, et ses chroniques quotidiennes font le bonheur de ses concitoyens.
Malgré le succès de ses interventions sur Radio Azur, la jeune femme souhaite évoluer et aimerait mettre au point une chronique culturelle dans laquelle elle évoquerait les spectacles, expositions, pièces de théâtre, films et romans qui méritent l'attention des habitants de la ville. Elle en parle avec son patron, Serge, qui marque son accord à une condition : qu'Anaïs écrive un roman et qu'elle le fasse publier. Il lui laisse un an pour relever le défi, après quoi leur accord sera caduc. Anaïs se déclare prête à se lancer.
Réfléchissant aux sujets les moins compliqués à traiter, Anaïs décide d'écrire sur ce qu'elle connaît : les résidents de son immeuble de la rue Haute. Petit à petit, son histoire se centre sur la relation compliquée que son héroïne, Maud, entretient avec Mme Dostenn, une voisine autoritaire et intolérante, double littéraire de Maryvonne Mordrel, l'une des copropriétaires de la résidence qu'Anaïs déteste cordialement. C'est donc avec jubilation que la jeune femme « tue » Mme Dostenn dans les pages de son roman : à défaut de pouvoir s'en prendre directement à Maryvonne, Anaïs prend plaisir à se défouler en imaginant la dispute à l'issue fatale entre Maud et Mme Dostenn et la mort de celle-ci dans le garage de la résidence.
Seulement voilà, quelques semaines après la parution du roman d'Anaïs, Maryvonne Mordrel est retrouvée morte dans le garage de l'immeuble de la rue Haute. Et la cause du décès est un coup à la tête, comme dans Mme Dostenn est morte… Qui donc s'amuse à plagier le roman d'Anaïs pour se débarrasser de Maryvonne ? La jeune femme est bien décidée à le découvrir.
J'ai passé un très bon moment de lecture grâce à ce beau roman d'
Armelle Guilcher !
La très belle plume de l'auteure n'y est d'ailleurs pas étrangère. Les mots sont simples, les phrases directes, et le récit coule de manière fluide : on est tout de suite happé par l'histoire d'Anaïs et les pages défilent sans que l'on s'en rende compte.
Armelle Guilcher prouve (si besoin était) qu'il n'est pas toujours nécessaire, pour un écrivain, de se perdre dans des métaphores compliquées ou du vocabulaire approximativement ambitieux : un style plus « abordable » peut parfois faire plus d'effet qu'un langage très soutenu. C'est le cas dans «
Ceux de la rue Haute ».
J'ai aussi beaucoup apprécie les différents personnages de l'histoire, même la terrible Maryvonne Mordrel, dépeinte avec beaucoup de mordant. Mais mon personnage préféré, c'est Anaïs, l'héroïne de l'histoire. La jeune femme est l'élément central de sa famille et de Radio Azur : la personne stable et fiable vers laquelle tous se tournent lorsqu'ils ont besoin de soutien ou de conseils. Et même si parfois cela la fatigue, on peut dire qu'elle s'en sort plutôt bien dans ce rôle. Ainsi, elle supporte les plaintes de sa mère et les frasques de son frère (presque) sans se plaindre. Elle reprend contact avec le père qu'elle n'a plus vu depuis des années et parvient à nouer des relations amicales avec la compagne de celui-ci. Elle soutient financièrement sa belle-soeur et s'occupe de son neveu. Et par-dessus le marché, elle enquête sur la mort de Maryvonne.
Car Anaïs se sent directement concernée par ce meurtre. Non pas parce qu'elle regrette la défunte : les deux femmes entretenaient en effet des relations peu amicales (attention, euphémisme). Mais parce qu'Anaïs craint d'être accusée de meurtre, vu que la façon dont Maryvonne est morte est une réplique exacte du meurtre de Mme Dostenn, la mégère du roman d'Anaïs.
L'enquête policière reste toutefois superficielle, et c'est surtout sur les relations humaines entre les différents personnages que le roman se concentre. On y découvre donc petit à petit les qualités et les défauts de chacun, les petites manies, les déboires et les galères. Et au fil des pages, on rentre de plus en plus dans l'histoire, car les personnages deviennent de plus en plus familiers et leurs histoires personnelles sont de plus en plus intéressantes à découvrir.
Au départ, je comptais découvrir ce roman après les fêtes de fin d'année, car je suis lancée dans des lectures de saison (préparation de la fête de Noël, bons sentiments, etc.) Mais j'ai fini par me laisser tenter et j'en suis bien contente, car
Ceux de la rue Haute est également, dans son genre, une excellente lecture de saison. Loin d'être parfaits et animés uniquement de bonté et de générosité (comme les autres lectures que j'ai découvert de ces jours-ci), les personnages d'
Armelle Guilcher sont humains et complexes et montrent que chacun peut s'améliorer et faire au mieux avec ce qu'il ou elle a. Leurs histoires rappellent aussi qu'il faut parfois savoir lâcher prise et passer outre ses préjugés ou inhibitions. Anaïs, qui renoue avec son père et finit par travailler temporairement dans le centre social de sa rue en est la preuve parfaite.